
Chaque ange invite l’homme à cheminer vers la ressemblance divine d’une manière qui lui est spécifique. Or ceci conditionne l’apparence morphologique qu’il revêt aux yeux de la conscience humaine. Nous nous attacherons donc, en recourant à la science du symbolisme, à répertorier quelques-unes de ces dispositions les plus fréquemment rapportées par la tradition judéo-chrétienne. Avant même de les aborder, il est intéressant cependant de remarquer que les anges apparaissent le plus souvent sous des formes anthropomorphiques. Or ces formes, porteuses de sens, facilitent toujours la perception des qualités particulières qu’elles incarnent.
Dans son ouvrage, Denys l’Aéropagite l’explique d’ailleurs fort clairement : « C’est par des images sensibles qu’Il a représenté les esprits supra-célestes, afin de nous élever, par l’entremise des sensibles, jusqu’aux intelligibles et, à partir des symboles qui figurent le sacré, jusqu’aux simples cimes des hiérarchies célestes. » De même, il écrit : « c’est de la façon la plus simple, en effet, que la Parole de Dieu a usée des très saintes fictions poétiques pour les appliquer aux esprits sans figure, ayant tenu compte, comme on l’a dit, du caractère de votre esprit. ». Toutefois, saint Bernard de Clairvaux (1090 – 1153) nous précise à ce propos : « Les esprits des Ordres supérieurs et des Ordres inférieurs ont besoin de corps, mais seulement pour donner du secours aux autres, et non pour en recevoir. ». Cette assertion est confirmée par les travaux de saint Thomas d’Aquin qui affirme, quand à lui : » Ce n’est pas pour eux que les anges ont besoin d’assumer des corps, mais pour nous… »
Ainsi, les divers aspects morphologiques revêtus par les entités célestes ont pour but de révéler à la conscience humaine, sous une forme symbolique et initiatique, les fonctions occultes qu’elles remplissent auprès des hommes bien que cette dimension symbolique soit également un aspect ontologique contribuant à l’exercice de leurs fonctions.
L’aspect androgyne

Dès le début du Moyen Âge, les anges furent représentés sous l’apparence de jeunes hommes efféminés. Pour bien comprendre ce que cette image évoque dans la perspective traditionnelle, nous devons savoir que le sexe masculin incarne fondamentalement l’action et l’extériorisation alors que le sexe féminin évoque la réceptivité et l’intériorisation. Dès lors, l’androgyne est l’image par excellence de celui en qui s’est accompli la noce mystique des contraires. En effet, si son apparence masculine en fait un être rayonnant sur le plan extérieur, la féminisation de ses traits nous indique que sa dimension extérieure a été investie par les forces spirituelles issues de l’intérieur (une dimension traditionnellement associée à la féminité). En fait, l’androgyne incarne symboliquement une conscience qui, à la fois réceptive et émettrice peut accueillir les énergies divines et les rayonner pleinement dans le monde. L’androgynat de l’ange nous révèle donc de manière éloquente le rôle fondamental qu’il exerce et consistant à transmettre aux humains (fonction masculine) les forces qu’il a reçues de Dieu (fonction féminine).
Les yeux

« Au milieu du trône et l’entourant, quatre animaux couverts d’yeux par-devant et par-derrière …. Les quatre animaux avaient chacun six ailes couvertes d’yeux tout autour et au-dedans. ». (Apocalypse IV, 6-8)
Il arrive souvent que les anges apparaissent couverts d’yeux. Or les yeux sont des organes de réception de la lumière qui a toujours été considérée comme le symbole de la divinité. Ainsi, « Yahvé est ma ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte? » (Psaume 27 (26), 1.) s’écrie le psalmiste. De même le prophète Isaïe affirme : « Tu n’auras plus le soleil comme lumière, le jour, la clarté de la lune ne t’illuminera plus : Yahvé sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera ta splendeur. Ton soleil ne se couchera plus, et ta lune ne disparaîtra plus, car Yahvé sera pour toi une lumière éternelle… » ( Isaïe LX, 10-20). Dès lors, l’oeil symbolise avant toute chose l’ouverture de la conscience aux réalités divines. A ce titre d’ailleurs, certains docteurs juifs prétendent que les yeux sont des organes que les Hébreux ne définissent qu’en fonction de la seule réelle vision à laquelle ils sont destinés : la Vision divine. « J’avais entendu parler de Toi, mais maintenant mon oeil Te voit! » affirme Job. (Job XLII,5.)
Plus encore, en évoquant l’ouverture de la conscience aux réalités divines, l’oeil symbolise également une aptitude à connaître Dieu. Il devint donc le symbole de la connaissance divine dans de nombreuses traditions religieuses. Le rite d’ouverture des yeux est d’ailleurs commun à de nombreuses écoles initiatiques et l’oeil devient un organe de la vision intérieure. Dès lors, nous sommes en présence de l’oeil du coeur ou de l’esprit, une expression chère aux mystiques qui désignent ainsi une capacité à percevoir la réalité divine au-delà des mirages et des illusions propre à notre monde. C’est d’ailleurs certainement en ce sens qu’il faut comprendre les nombreuses guérisons d’aveugles que le Christ opéra tout au cours de son ministère. C’est du reste ce qu’il déclara Lui-même : « c’est pour un discernement que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles. ». (Jean IX, 39). En d’autres termes, Il est venu dans le monde pour ouvrir la conscience aux réalités intérieures, les réalités divines (je suis venu en ce monde pour que ceux qui ne voient pas voient (la réalité véritable, celle de Dieu) et pour fermer aux réalités extérieures, celles de notre monde déchu, illusoire et éphémère, dont Satan est le prince (je suis venu en ce monde pour que ceux qui voient deviennent aveugles (à la fause réalité, celle de Satan).
Considérant ce symbolisme propre à l’oeil, le fait que les anges soient couverts d’yeux peut souligner leur capacité à percevoir les réalités divine de manière exceptionnelle. Ajoutons en outre que ces yeux ne se ferment jamais, évoquant ainsi la complète absorption de l’ange dans le monde divin (conscience perpétuelle des réalités spirituelles) et sa vigilance (état de veille) à demeurer fidèle aux préceptes de Dieu.
Les ailes
« Des Seraphim se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes : deux pour se couvrir le visage, deux pour se couvrir les pieds et deux pour voler. ». (Isaïe VI,2.)
S’il est un attribut étroitement associé au messager du ciel, c’est bien l’aile. Or il est éloquent de constater que le terme hébreu utilisé pour désigner cet organe, le mot ebra, est également employé pour désigner un « ange ». En fait, cette intime association entre l’aile et l’ange s’explique dans la mesure où l’aile incarne une capacité à s’affranchir de la pesanteur terrestre (de se libérer du monde d’en-bas) pour ainsi s’élever vers les hauteurs célestes. Platon déclare à ce propos : « la force de l’aile est, par nature, de pouvoir s’élever et conduire ce qui est pesant vers les hauteurs où habite la race des Dieux. De toutes les choses attenantes au corps, ce sont les ailes qui participent le plus à ce qui est divin. ». (Platon, Phèdre). Plus tard, Denys l’Aéropagie reprendra d’ailleurs presque mot pour mot ce commentaire de Platon : « L’aile symbolise la promptitude à s’élever, le céleste, ce qui ouvre l’accès vers le haut et, par l’ascension, le dépassement de toute bassesse, la légèreté des ailes indique qu’elles n’ont aucun penchant terrestre mais s’élèvent en toute pureté et sans poids vers les sommets… ».
Toutefois, outre le fait que l’aile évoque une faculté à s’élever vers la lumière divine, elle est également l’expression visible de très puissants courants de force rayonnés par ces êtres. Plus l’ange est élevé dans la hiérarchie, plus il possède un nombre d’ailes important et plus ses ailes ont une grande envergure. En les remuant, il concentre alors en lui la force spirituelle qu’il dégage ensuite vers celui qui l’a invoqué. Lors d’une intervention de guérison, il est d’ailleurs possible d’observer l’ange qui bat des ailes juste au-dessus du malade. Les images populaires qui présentent l’ange entourant de ses ailes celui qu’il assiste sont également parfaitement justes. Recouvrant l’homme de ses ailes, il lui communique alors une force de réconfort qui revitalise tout son être.
Couleurs de la robe
« Or, comme elles en était déconcertées, voici que deux Anges se présentèrent à elles en vêtement éblouissants. ». (Luc XXIV,4.)
Toujours très lumineuse, la robe de l’ange, symbole extérieur de son activité spirituelle, nous révèle toujours sa fonction particulière. A ce titre, la tradition hermétique en recense d »ailleurs neuf couleurs principales en corrélation avec les neuf chœurs angéliques.
Chœurs | Couleurs |
Séraphins | Or |
Chérubins | Argent |
Trônes | Indigo |
Dominations | Bleu |
Vertus | Rouge |
Puissances | Orangé |
Principautés | Jaune |
Archanges | Violet |
Anges | Vert |
Les séraphins
Une robe de couleur or est traditionnellement l’apanage des Séraphins. En effet, nous avons vu que les Séraphins invitent l’homme à vivre, de manière plus intense, une participation à la nature divine. Or la couleur or est précisément celle de la déification. Ceci explique d’ailleurs la raison pour laquelle les artistes chrétiens ont toujours représenté la tête des êtres réalisés (des saints) entourée d’une auréole dorée. Les aliments présentant une couleur voisine de l’or étaient également revêtus d’une importance symbolique toute particulière dans l’ensemble des traditions anciennes. Dans les mystères d’Eleusis, à titre d’exemple, les initiés d’un degré supérieur recevaient du miel comme signe de renaissance à une vie nouvelle (une re-création en quelque sorte). De même on bénissait du miel en l’honneur des nouveaux baptisés, les infantes, comme on les appelait alors, étant introduits dans un processus de déification comme en témoigne saint Cyprien : « Quand l’eau régénératrice eut effacé les taches de mon passé, et que mon cœur dès lors purifié se fut rempli d’une lumière d’en haut, lorsqu’un Esprit venu du ciel m’eut donné une seconde vie, et fait de moi un homme nouveau, ce fut un changement merveilleux… ». Ce miel leur était donc servi comme premier repas symbolique concrétisant leur entrée dans une vie nouvelle.
Les Chérubins
Dans la tradition de l’hermétisme chrétien, les Chérubins revêtent généralement une robe couleur argent. En effet, leur fonction est de transmettre l’intelligence illuminante (la sagesse) qui contribue à développer une vision qui s’unifie au lieu de se disperser et qui s’universalise en rassemblant toute chose autour de Dieu. Or Emile Gevaert nous précise à propos de la couleur argent qu’elle est « la lumière pure, telle qu’elle est rendue par la transparence de l’eau, les reflets du miroir, l’éclat du diamant; elle ressemble à la netteté de la conscience, à la pureté d’intention, à la franchise, à la droiture d’action; elle appelle la fidélité qui s’ensuit. ». En ce sens, cette couleur est le symbole d’une capacité à réfléchir d’une manière parfaite, sans déformation ou atténuation, la pure lumière de la puissance divine, rendant ainsi pleinement effectif ce qui était auparavant caché ou voilé.
Les Trônes
Les hermétistes attribuent traditionnellement la couleur indigo aux Trônes. En effet, ces êtres angéliques incarnent une aptitude à assumer le destin en se dépouillant de toutes choses inessentielles, devenant ainsi parfaitement vide et vierge en vue de recevoir la lumière de Dieu et de se remplir d’amour. Or l’indigo a toujours été associé à la couleur de la nuit qui joue un rôle prépondérant dans la théologie mystique. En effet, elle représente pour l’aspirant la disparition de toute évidence, une étape nécessaire pour permettre la descente de l’Esprit en son cœur.
Cette couleur évoque donc un processus par lequel l’aspirant « vide » son âme, devenant « libre de toutes les images étrangères, aussi disponible qu’avant sa naissance » pour reprendre les mots de Maître Eckhart. Et c’est seulement dans cet état de vacuité et de disponibilité retrouvé qu’il pourra alors recevoir Dieu et lui donner naissance en ce monde, enfantant l’Esprit (l’amour) dans ce monde hostile. C’est d’ailleurs au cours de la nuit la plus longue de l’année que naquit le Sauveur de la tradition chrétienne.
Les Dominations
Quand aux Dominations, elles sont traditionnellement revêtues d’une robe couleur bleue. En effet, ce chœur angélique incarne l’expérience de la joie profonde et authentique, source de paix et de grâces multiples. Or le bleu est traditionnellement associé à une paix indicible résultant d’une ouverture à l’amour indéfectible que Dieu éprouve vis-à-vis de Sa créature. C’est d’ailleurs sans doute l’origine des vertus apaisantes du bleu, bien connues de la tradition populaire. En effet, prenant conscience de cet amour divin, plus aucune crainte n’est possible, sachant , qu’au-delà de toutes les fluctuations et de toutes les mouvances de son existence, il bénéficiera toujours de l’amour du Créateur (c’est en ce sens que le bleu est également associé à la loyauté et à la fidélité).
Les Vertus
Une robe de couleur rouge est traditionnellement l’apanage des Vertus. En effet, nous savons que les Vertus incarnent une faculté à agir de manière juste, c’est-à-dire conformément à ce que dicte l’amour. En ce sens, elles amène l’aspirant à se libérer courageusement des forces mortifères (sources de mirages et d’illusions) pour mieux se placer au service de l’Esprit et pour en témoigner avec force et fidélité (c’est-à-dire sans le déformer), participant dès lors activement aux œuvres de Dieu. Or le rouge est traditionnellement une couleur associée à l’action dynamique, au courage, à la volonté et à la combativité.
Dans la langue populaire de tous les peuples la couleur du sang, le rouge, fut l’emblème des combats; au Pérou, les quipos teints en rouge désignaient les gens de guerre. Les Spartiates étaient ensevelis dans des linceuls rouges, cette couleur devait être affectée aux funérailles d’une nation qui n’avait d’autre existence que la guerre et qui ne reconnaissait d’autre vertu que le courage militaire. A ce titre d’ailleurs, il est bien connue que le rouge stimule, excite, active et dynamise. En chromothérapie, par exemple, il s’avère particulièrement efficace pour soigner l’anémie et l’apathie, la paralysie et la faiblesse.
Les Puissances
Les Puissances sont généralement revêtues d’une robe de couleur orangée. En effet, elles incarnent fondamentalement une faculté à rayonner avec enthousiasme les valeurs de l’amour. Or cette couleur est celle d’une expression plénière de la vocation de l’être puisqu’elle correspond au rayonnement de l’amour dans les aspects différentiés de la création (et de la réjouissance que ce rayonnement suscite). A ce titre d’ailleurs, il est éloquent de constater que l’orangé fut, dans toute l’antiquité grecque, la principale couleur attribuée au Dieu Dionysos. En effet, d’après le témoignage de Pollux, cette divinité portait un vêtement de couleur orange et, dans les représentations scéniques (dionysies), elle paraissait toujours sous ce costume.
Or les cultes dionysiaques invitaient précisément à briser toutes les valeurs superficielles afin de redonner vie aux valeurs véritables de l’être (à celles de l’amour). En ce sens, ils comportaient des rites de défoulement dont l’exubérance était censée mettre en échec l’effet négatif des interdits, des tabous, des préjugés et des a priori, c’est-à-dire de tout ce qui brimait l’homme au niveau de son expression véritable. A ce propos, Boyancé affirme très justement que « le propre de la purification dionysiaque est de porter à son comble ce dont il faut délivrer l’âme. ».
Les Principautés
Les hermétistes attribuent aux Principautés la couleur jaune (plus précisément un jaune tirant sur le vert, comme celui de l’éclat de la chrysolithe). En effet, ces êtres angéliques sont étroitement associés à une expérience d’extase au cours de laquelle la conscience transcende son rapport avec le créé pour être propulsée à un niveau supérieur d’existence. Or le jaune évoque essentiellement une notion d’achèvement, de plénitude et de maturité. A ce propos, il d’ailleurs intéressant de noter qu’une chevelure blonde était souvent l’apanage des héros. Elle était même chez les Celtes, le signe d’une beauté royale. Dans cette perspective, les artistes chrétiens ont parfois représenté le Christ avec des cheveux blonds pour ainsi souligner la perfection de sa nature humaine. Toutefois, le jaune revêtu par les Principautés et moins un jaune orangé qu’un jaune tirant sur le vert. Or nous verrons que le vert incarne essentiellement une ouverture aux forces de l’amour. Dès lors, cette couleur évoque davantage un état de plénitude vécue en tant qu’ultime étape amorçant une ouverture (une transcendance) vers une autre réalité : celle de l’amour.
Les Archanges
Les Archanges sont habituellement revêtus, dans la tradition hermétique, d’une robe violette. En effet, ce chœur angélique incarne, comme nous l’avons précisé antérieurement, une aptitude à établir un rapport de médiation plus étroit avec le Créateur. Or la couleur violette est une couleur froide qui occupe une position extrême sur le spectre des couleurs visibles. En effet, au-delà de celle-ci, c’est le monde de l’invisible (l’ultra-violet). Il s’agit donc d’une couleur dont l’effet principal est d’affranchir du monde d’en bas pour élever la conscience vers les sphères divines.
Les Anges
Enfin, les Anges sont généralement revêtus d’une robe de couleur verte puisqu’ils incarnent une aptitude à se placer dans une disposition de réceptivité et d’ouverture face aux forces de l’Esprit (celles de l’amour). En effet, le vert se situe au centre du spectre visible, entre les couleurs chaudes (rouge, orange et jaune) et les couleurs froides (bleu, indigo et violet) bien qu’il soit généralement considéré lui-même comme une couleur froide. En raison de cette position centrale, il occupe un lieu mystérieux où semble s’opérer un certain renversement des choses. En fait, il évoque une réorientation de la conscience vers des valeurs plus intérieures (les couleurs froides étant centripètes et endothermiques par rapport aux couleurs chaudes, centrifuges et exothermiques) en favorisant une ouverture de la conscience aux réalités de l’amour. A ce titre, notons que dans l’Apocalypse, il est ordonné aux sauterelles de ne faire aucun mal à l’herbe de la terre, ni à aucune verdure, ni à aucun arbre; et de n’en faire qu’aux hommes qui n’auraient pas le sceau de Dieu sur leur front. (Apocalypse IX,3-4) Cette opposition de la verdure et des profanes démontre assez clairement que la couleur verte est symbole d’ouverture aux réalités divines.
Conclusion
Ces couleurs et le nombre infini de teintes et de nuances qu’elles peuvent revêtir nous révèlent donc toujours un aspect précis de la fonction céleste des anges ainsi vêtus et la nature des forces qui émanent d’eux. L’aspirant recevra d’ailleurs souvent cette force sous l’apparence d’un manteau déposé sur lui.
A suivre
La ceinture
« Les sept anges qui tenaient les sept fléaux sortirent du temple vêtus d’un lin pur, resplendissants, la taille serrée de ceintures d’or. ». (Apocalypse XV,6.)
Symbole de protection, de purification et de force, la ceinture a toujours été en étroite relation avec la chasteté et la fécondité spirituelle obtenue par la concentration mentale (certaines règles monastiques, celle de saint Basile par exemple, ont expressément prescrit aux moines de dormir vêtus, les reins entourés d’une ceinture). Aussi, sa présence chez les intelligences célestes, écrit Denys l’Aéropagite, évoque « le soin avec lequel elles conservent leurs puissances génésiques; le pouvoir qu’elles ont de se recueillir, d’unifier leurs puissances mentales en rentrant en elles-mêmes, en se repliant harmonieusement sur soi dans le cercle indéfectible de leur propre identité. ».
En ce sens, la ceinture symbolise également l’humilité dans la mesure où celui qui la revêt reconnaît par ce geste même la supériorité de Dieu. Cette humilité toutefois devient rapidement puissance car celui qui porte la ceinture se voit immédiatement investi de fonctions divines. Ainsi, c’est en ces termes que Yahvé s’adressa au prophètes Jérémie : « Quand à toi, tu te ceindras les reins, tu te lèveras, tu leur diras tout ce que je t’ordonnerai, moi. ».
Le feu
« Puis je vis comme l’étincellement du vermeil, comme l’aspect d’un feu qui l’enveloppait tout autour, à partir et au-dessous de ce qui semblait être les reins; et je vis comme l’aspect d’un feu et d’une clarté, tout autour de lui. ». (Ézéchiel, I, 27.)
Les anges sont souvent perçus entourés de feu ou adoptant la forme d’un feu ardent. Or, le feu a toujours été considéré comme étant de nature très spéciale. Les alchimistes médiévaux prétendaient même qu’il était le seul élément de ce monde à s’élever spontanément vers le ciel et à ne pouvoir se corrompre. En raison de cela il devint le symbole de la fidélité, de la pureté et de la vertu.
En second lieu, le feu est également un symbole de vie puisqu’il est à l’origine de tous les phénomènes chimiques fondamentaux responsables des fonctions vitales de l’organisme. En effet, c’est grâce à un « feu intime » attisé par le souffle de la respiration que l’homme maintient ses fonctions métaboliques. Mais si le feu représentent les forces vives de la vie organique, il symbolise également les aspects les plus élevés de la vie spirituelle. Jakon Böhme écrit que « le feu prend son origine ans la nature » mais la lumière vient de la « libre joie qui est la force de la divinité. » Or ceci fait de cet élément le principale support de la théophanie. D’ailleurs, le buisson ardent de la tradition biblique en est un exemple admirable. Il nous rappelle ainsi que les anges sont porteurs des énergies vives de Dieu, éveillant en l’homme les forces de vie (de la vie spirituelle et divine).
En troisième lieu enfin, le feu apparait dans toutes les traditions comme étant l’élément purificateur et régénérateur par excellence. Un mythe grec nous rapporte que, pour remercier ses hôtes de l’avoir accueillie, la déesse Déméter décida d’accorder l’immortalité à leur fils, Démophon. Pour ce faire, elle le trempait chaque nuit dans un bain de feu purificateurs pour lui ôter ses éléments mortels. En effet, ce mythe met fort bien en exergue l’action purificatrice et régénératrice du feu qui consume toutes les cristallisations, les ténèbres et les éléments mortifères propres à la condition humaine (à l’état de disgrâce vis-à-vis des sphères célestes) pour qu’ainsi l’homme participe à nouveau aux réalités divines (en acquérant l’état d’immortalité).
Toujours dans la même perspective, la tradition judéo-chrétienne attribue également au feu la vertu de purifier l’homme du péché en l’affranchissant des limites et des faiblesses caractérisant sa condition humaine, lui permettant dès lors de participer à nouveau à la nature divine. Ainsi, le prêtre qui célèbre l’eucharistie dans l’Eglise catholique prononce, juste avant la proclamation de l’évangile, les paroles puissantes du Munda Cor : « Purifiez mon cœur et mes lèvres, Dieu tout-puissant, qui, d’un charbon ardent avez purifié les lèvres du prophète Isaïe. Daignez par votre miséricordieuse bonté me purifier pour que puisse annoncer dignement votre saint Evangile… » Ces paroles illustrent encore une fois de manière éloquente la vertu purificatrice du feu permettant l’homme de s’affranchir de sa condition de pécheur.
Mis en rapport avec les anges, le feu nous révèle donc leur capacité à transmuer en l’homme tous les éléments vils de sa condition déchue, le délivrant ainsi de toutes ténèbres. C’est le feu de l’œuvre alchimique, le feu secret à propos duquel le Christ affirme : « Je suis venu apporter un feu et comme j’aimerais qu’il soit déjà allumé. ». (Luc XII,49)
le vent
« Tu bâtis sur les eaux tes chambres hautes; faisant des nuées ton char, tu t’avances sur les ailes du vent; tu prends les vents pour messagers…. » (Psaume 104 (103), 3-4)
Le caractère angéologique des vents demeure une constante à travers les âges et les traditions. En effet, tout comme les anges, les vents vivifient, enseignent où annoncent l’arrivée de Dieu. Dans cette perspective d’ailleurs, les Actes des apôtres nous apprennent que « le jour de la Pentecôte étant arrivé, les apôtres se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où il se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu’on eu dîtes de feu; elles se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. ». (Actes II, 1-2)
Cette perception du vent est également étudiée par certains psychanalystes modernes qui nous enseignent que lorsque le vent apparaît dans les rêves, il est toujours annonciateurs d’un événement important que le sujet ressentira comme l’accomplissement d’une volonté divine. Ainsi, Ernest Aeppli écrit dans son ouvrage célèbre sur les rêves et leur interprétation : « les énergies spirituelles sont symbolisées par une grande lumière, et ce que l’on sait moins, par le vent. Lorsque la tempête approche, on peut diagnostiquer un grand mouvement d’esprit ou d’esprits. D’après l’expérience religieuse, la divinité peut apparaître dans le doux murmure du vent ou dans l’orage de la tempête. ».
Denys l’Aéropagite nous rapporte, quand à lui, « que le nom de Vent attribué à l’esprit aérien manifeste la déiformité des esprits célestes. Car il contient aussi une image et une marque de l’opération théarchique, selon qu’il signifie une nature motrice et vivifiante, la promptitude indomptable d’une marche en avant et les secret, inconnaissable et invisible, des origines et des termes de son mouvement, car tu ne sais est-il dit, ni d’où il vient ni où il va. Le vent évoque donc pour lui la dimension dynamique, active et opérative de l’ange accomplissant, sans demi-mesure, la volonté de Dieu.
La nuée
» Et je vis un autre ange puissant qui descendait du ciel. Il était vêtu d’une nuée, une gloire nimbait son front. ». (Apocalypse X,1)
Certains anges peuvent également se manifester sous la forme d’une nuée. Selon Denys, cela signifie « qu’ils sont supra-mondainement comblés d’une lumière secrète et qu’ayant reçu avec modestie, par une première illumination, la première manifestation de la lumière, ils transmettent sans envie, dans leur éclat second, aux esprits de second rang, proportionnellement à leurs aptitudes… ». En fait, la nuée évoque chez l’ange sa fonction d’inspirateur. A titre d’exemple, les textes bibliques nous rapportent que c’est une nuée qui guida les Israélites vers la terre promise : » A toutes les étapes, lorsque la nuée s’élevait au-dessus de la Demeure, les Israélites se mettaient en marche. Si la nuée ne s’élevait pas, ils ne se mettaient pas en marche jusqu’au jour où elle s’élevait. ». (Exode 40, 36-37)
Dans la même perspective, Saint Grégoire de Nysse écrit dans sa vie de Moïse que « la manifestation de Dieu s’est d’abord faite à Moïse dans la lumière. Ensuite Dieu lui parle dans la nuée. Enfin, Moïse, s’étant élevé plus haut, contemple Dieu dans la ténèbre. Voici ce que nous apprenons par là : le passage de l’obscurité à la lumière, c’est la première séparation d’avec les opinions mensongères et erronées sur Dieu. La connaissance plus attentive des choses cachées conduisant l’âme par les choses visibles à la réalité invisible, est comme la nuée qui obscurcit tout le monde sensible et conduit et habitue l’âme à la contemplation du caché jusqu’à ce que l’âme, encore plus loin, puisse contempler ce qui est insaisissable pour l’intelligence…. »
A ce titre, la nuée marque d’ailleurs l’entrée de l’aspirant dans une connaissance qui s’accomplit par une voie d’inconnaissance comme l’écrivait déjà, aux VIe siècle de notre ère, Denys l’Aéropagite dans son Nuage d’inconnaissance.
Source : Introduction à l’astro-angéologie (p.109). Charles-Rafaël Payeur. Éditions de l’Aigle
Voir aussi :