L’École de l’Amour

  1. Présentation
  2. Notes de lecture
    1. Préface de Peter Roche de Coppens
      1. Voici les grandes questions auxquelles ce livre tente de répondre :
      2. De l’interaction humaine
      3. Les trois « pédagogues » de l’Amour, la plus grande des écoles
    2. Introduction
      1. Le concept de la Trinité est une véritable école de l’amour
      2. Les trois aspects fondamentaux de l’amour
    3. Chapitre I.
      1. La Trinité, école de l’amour
      2. La personne du Père
        1. Dieu le Père, source et géniteur de toute chose
        2. Dieu le Père, principe organisateur
        3. Dieu le Père, principe et source de tout amour
      3. La personne du Fils
        1. Fils de Dieu
        2. Le concept de fils
        3. Analogie avec la géométrie
        4. Joie de recevoir
        5. Accueillir l’autre dans l’amour
        6. Servir
      4. La personne du Saint-Esprit
        1. La dynamique d’amour
        2. L’Esprit qui donne la vie
        3. le Saint-Esprit est avant tout une personne
        4. Esprit de Dieu ou Esprit du Christ
        5. L’air et le souffle
        6. Analogie géométrique
        7. L’éveil de l’amour en nous
    4. Voir aussi

Présentation

Aimez-vous les uns les autres est un adage que nous avons souvent entendu ou répété, mais qu’est-ce que cela implique vraiment? Comment y parvenir malgré les pièges qui surgissent devant nous lorsqu’il est question d’aimer? Si nous cherchons tous à faire en sorte que l’amour ait une place réelle dans notre vie, nous constatons malheureusement que la chose demeure difficile et que des outils sont très certainement nécessaires pour y parvenir pleinement.

Charles-Rafaël Payeur vous propose de découvrir les trois grandes exigences psychologiques nécessaires afin de vivre cette expérience et les trois composantes spirituelles qui la constituent. Pour chacune d’elles, il vous suggère en outre un exercice de visualisation afin d’expérimenter pleinement ce que ces réalités signifient, conformément à une antique tradition toujours vivante consistant à travailler sur des images symboliques. Ces exercices vous ouvriront dès lors les portes de l’École de l’Amour

Depuis plus de vingt ans, Charles-Rafaël Payeur s’efforce de mieux faire connaître la tradition chrétienne en la présentant comme un chemin de développement psycho-spirituel, s’appuyant essentiellement sur le symbolisme traditionnel, la théologie et la psychologie contemporaine. Son objectif principal est de permettre à chacun de découvrir la richesse de cette tradition, mettant principalement en exergue le fait qu’elle est sans doute la plus belle pédagogie de l’amour à laquelle l’homme puisse accéder.

Notes de lecture

Préface de Peter Roche de Coppens

Voici les grandes questions auxquelles ce livre tente de répondre :

– Qu’est-ce que l’amour et comment y parvenir?

– Quelle est sa véritable nature et sa dynamique propre?

– Quelles sont ses expressions et ses conséquences authentiques?

– Comment entrer à « l’école de l’amour » et y étudier?

– Quel est l’entraînement requis et les exercices qui pourraient nous aider à mieux comprendre, vivre et incarner l’amour?

De l’interaction humaine

Pour la sociologie, l’interaction est toujours créatrice dans la mesure où l’équation un plus un n’égale pas deux, mais bien trois!  Lorsqu’un être humain rencontre et fait des échanges avec un ou plusieurs autres, il change, se transforme et actualise un potentiel et des facultés que jamais il n’aurait pu développer s’il était resté seul. Il parvient ainsi à la croissance et à la transcendance. L’interaction humaine est donc le grand processus responsable du développement de notre potentiel humain, de notre croissance et de l’accomplissement de notre destinée en ce monde!

Les trois « pédagogues » de l’Amour, la plus grande des écoles

C’est vers le niveau spirituel et ontologique que nous transporte l’analyse de Charles-Rafaël Payer, vers le cœur même de la Réalité et de son hologramme, l’être humain. Pour lui, l’Amour est véritablement la plus grande des écoles, l’École suprême où nous avons trois grands pédagogues aussi bien au niveau du macrocosme qu’au niveau du microcosme. Ces trois « pédagogues » sont le Père, le Fils, et le Saint-Esprit avec leurs interactions et échanges multiples. Ensemble, ils constituent l’archétype, le prototype et le « programme d’entraînement pratique » pour tout être humain sérieusement intéressé à comprendre, à vivre et à incarner l’amour.

Introduction

Le concept de la Trinité est une véritable école de l’amour

« Dieu est  amour » affirme saint Jean et ce mystère se déploie pleinement dans celui de la Trinité où chacune des trois personnes divines, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, incarnent en quelque sorte une pédagogie essentielle de l’amour. En effet, le concept de la Trinité est pour le chrétien une véritable école de l’amour.

Les trois aspects fondamentaux de l’amour

A la lumière du mystère de la Trinité, nous découvrirons trois aspects fondamentaux de l’amour qui nous permettront de discerner trois exigences psychologiques sans lesquelles aucun amour n’est possible : l’affirmation de soi, la reconnaissance de l’autre et l’échange constituant. En effet, l’expérience de l’amour ne pourra se développer véritablement que sur la base de ces trois enjeux psychologiques que nous aurons à mieux définir en nous laissant guider par les pédagogues de l’amour que sont le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ces enjeux étant également présents au sein de la vie intratrinitaire elle-même, l’affirmation de soi devenant don de soi, la reconnaissance de l’autre se transformant en une capacité à se centrer sur lui afin de lui accorder une place prépondérante et l’expérience du partage devenant une participation à la nature de l’autre conduisant à une véritable transcendance.

Il n’y a aucune autre voie initiatique ce que celle qui consiste à aimer en toute vérité, dans l’accueil de l’autre et le don de soi, sans réserve et sans retenue. Le christianisme est d’ailleurs d’abord une philosophie de l’amour, aucun autre moyen ne permettant de suivre le Christ selon son invitation : « si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. Accueillir l’autre et se donner à lui sans réserve, dans une dynamique de participation à sa réalité, voilà donc tout le mystère chrétien et on peut dire également qu’il s’agit là du fondement de toute spiritualité authentique.

Chapitre I.

La Trinité, école de l’amour

Dieu, tout en étant un, est également constitué de trois Personnes, ce qui distingue le Dieu des chrétiens du dieu des autres religions, qu’elles soient monothéistes ou polythéistes. Affirmer que Dieu est à la fois Père, Fils et Saint-Esprit, tout en demeurant parfaitement un, est effectivement une donnée de la foi chrétienne tout à fait originale et une réalité dont il ne faut surtout pas mésestimer l’importance. Pour parvenir à une telle conception, il aura d’ailleurs fallu aux premiers chrétiens une longue période de réflexion, ceux-ci s’étant appuyés sur les Écritures et sur leur propre expérience de Dieu. La préface de la sainte Trinité, telle qu’elle figure dans la liturgie eucharistique traditionnelle, résume de manière simple et suffisante le concept de la Trinité. En effet, elle affirme de manière claire et précise les principaux éléments de ce dogme : « Il est bien juste,  raisonnable et salutaire de vous rendre grâces en tout temps et en tout lieu, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui, avec votre Fils unique et le Saint-Esprit, êtes un seul Dieu et un seul Seigneur, non en ne faisant qu’une seule personne mais trois personnes en une même substance. Car ce que vous avez révélé et ce que nous croyons de votre gloire, nous le croyons aussi sans aucune différence de votre Fils et du Saint-Esprit : en sorte que, confessant une véritable et éternelle divinité, nous adorons tous ensemble la propriété dans les personnes, l’unité dans l’essence, et l’égalité dans la majesté. ».

Forts d’une longue réflexion philosophique soutenue par la lumière de l’Esprit, Dieu nous apparaît en effet, dans ce concept de la Trinité, non comme une simple énergie originelle s’exprimant sous trois formes différentes, mais comme un Être en trois Personnes réellement distinctes quoique consubstantielles.

Cette distinction entre Personnes réside plus précisément encore, nous le ressentons bien, dans les relations qui les relient les unes aux autres comme l’affirmait déjà explicitement le saint concile de Tolède : « Dans les noms relatifs des personnes, le Père est référé au Fils, le Fils au Père, le Saint-Esprit aux deux; quand on parle de ces trois personnes en considérant les relations, on croit cependant en une seule nature ou substance. »  L’altérité existant entre Dieu et l’homme dans une perspective créationniste comme celle du christianisme existe donc déjà en Dieu lui-même, d’une manière certes différente, en raison de la consubstantialité entre les Personnes, mais d’une manière non moins réelle, l’originalité de chacune des Personnes introduisant en Dieu une irréductible différence que l’amour ne détruit pas.

Ainsi, le discours sur les trois Personnes nous montre que Dieu est vraiment amour dans une liberté pleine et entière des Personnes et non pas d’une manière floue est abstraite. En effet, c’est par la révélation du mystère de la Trinité que les chrétiens  ont reçu la solution du mystère de toute véritable union dans le respect de la distinction des personnes.

[…] Ainsi, la structure essentielle de l’amour se révèle en Dieu lui-même comme un échange éternel entre des Personnes distinctes se donnant et se recevant mutuellement dans un véritable processus de communion, chacune se tenant en face de l’autre dans une irréductible différence.

[…] Grâce aux concepts de « personnes » distinctes et de « substance » commune, Dieu devient ainsi un modèle parfait de l’amour, l’unité trinitaire résultant d’une communion dans la différence sans que les Personnes ainsi unies soient amenées à se confondre, demeurant trois en un être unique.  Plus encore, le dogme de la Trinité nous permet d’affirmer l’égalité absolue des trois Personnes, établissant ainsi leur relation dans une véritable dynamique de l’amour, l’une ne prévalant pas sur l’autre.

Dire que Dieu est Amour et dire qu’il est Trinité c’est exactement la même chose. En outre, en incarnant l’amour dans toute sa plénitude, la Trinité n’est pas trois personnes juxtaposées mais trois générosités qui se donnent à l’autre en plénitude. Chacune des Trois Personnes n’est pour elle-même qu’en étant pour les deux autres. Le Père n’existe comme Père distinct du Fils qu’en se donnant tout entier au Fils, le Fils n’existant comme Fils distinct du Père qu’en accueillant tout entier l’élan d’amour que lui manifeste le Père. Quand au Saint-Esprit, il n’existe, dans sa distinction du Père et du Fils qu’en exprimant l’union et l’adhésion mutuelle entre les deux premières Personnes et en étant le sujet commun de leur amour.

A l’issue de cette première approche de la Trinité, il importe évidemment de mieux saisir l’identité propre à chacune des Personnes car cela nous sera grandement utile pour approcher l’extraordinaire pédagogie de l’amour qu’elles incarnent. En effet, l’amour en Dieu nous aidera très certainement à mieux saisir l’amour auquel l’homme aspire ainsi que les exigences de cette expérience prodigieuse. Et ainsi nous trouverons le sens même de notre propre vie, Dieu nous ayant créés pour partager et vivre cet amour. L’amour, même au niveau strictement humain, vient effectivement de Dieu et nous révèle une dimension de sa réalité. Aimer son frère, c’est donc accepter de vivre comme Dieu, de vivre en Dieu et le précepte de l’amour fraternel va dès lors au-delà d’une simple disposition à vivre en harmonie avec les autres, nous introduisant dans la réalité même du Créateur en permettant de lui ressembler : « Celui qui aime connaît Dieu » (1. Jean IV,7.). Nous découvrirons en ce sens en quoi les trois Personnes incarnent trois dimensions distinctes de l’amour dont elles sont de véritables pédagogues nous initiant aux exigences les plus fondamentales de cette réalité.

La personne du Père
Dieu le Père, source et géniteur de toute chose

Pour bien approcher la personne du Père, il importe évidemment de nous interroger d’abord sur la dénomination qui la désigne. En effet, utiliser le mot « père », pour parler de Dieu, nous apprend déjà qu’Il ne peut exister sans l’autre (sans le Fils), et ceci est très important dans la mesure où nous découvrons que, dans sa dimension première, Dieu est déjà un être de relation entièrement tourné vers l’autre d’une manière existentielle.

Principe sans principe, Dieu est d’abord, en tant que père, source et géniteur de toute chose. La paternité découlant du fait que Dieu est  la source de toute chose ne saurait être entendue sans amour, Dieu donnant précisément à l’autre d’exister différemment de lui dans cette mouvance de l’amour. C’est d’ailleurs là une particularité fondamentale de la tradition biblique, Dieu le Père  n’étant pas une simple réalité métaphysique à l’origine du monde ou assurant son organisation, mais une Personne avec laquelle nous sommes invités à établir une relation intime. En effet, en désignant Dieu comme Père, Il n’est plus un simple « Être suprême » ou une « Énergie cosmique primordiale impersonnelle » qui serait à l’origine du monde.

La prière du Notre Père débute par les mots « Notre Père qui est aux cieux« , une expression évoquant l’idée d’un Père céleste fort différent de tout père terrestre et une hymne de Qumram résume admirablement cette différence  : « Car toi, plus que mon père, tu m’as connu et plus que ma mère tu t’es occupé de moi. L’abondance de tes paroles accompagne mes pas et la tendresse influence ton jugement pour moi. Car tu es un Père pour tous tes fils fidèles, tu as exalté sur eux comme une maman sur son bébé, et comme celui qui porte sur sa poitrine, tu sustentes tes œuvres. »

Dieu le Père, principe organisateur

D’autre part, en plus d’être la source de toute chose, le Père est aussi l’axis mundi, le principe organisateur qui structure et organise le développement de toute réalité en amenant chaque créature a réaliser sa forme.

Une analogie géométrique peut nous éclairer  ce sujet. Elle consiste à comparer  réalité du Père  à celle du point qui échappe à toute détermination – il est sans dimension dans la géométrie classique , nous rappelant que le Père demeure totalement inaccessible à l’entendement humain, étant « le Dieu caché », la dimension divine la plus mystérieuse et la plus inaccessible à notre compréhension, le Fils s’étant révélé aux hommes de manière concrète et tangible en s’incarnant et le Saint-Esprit s’exprimant aussi à travers des signes visibles. Le Père demeure en effet ce « Mystérieux des Mystérieux », cet « Inconnu des Inconnus » et Il peut fort bien être associé au point géométrique, sans dimension, situé au centre d’un cercle, l’image d’un cercle pointé symbolisant la divinité « considérée non seulement en son immutabilité, mais aussi en sa bonté diffuse comme origine, substance, et consommation de toutes choses; la tradition chrétienne dira : comme alpha et omega.« .

A ce titre d’ailleurs, le point est à l’origine même du cercle comme le précisait déjà Plotin : « le centre est le père du cercle. » Proclus affirmait, dans la même perspective : « tous les points de la circonférence se retrouvent au centre du cercle et qui est leur principe et leur fin » et Angelus Silesius déclara « le point a contenu le cercle ». En tant que principe à l’origine de toute réalité géométrique, le point est donc tout à faire représentatif d’une dimension essentielle caractérisant la première Personne de la Trinité. Plus  encore, il occupe le centre du cercle et le centre est traditionnellement mis en rapport avec l’axis mundi autour duquel s’organise toute chose. Il évoque dès lors le trône même de Dieu d’où toute réalité émerge et prend naissance, correspondant également à la volonté originelle autour de laquelle s’articule toute action. En effet, le « le centre est aussi le symbole de la loi organisatrice. A cet égard, on parlera de pouvoir central.

Dieu le Père, principe et source de tout amour

Si nous considérons que le Père est la source et l’origine de la Trinité, comme celle de la création toute entière, il semble naturel qu’Il soit aussi considéré comme le principe et la source de tout amour et c’est l’image de la source qui apparait la plus appropriée pour qualifier sa qualité d’amour. Elle est une évocation éloquent du don. En effet, le source offre tout et ne garde rien pour elle, en faisant pas de provision pour les mauvais jours. Sa nature même est d’être déversement sans réserve à l’instar du Père qui ne calcule pas et donne sans compter tout ce qu’Il possède. Plus encore, Il n’existe que dans ce don de lui même qu’Il fait à son Fils comme à la création toute entière. C’est d’ailleurs en ce sens que nous pouvons parler de la pauvreté de Dieu qui s’offre, pauvre de cette eau toujours donnée. Ajoutons que le don dont il est question ici n’est pas seulement le don de quelque chose. En effet, en engendrant le Fils, le Père ne lui donne pas quelque chose, mais Il se donne totalement à lui, comme l’eau donnée par la source forme la source elle-même!

La personne du Fils
Fils de Dieu

Il était courant à l’époque de l’Ancien Testament de présenter Dieu comme un Père. Dès lors, les Hébreux se considéraient évidemment comme ses fils. […] Le Père étant la source de toute chose, toute créature était effectivement appelée « fils de Dieu ». […] Toutefois, le christianisme proposa une nouvelle filiation, celle du Fils éternel, consubstantiel au Père, alors que les autres créatures étaient toutes des fils temporels, d’une autre nature que le Père. […] Jésus déclara : « Celui qui m’a vu a vu le Père… » et, dans la même perspective : « De même que le Père possède la vie en lui-même, il a pareillement donné au Fils de posséder la vie en lui-même… » cette affirmation énonçant la divinité du Fils, les créatures ne possédant pas la vie en elles-mêmes.

Pour comprendre ce qu’évoque le Fils, au sens chrétien du terme, il importe donc de bien distinguer la filialité de toute créature issue du Père par l’acte créateur de celle qui concerne le Fils unique,  » né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu » comme dit dans le Credo et qui précise « engendré et non créé, consubstantiel au Père ».

Le concept de fils

Un fils reçoit toujours de son père l’existence et la vie. Si le père est la source de toute chose, le fils est donc celui qui reçoit le don fait par son père. Dès lors, le mot « fils » évoque d’abord un principe d’accueil dans la mesure où celui-ci reçoit de son père l’existence et les éléments nécessaires à sa croissance et à son développement. Ainsi, il est essentiellement caractérisé dans un premier temps par l’expérience de l’accueil comme le père l’était, en tant que source , par celle du don.

Le fils se caractérisé étalement par l’obéissance due au père dont il accueille la volonté, celui-ci en tant que principe originel, exerçant en quelque sorte sur lui une autorité naturelle.  Modèle par excellence de filialité, le Christ affirma d’ailleurs clairement, et à de multiples reprises, sa soumission totale et entière à l’égard de son Père dont Il reconnaissait tout recevoir : « Je ne puis rien faire de moi-même ».

Analogie avec la géométrie

Si nous voulions établir une analogie avec la géométrie, comme nous l’avons fait en parlant du Père, nous pourrions évidemment affirmer que le Fils, mis en rapport avec l’image du cercle pointé, symbole privilégié de Dieu, est tout naturellement associé au cercle périphérique dans la mesure où il origine du point, comme le Fils est engendré par le Père. En outre, si le point demeure insaisissable, le cercle rend visible cette dimension intérieure, nous rappelant que le Fils est la figure par laquelle le Père est connu. Dans la même perspective nous pouvons affirmer que le cercle conduit au point. En effet, il n’attire pas notre attention sur lui-même mais sur l’élément qu’il enclot, comme le Fils conduit au Père, étant la Porte par laquelle il est possible de rejoindre ce Mystérieux des Mystérieux : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père; dès à présent vous le connaissez et vous l’avez vu. » (Jean XIV, 6-7.)

Joie de recevoir

Si l’amour du Père se caractérisait fondamentalement par le don, l’amour du Fils sera donc associé à une expérience d’accueil en réponse au don même du Père. Le fait que le Fils ait été engendré par lui suppose d’ailleurs cette qualité d’accueil. Autrement dit, l’amour n’est pas seulement joie de donner mais aussi joie de recevoir. Plus encore cette joie n’est pas parfaite que si l’échange est parfait. Or si le don du Père est infini, puisqu’Il donne son être même, la réponse du Fils ne pourra être qu’infinie. En effet, « le Père ne peut prendre d’infinie complaisance à se donner ainsi  infiniment, que s’il trouve en celui auquel Il se donne, un bonheur infini à tout recevoir de lui, à ne tenir tout et son être même que de lui, le Père, à tout lui devoir, et à lui en rendre une infinie reconnaissance ». » Ainsi, « Dieu ne peut trouver de joie infinie à être l’amour infini qu’Il est, que s’Il trouve quelqu’un qui ait une joie également infinie à n’être que par lui, et pour lui… » (Père François Brune, « pour que l’homme devienne Dieu).  

Accueillir l’autre dans l’amour

Accueillir pleinement le don du Père impliquera pour le Fils de placer Celui-ci au centre de sa vie en faisant de lui son unique bien. La soumission du Fils et sa dépendance envers le Père ne sont pas uniquement liés au fait qu’Il se reçoit de lui, que le Père est sa source, mais au fait qu’Il choisit par amour de placer le Père au cœur de son existence. En effet, accueillir l’autre dans l’amour, c’est d’abord le placer au centre de soi, en faire le centre de sa vie, le reconnaissant comme son axis mundi.  Ceci est évidement très important car le Fils est alors tourné vers le Père et sa vie n’est plus qu’un recherche de sa gloire. […] Il s’agit donc ici d’une orientation qui amène le Fils à renoncer à lui-même pour se tourner vers l’Autre en l’accueillant pleinement, se faisant matrice pour l’accomplissement de son projet. […] Il ne faut pas entendre le mot « accueillir » uniquement dans le sens d' »être ouvert à « , mais également comme une attitude consistant à placer celui qu’on accueille au centre de soi. Dès lors, la plus grande joie du Fils qui accueille le Père est de le servir.

Servir

Le Fils a également vécu son service au Père comme un service aux hommes. C’est effectivement au service de ses frères qu’Il se plaça tout au cours de son Incarnation, déclarant même avec fermeté que celui qui prétend aimer le Père sans aimer les hommes est un menteur : « Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas. ». Ainsi, celui qui prétend aimer Dieu et le servir ne peut que se placer au service de ses frères : « En vérité, je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. ». Il n’y a donc aucune opposition entre le service des hommes et le service de Dieu et c’est précisément ce que le Fils nous enseigne en conciliant pleinement les deux.

La personne du Saint-Esprit
La dynamique d’amour

La joie de donner (incarnée par le Père) et celle de recevoir (évoquée par le Fils) trouvent en quelque sorte leur achèvement dans une expérience où chacun participe de la réalité de l’autre dans une dynamique de transcendance que le Saint-Esprit incarne de manière toute particulière.

Il assure d’abord la dynamique d’amour réciproque qui unit le Père et le Fils. En effet, il est en quelque sorte leur baiser commun. Ajoutons toutefois qu’Il n’est pas seulement le lien d’amour entre le Père et le Fils puisqu’Il est aussi celui qui unit l’homme à Dieu, faisant de nous des « fils de Dieu ».

L’Esprit qui donne la vie

Plus encore, le Saint-Esprit assure en quelque sorte la présence de Dieu en ce monde et c’est pourquoi Il le vivifie conformément à cette affirmation du Christ : « C’est l’Esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien! », une affirmation qui a conduit les Pères de l’Eglise à déclarer : « Je crois en l’Esprit-Saint « qui donne la vie ». En effet, il a toujours été la secrète présence de Dieu  au cœur de la création. Source de vie au milieu du chaos, il a donné forme et structure à ce qui était d’abord informe et vide. Il est la voix de la vérité au cœurs des êtres raisonnables. Il les accorde en harmonie aux appels de la loi de Dieu qui les interpellait de l’extérieur. C’est pourquoi on le nomme spécialement l’Esprit « qui donne la vie »; il est, pour ainsi dire, l’âme de toute la nature, l’énergie de l’homme et de l’animal, le guide de la foi, le témoin face au péché, la lumière intérieure des patriarches et des prophètes, la grâce qui habite le cœur des chrétiens, le Seigneur et le maître de l’Église.

En tant que souffle du Père et du Fils, la troisième Personne est considérée comme le principe qui insuffle l’existence dans les êtres en les tirant du néant. Mais le Saint-Esprit est aussi celui qui éclaire l’homme et le guide sur un chemin de transcendance. Dès lors, Il ne confère pas seulement la vie dans l’ordre naturel, mais aussi dans l’ordre surnaturel. Il nous permet d’approcher la vie éternelle par participation à l’être et à la vie même de Dieu. Ainsi, Il nous transforme et ce changement merveilleux des ténèbres à la lumière par l’entrée de l’Esprit Saint dans l’âme s’appelle régénération, ou nouvelle naissance.

Par nature nous sommes des fils de la colère; le cœur est livré au péché, dominé par les esprits mauvais; il hérite de la mort comme un lot éternel. Mais par la venue de l’Esprit Saint, toute culpabilité et toute souillure sont consumées par le feu; le démon est expulsé; le péché originel et le péché actuel sont pardonnés; l’homme tout entier est consacré à Dieu.

le Saint-Esprit est avant tout une personne

Ajoutons que le Saint-Esprit est avant tout une personne à part entière et nous seulement un principe de relation comme on le croit parfois. Ceci nous est d’ailleurs montré par le fait qu’Il demeure essentiellement maître de lui-même car « l’Esprit souffle où il veut ». Plus encore, il est celui vers lequel  le regard des deux Personnes convergent, l’amour du Père et du Fils ne les enfermant pas dans un cercle clos mais les orientant au contraire ver ce troisième. Aimer, nous rappelle Saint-Exupéry, ne consiste d’ailleurs pas se regarder seulement l’un l’autre, mais « à regarder ensemble dans la même direction ».

Esprit de Dieu ou Esprit du Christ

Le Saint-Esprit est indifféremment appelé « Esprit de Dieu (du Père) » ou « Esprit du Christ ». Le Père est effectivement Esprit (« Dieu est Esprit ») comme le Fils l’est également (« Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils »)

L’air et le souffle

Le mot « esprit »  se dit en hébreu rouah et qui désigne également l’air, substance subtile servant d’intermédiaire entre le ciel et la terre,  et le souffle, principe même de la vie. L’air et le souffle sont étroitement associés a la respiration, une expérience fondamentale de communion et d’échange. En effet, en respirant j’accueille en moi le souffle de l’autre et je déverse le mien vers lui, la respiration étant essentiellement échange de souffle. Plus encore, l’accueil de l’autre (symbolisé par l’inspiration) et le don de soi (représenté par l’expiration) sont alors parfaitement indissociables, la respiration étant une expérience nécessairement composée de deux moments, distincts mais irréductiblement unis, l’un ne pouvant exister sans l’autre. Respirer consciemment amène donc l’aspirant à prendre conscience du fait que la vie repose sur une dynamique d’échange entre deux éléments distincts mais indissociables. Cela se démontre même, sur un plan purement organique, dans la mesure ou l’homme et la nature sont en étroite relation, l’un ne pouvant exister sans l’autre. Et il est également tout à fait possible de transposer cette réalité sur un plan plus psychologique ou mystique, l’homme étant en étroite relation avec l’autre et le Tout-Autre. La vie apparait dès lors comme une expérience rationnelle, sur un plan organique comme sur un plan psychique et spirituel, ce que l’Esprit de Dieu met particulièrement en exergue.

Analogie géométrique

En reprenant notre analogie entre Dieu et le cercle pointé, le Saint-Esprit occupe tout naturellement l’espace existant entre le point central et le cercle périphérique, un espace qui évoque précisément un rapport de médiation entre le centre ‘(symbolisant le Père) et la périphérie (représentant le Fils). Que peut donc évoquer plus spécifiquement cet espace qui occupe toute la surface du cercle? Le lieu d’une dynamique relationnelle entre l’intérieur et l’extérieur évidemment, mais aussi l’être même du cercle pointé, ce qui émane du centre tout en étant contenu dans la périphérie. En effet, cette espace entre la périphérie et le centre évoque la réalité même du cercle, symbolisant ici le principe de l’amour avec doutes ces modalités d’expression et de manifestation.

L’éveil de l’amour en nous

Le Saint-Esprit éveille en nous l’amour de Dieu et celui du prochain. L’homme n’est d’ailleurs pas en mesure d’aimer, ce  n’est par l’action de Dieu. Dès lors, la pratique de l’amour sera le signe indubitable de notre communion avec lui comme l’affirme saint Jean : « Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. ». A la dynamique intratrinitaire du Saint-Esprit correspond donc une réalité dans l’économie du salut puisque c’est lui qui nous fait demeurer en Dieu et permet que Dieu demeure en nous dans le mystère de l’amour, l’homme n’ayant pas en lui-même de quoi aimer Dieu, s’il ne le reçoit de Dieu conformément a ces mots de saint Jean : « Quand  à nous, aimons Dieu, parce que Dieu nous a aimé le premier. ».

Voir aussi

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