
En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples : vous avez appris qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous font du mal et qui vous persécutent; afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les bons et les méchants, et il fait pleuvoir sur les justes et les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous? Les publicains mêmes n’en font-ils pas autant? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous plus que les autres? Les païens mêmes ne le font-ils pas aussi? Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait.
Évangile selon Matthieu 5.
L’action du disciple…
L’amour des ennemis ne fait pas appel aux seuls sentiments. Face à son ennemi, le disciple doit passer à l’action, et sortir ses armes. Mais des armes bien désarmantes : faire du bien, prier, donner… Cela peut paraître anodin face à des moqueries et des insultes. De quoi faire passer les chrétiens pour des individus veules et apathiques, de gentils moutons sans défense, ni défenseur. Pourtant, il n’y a rien d’innocent ou de naïf dans le choix de ces verbes. D’une part il s’agit ici de verbes d’actions concrètes qui inscrivent le disciple dans une posture dynamique et oblative envers ses ennemis. D’autre part, s’il y a des actions, des campagnes à mener, des batailles à livrer ce ne sera pas sur le même terrain ni avec les mêmes armes. Cette lutte face au mal campe sur le terrain plat (6,17) du soin. La réponse du disciple ne se situe pas dans une volonté d’éliminer ou de réduire au silence son ennemi, mais de le guérir, de le sauver du Mal, quitte à s’humilier soi-même aux yeux des hommes. Tant pis, si l’honneur en prend un coup, si les disciples y laissent jusqu’à leur tunique. Il faut, à ses ennemis, procurer du bien, donner, prier…
Vers le Père
Au crescendo du Mal répond ainsi le crescendo de l’Amour : à une haine intime, répond l’action orientée vers le bon. Aux sombres malédictions répond la claire bénédiction par le souhait d’un divin bienfait. Enfin quand l’ennemi s’exprime publiquement en calomnies, le disciple intercède pour lui plus intimement dans une prière montant vers le Père. Face à la montée de la violence, le disciple descend au plus profond de l’amour non pour lui-même mais pour son ennemi.
… pour les pécheurs (6,31-35)
Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants.
Le règle d’or ?
Beaucoup de civilisations et de religions connaissent cette règle d’or : Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. On soulignera combien Jésus ne reprend pas ce principe en ces termes. La règle d’or est poussée à l’extrême comme jamais auparavant. Elle ne consiste plus à éviter de faire mal, de ne pas faire, mais au contraire de mettre en œuvre une action favorable : faire aux autres ce qu’on voudrait qu’ils fassent pour nous. Une fois encore Jésus invite à passer à l’action. Et il ne s’agit pas de répondre à la violence, à la haine par une pieuse rhétorique ou un argumentaire encyclique mais par des gestes réels.
Voir aussi : Construire la civilisation de l’Amour
Source https://www.aularge.eu/blog/2022/02/07/aimez-vos-ennemis/