Mai

Mai, fête de Beltaine

1er mai, le renouveau de la végétation

Jean-Louis Ragot

Riche en jours fériés, le mois de mai est synonyme de détente, d’insouciance, d’érotisme et de bonheur. Ce mois est consacré à la fille aimée, expression d’un lien particulier, les fiançailles, qui étaient autrefois un important rite de passage. Le nom du mois de mai vient du latin « majus », mois de la déesse Maïa, déesse gréco-romaine du printemps, de la terre nourricière et de la fécondité. Vénus gouvernait le mois de mai où les forces vitales, et parmi elles la force érotique, sont en pleine explosion.

Dans le calendrier celtique, le premier mai était le début de l’été, moment ou l’année entrait dans sa phase estivale. C’était la fête de Beltaine. On célébrait le triomphe de l’été lumineux, sur l’hiver nocturne, qui avait commencé à la date diamétralement opposée du 1er novembre, début de la période hivernale. Le premier mai est donc une césure fondamentale marquée par la fête de Beltaine. C’est une fête de transition de la moitié hivernale de l’année à sa moitié estivale. Les plantes sont en pleine montée de la sève. Les arbres sont à nouveau feuillus. L’observateur de la nature peut se sentir en union mystique avec l’environnement. Du 1er mai à la fin juillet, c’est à dire de Beltaine à Lugnasad, la fête du dieu Lug, dieu de lumière, célébrée le 1er août, les fêtes visaient à protéger le fragile équilibre entre la pluie et la sécheresse, car, à cette époque de l’année, la maturation des cultures reste tributaire des imprévisibles retournements de la saison. Les cérémonies du premier mai célébraient le passage vers la saison de l’épanouissement et de la végétation et de la floraison des plantes. Dans le monde celtique, mai est le mois de la « Vrya », la déesse de la floraison. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai et dans la journée de ce premier jour de l’été celtique, avaient lieu de grandes assemblées druidiques, on allumait des feux, les feux de Bel ou Belenos, l’Apollon celtique, c’était une fête de la lumière, une sorte de Pentecôte celtique communautaire très importante. Beltaine était une fête du feu célébrant le retour de la lumière et sacralisant la végétation. On allumait des feux de joie au sommet des collines et des feux purificateurs pour protéger le bétail des maladies estivales. C’était, après l’enfermement hivernal, la reprise des activités diurnes et le 1er mai celtique avait déjà certains aspects de la fête du travail. Les druides faisaient des offrandes de bière, de choux et de lait, symboles de fermentation et de naissance. Beltaine était aussi une fête pastorale célébrant le départ des troupeaux vers les pâturages. Les druides allumaient des feux et on faisait passer les bêtes à travers la fumée pour les prémunir contre les fièvres estivales. Les hommes sacrifiaient les premiers nés de leurs bétail à Bélénos. Beltaine était aussi une fête de fondation. On célébrait l’installation des Tuhata de Danan sur les terres d’Irlande, et l’allumage du premier feu à Uisnech par les dieux fondateurs de l’Irlande.

Chez les Germains, la nuit du 30 avril au 1er mai était la nuit de Walpurgis, diamétralement opposée à la fête des morts, le 1er novembre, où les esprits mauvais, les sorcières tenaient leurs sabbats. C’est la nuit où les forces hivernales et les forces solaires se livrent la dernière bataille, une période dangereuse et incertaine. Des feux étaient allumés pour aider l’été à triompher, les forces hivernales vaincues se retirant dans les montagnes. On croyait que la nuit de Walpurgis, les divinités du printemps, parcouraient la nature afin de mettre fin à l’hiver. Pour discréditer ces croyances, l’Église transforma ses divinités en démons et en sorcières, ce qui a donné à la « walpurgisnacht » la réputation d’être l’occasion de réunions de sorcières sur les collines. Ce côté sulfureux de la nuit de Walpurgis a inspiré Gœthe et Gustav Merinck. La fête de Walpurgis a été christianisée pour devenir celle de Sainte Walpurge, bénédictine anglaise que saint Boniface appela à ses côtés en Allemagne pour rallumer les feux de la foi d’un christianisme qui manquait de vigueur. Walpurge devint abbesse de Heidenheim. On dit qu’elle fut initiée à la magie et à la science des simples. Elle mourut en 778 et fut enterrée dans l’église de Eichstätt, aussitôt, un huile miraculeuse se serait mise à sourdre de son tombeau, l’huile de sainte Walpurge. Un syncrétisme s’est opéré entre la tradition païenne et la religion chrétienne l’endroit devint un lieu de pèlerinage. Plus généralement, les eaux des sources étaient l’objet, en de nombreux endroits de pèlerinages où s’entremêlaient cultes religieux et rituels de guérison. Chaque source avait la réputation de guérir telle ou telle maladie et se trouvait sous le patronage d’un saint. Nous trouvons ici un syncrétisme entre le culte primitif rendu à une source et le culte d’un saint local doté d’un pouvoir de guérison.

Au Moyen-Age, on pensait que la nuit du 30 avril au 1er mai était magique et propice aux maléfices. L’Inquisition vit là un sabbat des sorcières, et le pape Innocent VII décida, en 1484, que ces actes de sorcellerie vaudraient une condamnation au bûcher. En outre, l’Église a toujours vu d’un mauvais œil l’aura d’érotisme qui émanait de la fête de mai. Alors elle a fait du mois de mai le mois de Marie. Le culte de la Mère du Christ a recouvert le culte des divinités féminines. Mais la prise en main des rites par les chrétiens a permis la conservation des traditions agraires attenantes à la maturation des céréales, au mûrissement des fruits et au départ des troupeaux vers les pâturages. Les chrétiens ont remplacé la fille aimée par la Vierge Marie.

Les célébrations traditionnelles du mois de mai sont l’occasion de divertissements collectifs qui exaltent la résurrection végétale et la régénération des forces vitales. Ces célébrations donnent lieu à une utilisation symbolique des jeunes rameaux, aux cultes des sources et de l’eau vive et pure de la fonte des neiges hivernales, idée que l’on retrouve de nos jours dans la publicité. La veillée de mai se nomme « May Eve »dans le monde anglo-saxon. Pendant cette veillée on allume de grands feux. Les jeunes gens sautaient à travers la fumée pour se purifier et pour amener la fertilité. La hauteur des sauts était censée être un présage de la hauteur que les plantes textiles (lin et chanvre) allaient atteindre. L’arbre est particulièrement fêté sous la forme de l’arbre de Mai (may pole) qui célèbre la régénération cosmique. Couronné de fleurs et apparenté à l’arbre de vie, il constitue un « axis mundi », symbole d’élévation et d’ascension sacrée. Pendant la nuit de Beltaine, les jeunes célibataires coupaient un arbre choisi à l’avance, le plus souvent un bouleau. Ils l’élaguaient presque complètement et le dressaient sur la place du village, décoré de rubans multicolores et de fleurs. Cet arbre est la représentation vivante de l’axe cosmique autour duquel gravite le cercle du clan. Il transmet ses forces à la communauté à travers les danses, les chants rituels et des bruits destinés à chasser les mauvais esprits de l’hiver. Entre la terre et les cieux, l’arbre est un médiateur universel entre l’homme et les forces célestes d’une part et d’autre part entre les vivants et les morts. La verticalité de l’arbre exprime à la fois le souhait de voir grandir la végétation, et celui de parvenir à une élévation mystique. Dans la journée du premier mai, les festivités consistaient à danser autour du mât en tenant des rubans, ce qui constitue le rituel le plus universel de la fête de mai puisqu’il se pratique de l’Inde à l’Irlande et s’est répandu aux anciennes colonies espagnoles d’Amérique. Le lendemain, le mât était brûlé, les cendres étaient dispersées dans les champs, pour favoriser, protéger et accroitre les récoltes. Des cendres étaient conservées jusqu’au printemps suivant. En Angleterre, le « maypole » fut interdit en 1644 par les Puritains, car les coutumes de mai étaient entachées de paganisme. Lors de la Révolution française, l’arbre de mai est devenu l’arbre de la liberté, symbole de la régénération des français, il était orné de rubans tricolores, d’instruments de travail et d’un bonnet phrygien au sommet.

Dans le folklore européen, la coutume célébrait l’amour et les fiançailles. On faisait aussi le mai aux filles en érigeant un petit arbre de mai devant leur porte en guise de déclaration d’amour publique et officielle. Si la famille de la fille acceptait la proposition, le jeune homme était invité à la maison en vue d’éventuelles fiançailles. Mais bien qu’étant le mois des amours promises, mai n’est pas propice au mariage, et l’on connaît l’avertissement d’Ovide : « Que les vierges et les veuves se gardent bien d’allumer les feux de l’hyménée. Ces flambeaux se changent vite en torches funèbres. » En effet, selon une croyance immémoriale, mai est défavorable aux mariages, « mariages de mai ne fleurissent jamais » ; ce dicton est une mise en garde contre les émotions éphémères et dont l’issue est souvent une désillusion. De plus les enfants conçus en mai naissent en février, au Carnaval ; on craignait qu’ils soient fous et même qu’ils aient les yeux rouges. L’amour qui s’exprime au mois de mai est avant tout un amour symbolique, un amour promis mais non consommé, un amour courtois, un amour de mai.

Une autre coutume est l’élection de la reine de mai, à la suite affrontements symboliques entre un groupe représentant l’été et un groupe représentant l’hiver. Lors de ce combat, qui avait lieu le matin du premier mai, un héros solaire délivrait une jeune fille prisonnière des forces hivernales, représentées par un serpent ou un dragon. Le héros de mai couronne une reine de mai qui représente une héroïne printanière délivrée des puissances de l’hiver Souvent les combats ont été oubliés et il ne subsiste plus que le couronnement de la reine. Elle était menée en procession sur une chaise à porteurs, accompagnée d’un cortège de petites filles portant des couronnes de fleurs, tandis que les garçons quêtaient des œufs et des friandises. Les cérémonies de mai se terminaient par cette quête. Les groupes qui parcourent le village avec des branchages et des fleurs personnifient la végétation et recueillent des dons dans chaque maison, des œufs, des fruits secs, ceux qui refusent de donner sont menacés de mauvaises récoltes. Dans la mentalité traditionnelle, on pensait que la collectivité humaine devait participer activement au renouveau de la végétation, un renouveau cosmique qui impliquait tant les humains que les végétaux. Il existe aussi la tradition du « feuillu »ou « fou de mai ». Couvert de branchages, il représente l’esprit de la croissance de la végétation. Souvent, il asperge l’assistance avec l’eau d’une fontaine décorée de fleurs et de rubans. Ce rituel est censé favoriser une bonne santé, la fécondité et la fertilité. Le personnage du feuillu incarne la force de la végétation.

En Europe du nord, la tradition de la nuit de Walpurgis, évoqué par Goethe dans Faust, est toujours vivace en Allemagne occidentale. On brûle une poupée de paille figurant une sorcière. On court dans les champs avec des flambeaux. Ces feux sont censés être bénéfiques pour les cultures, les hommes et les bêtes. La fumée rend les femmes fécondes et les terres fertiles. En Suède, on appelle cette nuit-là la « Valborgsässa »qui célèbre elle aussi le retour du beau temps, avec de grands feux allumés au centre du village. Le premier mai était la date traditionnelle du début de l’année budgétaire, de la sortie des bêtes de l’étable et de l’engagement de nouveaux pâtres. C’était aussi le moment de recruter du personnel pour les récoltes estivales.

Aujourd’hui, ces réjouissances agricoles ont survécu sous d’autres formes à l’expansion des villes et à la révolution industrielle et se sont transformées en la fête du travail. Les fleurs, drapeaux, guirlandes et arbres de mai ont été remplacés par les bannières urbaines du premier mai syndicaliste. La date a été choisie en l’honneur des ouvriers morts lors du « Moving Day », manifestation réprimée à Chicago en 1886. Le pape Pie XII décréta la journée du premier mai fête de « Saint Joseph Ouvrier ». Le premier mai moderne conserve l’idée de l’amélioration du bien être collectif.

Malgré toute la résistance de l’Église, les coutumes du premier mai ont perduré jusqu’à l’ère moderne, où la révolution industrielle, la mécanisation agricole et l’exode rural ont eu raison de nos traditions ancestrales héritières du paganisme. Aujourd’hui, il ne reste plus que le dérisoire brin de muguet, hérité d’usages aristocratiques de la fin de l’ancien régime, il ne reste plus que les cortèges d’ouvriers en colère, des descendants de paysans déshérités de leurs traditions ancestrales.

Jean-Louis Ragot

Mois de mai, mois de Marie : une coutume récente ?

Lys des Vallées (communément appelé « Muguet ») https://abbayenotredamedelapaix.fr/2013/04/26/mois-de-mai-mois-de-marie-2/

Depuis quand dit-on que le mois de mai est dédié à l’intercession de la Vierge Marie ? Le père Renaud Saliba, recteur du sanctuaire de Pontmain lieu d’une apparition mariale datant de 1871 dans le diocèse de Laval, nous apporte quelques explications sur le sens de la période particulière qu’est le mois de Marie.

https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/connaitre-et-aimer-dieu/marie/499023-mois-de-marie-coutume-recente/

Mois de mai, mois de Marie

1er mai : fête de saint Joseph Travailleur

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