
Les quatre éléments
Exercice dit des « quatre frères », issu de la méthode de Michaël Chekhov (« être acteur » et « l’imagination créatrice de l’acteur »).
Élément Terre : sculpter, modeler

SCULPTER, MODELER
Exercice 3, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.30
Cet exercice vous aidera à créer indéfiniment de nouvelles formes sur la scène. Vous acquerrez le goût de la forme parfaite, et vous vous sentirez artistiquement insatisfait devant tout mouvement vague ou informe, et chaque fois que vous rencontrerez, aussi bien chez vous-même que chez vos partenaires, une pensée, une intention, une intonation, ou un sentiment imprécis. Vous comprendrez que l’informe et l’imprécis n’ont pas de place dans l’art.
Comme précédemment (voir les exercices de théâtre dans le groupe « L’imagination créatrice de l’acteur »), exécutez une série de gestes larges, dynamiques, en y faisant participer le corps tout entier. Mais, cette fois, dites-vous : « je vais modeler l’espace qui m’entoure, comme ferait un sculpteur. Je vais modeler dans l’air des formes qui seront dessinées par les mouvements de mon corps. »
Créez des formes nettes et vigoureuses. Pour cela, pensez bien au départ et à l’aboutissement de chacun de vos gestes. Cette fois encore, dites-vous : « Maintenant je commence ce mouvement qui crée une forme »; et quand vous avez terminé : « Maintenant j’ai achevé le mouvement, la forme est là ». En même temps, imaginez que votre corps lui-même est aussi une forme mobile. Sentez cette forme. Répétez chaque mouvement plusieurs fois jusqu’à ce que vous réussissiez à l’exécuter avec une parfaite aisance et plaisir. C’est un travail qui ressemble à celui du dessinateur qui reprend dix fois, vingt fois, le même trait, jusqu’à ce qu’il ait obtenu un dessin plus exact, plus net, plus expressif. Mais pour que vos mouvements gardent bien cette qualité de « sculpture » dans l’espace, imaginez que l’air qui vous entoure est une matière solide. Essayez aussi d’exécuter le même mouvement sur des rythmes différents.
Ensuite, essayez de reproduire les mêmes formes en vous servant seulement de certaines parties de votre corps : l’épaule et l’omoplate, le dos, les coudes, les genoux, le front, les mains, les doigts etc. En faisant ces mouvements, continuez a éprouver cette sensation de puissance et de force intérieure circulant dans votre corps et se répandant au dehors. Evitez de contracter inutilement vos muscles. Pour plus de facilité, exécutez d’abord vos mouvements de « sculpture » sans faire intervenir le centre imaginaire. N’imaginez ce centre qu’un peu plus tard. (voir dans le groupe « imagination créatrice de l’acteur »)
Maintenant, revenez, comme dans l’exercice précédent, à des mouvements simples et naturels, à des gestes quotidiens, mais en concentrant votre esprit à la fois sur le centre imaginaire et sur les sensations de force et de formes à sculpter dans l’espace.
Quand vous touchez un objet, essayez de faire passer votre force en lui, de lui communiquer votre énergie. Vous développerez ainsi votre aptitude à manipuler des objets sur scène avec aisance et adresse. Essayez également de communiquer cette force à vos partenaires, même à distance; c’est un des moyens les plus simples pour établir un contact véritable et solide avec vos partenaires sur la scène, et c’est un point important de la technique dont nous reparlerons plus loin. Dépensez cette force sans compter; elle est inépuisable, et plus vous la distribuez plus elle s’accumule en vous.
Terminez cet exercice en faisant travailler vos mains et vos doigts séparément. Faites une série de mouvements très naturels : saisir, déplacer, soulever, poser, manipuler divers objets de tailles différentes. Veillez à ce que vos mains et vos doigts aient toujours l’impression de « sculpter » l’espace et de créer des formes à chaque geste. Il n’y a pas lieu d’exagérer les mouvements, ni de vous décourager si, au début, ils vous paraissent maladroits ou trop appliqués. Les mains et les doigts peuvent être merveilleusement expressifs sur la scène s’ils sont souples et bien entraînés, et si l’acteur les fait jouer avec discrétion.
Lorsque vous aurez acquis une technique suffisante pour exécuter ces mouvements de « sculpture », et le faire avec un certain plaisir, dites-vous : « chacun de mes gestes est une petite oeuvre d’art, et je les exécute comme ferait un artiste. Mon corps est un instrument parfait pour sculpter l’espace et créer des formes. C’est par l’intermédiaire de mon corps que je peux communiquer au public mon énergie et ma force intérieure. » Laissez ces pensées pénétrer profondément dans votre corps et s’y imprimer.
Cet exercice vous aidera à créer indéfiniment de nouvelles formes sur la scène. Vous acquerrez le goût de la forme parfaite, et vous vous sentirez artistiquement insatisfait devant tout mouvement vague ou informe, et chaque fois que vous rencontrerez, aussi bien chez vous-même que chez vos partenaires, une pensée, une intention, une intonation, ou un sentiment imprécis. Vous comprendrez que l’informe et l’imprécis n’ont pas de place dans l’art.
Élément Eau : flotter

FLOTTER
Exercice 4, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.30
Reprenez les mouvements pleins et larges des exercices précédents (voir le groupe « imagination créatrice de l’acteur »), en faisant jouer le corps tout entier; puis passez à des mouvements simples et naturels; enfin ne faites plus travailler que vos mains et vos doigts.
Mais cette fois, pénétrez-vous d’une nouvelle intention. Dites-vous : « Mes mouvements flottent dans l’espace, ils se fondent harmonieusement les uns dans les autres. » Comme dans l’exercice précédent (exercice 4 « sculpter »), tous les mouvements doivent être simples et bien dessinés. Laissez vos gestes partir et revenir comme la vague sur le sable. Evitez toujours de contracter inutilement vos muscles, mais ne tombez pas pour autant dans l’imprécision ou la mollesse.
En faisant cet exercice, imaginez que vous évoluez dans l’eau et que vos mains effleurent légèrement la surface.
Variez le rythme de vos mouvements. Arrêtez-vous de temps en temps. Considérez chaque geste comme une petite oeuvre d’art. Vous éprouverez bientôt une sensation de calme, d’équilibre, de chaleur intérieure, dont vous laisserez tout votre corps se pénétrer.
Élément Air : Voler

VOLER
Exercice 5, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.31
Par la pratique de cet exercice vous vous sentirez envahi par un sentiment heureux de légèreté et d’aisance.
Si vous avez déjà observé des oiseaux en plein vol, vous n’aurez pas de mal à saisir l’esprit de ce nouvel exercice. Imaginez que votre corps vole dans l’espace. Cette fois enore, laissez vos mouvements se fondre l’un dans l’autre, tout en restant bien dessinés. Vous pouvez exécuter ces mouvements avec plus ou moins de force, mais ils doivent cependant conserver une certaine intensité. Vous ne devriez jamais relâcher votre concentration. Même si, extérieurement, vous revenez à une position statique, vous devez continuer à imaginer que vous flottez dans les airs. Imaginez que l’air qui vous entoure est un milieu qui vous force à voler. Vous devez éprouver le besoin d’alléger votre corps, de lutter contre la pesanteur. Tout en vous déplaçant, changez le rythme de vos mouvements. Vous vous sentirez envahi par un sentiment heureux de légèreté et d’aisance.
Comme précédemment (voir le groupe « Imagination créatrice de l’acteur »), vous commencerez l’exercice par des mouvements larges. Vous passerez ensuite à des gestes plus simples et plus naturels. Quand vous exécuterez des gestes quotidiens, veillez à ce qu’ils restent simples et vrais.
Élément Feu : Irradier

IRRADIER
Exercice 6, Etre acteur, Michaël Chekhov, p.31
Cet exercice vous fera prendre conscience de l’existence et de l’importance de votre « être intérieur ».
Vous éprouverez également des sensations de liberté, de bonheur, de chaleur intérieure. Toutes ces sensations pénétreront votre corps, l’imprégneront tout entier, le rendant de plus en plus vivant, sensible et vibrant.
Commencez cet exercice, comme toujours, par des mouvements larges; puis passez à des mouvements quotidiens plus simples : lever un bras, le baisser, l’étendre devant soi, puis sur les côtés, faire le tour de la pièce, s’allonger par terre, s’asseoir, se lever, etc. Mais en faisant cela, projetez sans interruption et en avant de vous cette « force rayonnante » qui doit émaner de votre corps et précéder puis prolonger tous vos mouvements.
Vous vous demandez peut-être comment il est possible, par exemple, de continuer à s’asseoir une fois qu’on est effectivement assis. La réponse est simple. Il suffit de vous souvenir que vous vous êtes assis épuisé et fatigué. S’il est vrai que vous êtes assis « physiquement », psychologiquement vous continuez à « vous asseoir » en projetant devant vous l’intention qui a motivé l’acte. Vous éprouvez alors la sensation d’un réel soulagement, correspondant à un repos réel. De même si vous essayez de vous lever en imaginant que vous êtes très fatigué, votre corps opposera une résistance telle que bien avant de « vous lever » alors vous êtes déjà debout. Ceci ne veut pas dire, bien entendu, qu’il faille « jouer » la fatigue. C’est seulement un moyen de vous faire comprendre ce qui se passerait dans la réalité en pareille circonstance. Cet exercice doit s’appliquer a tous les mouvements qui aboutissent à une position statique. N’oubliez jamais que chaque mouvement doit être procédé et suivi de cette « projection ».
Pendant que vous projetez ces intentions imaginaires, essayez de sortir, en quelque sorte, des limites de votre corps. Pour cela, projetez votre « rayonnement » dans plusieurs directions, en le faisant d’abord émaner du corps tout entier, puis de chaque partie isolément : les bras, les mains, les doigts, le front, la poitrine, le dos. Vous pouvez ou non faire partir ce rayonnement du centre moteur situé dans votre poitrine (voir exercice 2). Remplissez tout l’espace qui vous entoure de ces radiations. (C’est en réalité le même processus que lorsque vous projetez votre force intérieur au-dehors, mais il s’exerce avec beaucoup plus de force et de légèreté). Remarquez bien, également, la différence très subtile qui existe entre les mouvements de « vol » et ceux de « rayonnement ». Vous les distinguerez plus facilement avec un peu de pratique. Enfin, imaginez que l’air qui vous entoure est baigné de lumière.
Ne vous laissez pas troubler par la question de savoir si vous « irradiez » réellement ou si vous imaginez que vous le faites. Si vous imaginez sincèrement, et avec conviction, que vous émettez un rayonnement, votre imagination vous amènera progressivement et immanquablement à émettre effectivement ce rayonnement.
Cet exercice vous fera prendre conscience de l’existence et de l’importance de votre « être intérieur ». Il n’est pas rare que des acteurs ignorent ou négligent ce trésor qu’ils ont en eux, et s’appuient, pour jouer, trop exclusivement sur des moyens d’expression extérieurs. Ce recours exclusif aux moyens extérieurs trahit, de façon flagrante la tendance de certains acteurs à oublier, ou à refuser de croire que les personnages qu’ils interprètent ont une âme vivante, et que cette âme peut être révélée de façon convaincante au spectateur grâce à un effort de « rayonnement intense ». En réalité, il n’y a rien, dans le domaine de la psychologie humaine, qui ne puisse être exprimé de cette manière.
Vous éprouverez également des sensations de liberté, de bonheur, de chaleur intérieure. Toutes ces sensations pénétreront votre corps, l’imprégneront tout entier, le rendant de plus en plus vivant, sensible et vibrant.
EN IMAGINATION
Exercice 7
Quand vous serez parfaitement familiarisé avec ces quatre types de mouvement (sculpter, flotter, voler, irradier) et que vous saurez les exécuter avec aisance, essayez de les reconstituer mentalement, en imagination. Répétez cette expérience jusqu’à ce que vous soyez capable de retrouver exactement les sensations physiques et les impressions que vous éprouviez en exécutant le mouvement réellement.
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