» L’Ordre et la Vérité sont nés de l’Ardeur qui s’allume. De là est née la Nuit. De là l’Océan et ses ondes. De l’Océan avec ses ondes naquit l’Année, qui répartit jours et nuits, régissant tout ce qui cligne des yeux. L’Ordonnateur a mis en forme le Soleil et la Lune, en rang de priorité ; le Ciel et la Terre ; l’Espace aérien ; enfin la Lumière. «
Rigveda, X, 190.

Création du ciel, de la terre et de l’homme
Gravures de Jean Cousin,
in Figures de la Bible, Paris, 1614 – Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. A.
1401, pages 2 et 3 La légende de la gravure [p. 2] dit : « Création du Ciel et de la Terre, des Arbres, et Herbes, des Astres et de tous les Animaux ». La scène résume ainsi en un seul tableau les cinq premiers jours de la Création. Dieu le Père crée les luminaires au milieu des étoiles et des nuées ; au-dessous, les animaux terrestres sont à gauche, les créatures de l’eau à droite.
La gravure [p. 3], entièrement consacrée à l’œuvre du sixième jour, représente Dieu en train d’insuffler la vie à Adam. Elle traduit encore une fois la prééminence absolue accordée, tout au long de la Renaissance, à la place de l’homme dans l’ordre de la Création.
L’ordre védique de la Création diffère radicalement de celui prôné par la tradition judéo-chrétienne : le premier jour, Dieu a créé la matière et la lumière à partir du chaos ; le deuxième, il a créé l’espace par séparation du ciel et des eaux ; le troisième, il a séparé la terre et les eaux ; le quatrième, il a créé les luminaires célestes, le cinquième les poissons et les oiseaux, le sixième les animaux terrestres et l’homme ; enfin, au septième jour, Dieu s’est reposé et a contemplé son œuvre. Sur le plan astronomique, on peut remarquer que, dans la Genèse, la séparation de la lumière et des ténèbres est accomplie dès le premier jour, le Soleil et la Lune n’apparaissant qu’au quatrième. La lumière du premier jour n’est donc pas celle des astres. Le texte biblique traduit ainsi une croyance très ancienne, selon laquelle la lumière et les ténèbres sont indépendantes des corps célestes : le Soleil, la Lune et les étoiles n’existent pas pour donner la lumière mais seulement pour l’accroître, pour distinguer le jour et la nuit, pour marquer le passage des saisons, etc. « Nous devons nous rappeler que la lumière du jour est une chose et la lumière du soleil, de la lune et des étoiles une autre – le soleil paraît pour donner un éclat supplémentaire à la lumière du jour », remarque saint Ambroise dans son Hexaméron.
Cette façon de voir est illustrée de manière frappante dans les mosaïques de la basilique Saint-Marc à Venise, les fresques du baptistère de Florence ou celles de la basilique Saint-François à Assise : toutes représentent le Créateur plaçant dans les cieux deux disques de taille égale, que leur couleur ou une simple inscription permettent d’identifier.

La création des luminaires
Venise, basilique Saint-Marc, coupole de la Création (détail)
© Verlag Herder,Photo Helmuth Nils Loose,
Freiburg in Bresgau, 1986

L’atrium de la basilique Saint-Marc, à Venise, est orné d’un splendide cycle de mosaïques relatant les événements racontés dans la Genèse. Les scènes relatives au récit de la Création, sous la première coupole, furent probablement achevées vers 1220. Les illustrations sont calquées sur les miniatures de la Bible de Cotton, manuscrit grec écrit et enluminé au Ve ou au VIe siècle. Ce détail montre la création du firmament par un démiurge jeune et imberbe.
L’ordre de la Création : parallèle entre mythes et sciences Si les récits mythiques ou religieux parlent de la création du monde (par un ou plusieurs dieux), les « récits » scientifiques ont pour seule ambition de décrire la formation et l’évolution du contenu de l’Univers. Malgré tout, il existe entre ces deux approches de nombreux parallèles.
Ainsi la création du monde selon la Chronique de Nuremberg peut être comparée à l’évolution cosmique selon les modèles du Big Bang.
La création du monde selon la Chronique de Nuremberg Somme des connaissances historiques et géographiques à la veille de la Renaissance et plus grand incunable illustré, la célèbre Chronique de Nuremberg est l’œuvre de l’humaniste et érudit Hartmann Schedel (1440-1514), médecin à Nuremberg ;
Encyclopédie cosmographique ornée de 1 089 gravures décrivant les âges du monde depuis la Création, l’ouvrage s’ouvre sur le récit de l’heptaméron biblique
L’évolution cosmique selon les modèles de big bang
La chronologie de l’Univers est aujourd’hui assez bien établie dans le cadre des modèles de big bang. Les astrophysiciens estiment avoir reconstitué de façon plausible une histoire cosmique longue de 15 milliards d’années, en remontant dans le passé jusqu’au premier dix-milliardième de seconde. À cette époque, l’Univers était si dense et si chaud qu’il était opaque. Environ 1 million d’années plus tard, il a émis sa première lumière, que l’on capte aujourd’hui dans les radiotélescopes. 1 milliard d’années après se sont formées les premières galaxies, dont sans doute la nôtre. Au sein de la Voie lactée, plusieurs générations d’étoiles se sont succédé. Le Soleil s’est condensé une dizaine de milliards d’années plus tard, soit, en reprenant le chronomètre à partir du présent, il y a 5 milliards d’années. Assez rapidement, les planètes se sont agglomérées, les datations les plus précises sur l’âge de la Terre indiquant 4,56 milliards d’années. La vie aquatique a surgi dès que l’intense bombardement météoritique initial a cessé et que la Terre s’est refroidie : des organismes monocellulaires sont apparus dans les océans il y a 3,5 milliards d’années. Puis tout s’est précipité. Il y a 600 millions d’années sont apparus les premiers vertébrés, il y a 200 millions d’années les premiers mammifères. L’apparition de notre espèce, Homo sapiens, est récente : 10 millions d’années. Tel est le nouvel heptaméron de la cosmologie moderne.
- Les sept jours de la Création
- Le quatrième jour
- Le cinquième jour
- Le sixième jour
- Le septième jour
- L’Heptaméron Renaissant
Les sept jours de la Création
Premier jour

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Hartmann Schedel,
Das Buch der Croniken
Nuremberg, Anton Koburger, 1493. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. G. 505
La main de Dieu réunit les eaux sous le firmament.
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »
La main de Dieu jaillit du ciel pour séparer la lumière et les ténèbres. C’est la première différenciation du vide, ne mettant encore en jeu aucune substance matérielle.
Naissance de l’espace temps

Naissance de l’espace temps
Simulation numérique
© A. Linde, Stanford University
Dans la théorie de l’inflation chaotique, le vide quantique explose à la fin de l’ère de Planck et engendre un ou plusieurs univers en expansion rapide. Seule une simulation sur ordinateur permet de visualiser un tel processus.
Le deuxième jour

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Hartmann Schedel,
Das Buch der Croniken,
Nuremberg, Anton Koburger, 1493. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. G. 505
La main de Dieu sépare le firmament des eaux inférieures, différenciant les composantes substantielles du vide.
La main de Dieu sépare le firmament des eaux inférieures, différenciant les composantes substantielles du vide.
Naissance de la lumière
La « carte cobe » représente l’état de l’Univers jeune d’un million d’années, à l’époque où il n’était qu’une soupe extraordinairement lisse et homogène. Aucune structure astronomique de type étoile, galaxie, planète, n’existait. Seuls de très légers frissonnements agitaient la soupe. En effet, la carte cobe exhibe de minuscules inhomogénéités de température (codées par des couleurs). Toutefois, l’écart entre la région la plus chaude et la région la plus froide n’est que d’un cent millième de degré. Ces variations sont liées à des variations de densité : les régions les plus froides sont aussi les moins denses. On voit donc là l’origine de toutes les structures astronomiques, en quelque sorte les fœtus de galaxies !
Le troisième jour

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Hartmann Schedel,
Das Buch der Croniken,
Nuremberg, Anton Koburger, 1493. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. G. 505
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »
La main de Dieu réunit les eaux sous le firmament en un lieu, de sorte que la terre sèche peut apparaître, le monde étant dès lors divisé entre la terre et les mers. Jusqu’ici, la terre, l’eau et les autres éléments étant encore mêlés en un chaos, le nombre de sphères figurées dans les diagrammes est indéterminé – deux, cinq ou quatre selon la fantaisie de l’illustrateur, dont la tâche consiste à montrer l’invisible.
Naissance des galaxies

Naissance des galaxies
Le « lego galactique»
STSd / R. Windhorst (Arizona State University) et NASA / ESA
Ces images prises par le télescope Hubble en 1996 révèlent ce qui pourrait être les « briques de construction » des galaxies dans l’Univers primitif. Prises avec la Wide Field Planetary Camera 2, elles montrent un regroupement de dix-huit amas d’étoiles géants d’environ 2 000 années-lumière de diamètre, suffisamment proches l’un de l’autre (2 millions d’années-lumière) pour qu’ils finissent par fusionner et former un objet de la taille d’une galaxie. Situés à 11 milliards d’années-lumière, ils datent donc d’une époque où l’on croit que les premières galaxies se sont formées. Ce résultat ajoute du poids à la théorie de formation des galaxies selon laquelle ces dernières se constituent par regroupements d’amas d’étoiles, et non par fragmentation d’un vaste nuage protogalactique.
Si ce plan de construction est correct, notre propre galaxie, la Voie lactée, contient les pièces du processus d’assemblage, sous forme de vieux amas globulaires.
Le quatrième jour

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Hartmann Schedel,
Das Buch der Croniken
Nuremberg, Anton Koburger, 1493. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. G. 505
Le quatrième jour, le temps entre en jeu.
Le quatrième jour, le temps entre en jeu, et de nouveaux modes de perception sont requis. Les corps célestes entament leur course circulaire dans le ciel et commencent à marquer le passage du temps. Le monde est partagé en régions identifiables. On reconnaît le diagramme familier de l’univers géocentrique de Ptolémée. Au milieu se tient la Terre, la tête en bas. Puis viennent trois sphères non nommées pour les trois éléments eau, air, feu. Ensuite viennent les sept sphères des planètes – en commençant par la Lune, puis Mercure et Vénus, ensuite le Soleil, enfin les sphères de Mars, Jupiter et Saturne. Le français planète est dérivé du grec planêtes (asteres), qui signifie « astre errant », par opposition aux étoiles fixes qui maintiennent leurs positions relatives nuit après nuit. Puisque les étoiles fixes doivent aussi entrer dans ce schéma, est dessinée, en dehors de la sphère planétaire, la sphère qui contient les constellations, décorée d’étoiles équidistantes entre elles. Toutes les étoiles sont à égale distance de la Terre. Il y a enfin une sphère représentant le Premier Moteur, la cause sans cause antécédente dite Cause Première, qui marque la frontière entre l’univers, fini, et l’empyrée, infini, et qui assure aux sphères inférieures un mouvement circulaire uniforme.
Naissance des étoiles

Nébuleuse de l’Aigle
STSd / J. Hester et P. Scowen / NASA / SA
Entre les étoiles, toutes les galaxies sont remplies de vastes nuages de gaz et de poussières. Ceux de la galaxie, éclairés par les étoiles avoisinantes, apparaissent comme de magnifiques nébuleuses que les astronomes photographient, analysent et cataloguent depuis maintenant plus d’un siècle.
Elles se distinguent par leur densité, leur pression, leur température, leur composition chimique. Souvent, les régions intérieures nous restent invisibles à cause de l’obscurcissement par la poussière qu’elles contiennent.
Leur intérieur est alors sondé par l’intermédiaire du rayonnement infrarouge qu’émet cette poussière.
Nombre d’entre elles sont des sites de formation d’étoiles.
Le cinquième jour

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Hartmann Schedel,
Das Buch der Croniken
Nuremberg, Anton Koburger, 1493. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. G. 505
Les créatures de la terre, de la mer et de l’air, que Dieu a créées le cinquième jour, peuplent la Terre.
Les créatures de la terre, de la mer et de l’air, que Dieu a créées le cinquième jour, peuplent la Terre.
Naissance des planètes

Naissance des planètes
Disque de poussières autour de b. Pictoris.
© Jet Propulsio, laboratory / NASA / Ciel et Espace
L’étoile, située dans la constellation de l’Atelier de Peintre, dans l’hémisphère austral, est entourée d’un disque de gaz et de poussières analogues à celui du système solaire primitif, mais vingt fois plus grand. Une ou plusieurs planètes se sont peut-être déjà formées dans le disque, tandis que d’innombrables comètes semblent se volatiliser en tombant sur l’étoile centrale.
Le sixième jour

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Hartmann Schedel,
Das Buch der Croniken
Nuremberg, Anton Koburger, 1493. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. G. 505
La création d’Adam.
Acte de création d’Adam, point culminant de l’heptaméron. Jusqu’ici, le Démiurge avait été représenté par une main sans visage, simple instrument. Maintenant, Il est représenté en entier, faisant surgir avec sa main gauche le premier homme à partir d’une poignée de glaise, tandis que sa main droite le bénit. Dieu et la créature façonnée à son image se font face dans une attitude de caritas, tandis que les bêtes de l’Éden musardent dans une nature paisible qui s’étend sans perturbation jusqu’à l’horizon.
Naissance de la vie

Naissance de la vie
Microfossiles
Ces colonies de bactéries en bâtonnets ont été isolées dans des roches datant de 3,465 milliards d’années dans le Nord-Ouest australien.
De tels assemblages de cellules procaryotes démontrent que des micro-organismes étaient déjà largement répandus sur Terre à l’époque archéenne, et que les bactéries autotrophes, productrices d’oxygène, ont pu ensuite évoluer à partir de ces organismes primitifs.
Le septième jour

La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
Hartmann Schedel,
Das Buch der Croniken,
Nuremberg, Anton Koburger, 1493. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. G. 505
Somme des connaissances historiques et géographiques à la veille de la Renaissance et plus grand incunable illustré, la célèbre Chronique de Nuremberg est l’œuvre de l’humaniste et érudit Hartmann Schedel (1440-1514), médecin à Nuremberg. Avec l’aide du médecin Hieronymus Münzer (mort en 1506) et du poète Konrad Celtis (1459-1508), il puisa dans son importante bibliothèque (aujourd’hui conservée en grande partie à la bibliothèque municipale de Nuremberg) les sources de cet immense travail. Encyclopédie cosmographique ornée de 1 089 gravures décrivant les âges du monde depuis la Création, l’ouvrage s’ouvre sur le récit de l’heptaméron biblique. Il fut imprimé chez Anton Koburger, grand libraire allemand de la fin du XVe siècle qui contribua à l’essor de la gravure sur bois. Pour les illustrations, il fit appel à deux peintres de la ville, Wilhelm Pleydenwurff (1434-1519) et Michael Wohlgemut (mort en 1494), le maître de Dürer dont Koburger était le parrain. Cette édition en allemand, datée du 23 décembre 1493, a suivi de quelques mois l’édition originale en latin . Ayant accompli sa tâche, Dieu se repose dans toute sa gloire et contemple son œuvre. C’est le septième jour. Le tableau de l’univers est devenu « complet » dans l’espace et dans le temps. Sous les pieds de Dieu tourbillonne le cosmos qu’il a mis en mouvement le quatrième jour. De part et d’autre de son trône, et protégeant l’œuf cosmique, sont les neuf ordres des anges, énumérés à gauche. Des quatre coins du monde soufflent les vents cardinaux.
Ayant accompli sa tâche, Dieu se repose dans toute sa gloire et contemple son œuvre. C’est le septième jour. Le tableau de l’univers est devenu « complet » dans l’espace et dans le temps. Sous les pieds de Dieu tourbillonne le cosmos qu’il a mis en mouvement le quatrième jour. De part et d’autre de son trône, et protégeant l’œuf cosmique, sont les neuf ordres des anges, énumérés à gauche. Des quatre coins du monde soufflent les vents cardinaux.
Naissance de la conscience

Naissance de la conscience
Superposition IRM et TEP, Coupe axiale
L’Heptaméron Renaissant

La Création dans une édition renaissante des Métamorphoses d’Ovide
Ovide
P. Ovidii Nasonis Metamorphoseos libri moralizati, cum pulcherrimis fabularum principalium figuris,

Lyon, Jacques Mareschal, 1519. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. m. Yc. 1043
À la fin du Moyen âge, un texte français en prose, l’Ovide moralisé, interprète les fables comme des préfigurations de l’écriture. Les premiers humanistes ont hérité de ces spéculations et jusqu’à la fin du XVIe siècle l’œuvre d’Ovide, tenue pour un manuel de morale et de sagesse, est accompagnée de nombreuses gloses et commentaires. Cette édition lyonnaise de 1519 comprend ainsi le commentaire de Raphaël Regius, professeur italien de grammaire et de rhétorique, et celui de Petrus Lavinius, dominicain appartenant au cercle humaniste de Lyon. La gravure représentant la Création du monde est inspirée des bois italiens qui accompagnaient la première édition du commentaire de Regius à Venise en 1493. L’adaptation chrétienne du poème grec est très visible dans la figure du Créateur à qui l’artiste a donné les traits du Christ au lieu de Jupiter.
Avec la Renaissance, un nouveau désir de syncrétisme voit le jour. Les principaux récits de la création (la Genèse, le Timée, la Théogonie, les Métamorphoses) sont amalgamés pour produire un récit unique les embrassant tous. La création devient une métaphore du temps, une tentative pour rendre le paradoxe du temps intelligible à l’esprit mortel.
Le terme Heptaméron (de hepta, sept, et de hêmera, « jour ») apparaît pour la première fois en 1559 sous la plume de Marguerite de Navarre. En 1578, Guillaume Salluste du Bartas utilise le même titre, mais dans sa version latine : La Sepmaine. Il s’agit d’une adaptation épique de la Genèse, inspirée notamment d’Ovide. Dans le Premier Jour, Bartas tente de décrire le chaos par un désordre verbal, jouant avec les mots en usant de termes antinomiques : « Ce premier monde était une forme sans forme / Une pile confuse, un mélange difforme, / D’abîmes un abîme, un corps mal compassé, / Un Chaos de Chaos, un tas mal entassé. »

La Sepmaine de Du Bartas
Guillaume de Saluste, seigneur Du Bartas
Les Œuvres de G. de Saluste, sr Du Bartas, reveües, corrigées, augmentées de nouveaux commentaires
Paris, Toussaint du Bray, 1610-1611. In-fol.
Paris, BnF, Département littérature et art, Ye. 20
Publiée en 1578, rééditée, traduite et commentée de nombreuses fois au cours du XVIIe siècle, La Sepmaine de Guillaume Du Bartas (1544-1590) est une interprétation poétique de la Genèse. La Création du monde et de l’homme y est évoquée en sept jours calqués sur l’ordre de la Bible. Poésie scientifique, La Sepmaine passe en revue les connaissances humaines de l’époque. Du Bartas y multiplie les références et les métaphores. Une gravure sur bois illustrant les différents jours de la Création est imprimée au début de chaque chapitre.

Robert Fludd
Utriusque cosmi majoris scilicet et minoris metaphysica, physica atque technica historia, Oppenheim,
1617-1619, 4 vol., tome I, page 89
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. R. 475
Les deux pôles opposés sont identifiés. En bas, à l’extrême de la « matérialité », gît notre planète ; au sommet trône Dieu, l’extrême de l’« essenc », représenté par un triangle flamboyant pour rappeler son pouvoir trinitaire. Une « pyramide formelle » descendant de Dieu montre comment la formalité abstraite s’amenuise jusqu’à zéro en traversant les diverses sphères jusqu’à la surface de la Terre. Inversement, une pyramide « matérielle » a pour base la Terre et pour sommet infiniment rétréci Dieu. Il y a symétrie absolue entre Dieu et la Terre ; les trois hiérarchies angéliques contrebalancent les trois éléments situés au-dessus de la terre (eau, air, feu). Essence et matérialité sont deux niveaux d’existence, l’une croissant en proportion lorsque l’autre décroît. Elles sont en exact équilibre le long d’une ligne appelée « sphère d’égalité ». Cette position médiane coïncide avec l’orbite du Soleil, car ce dernier est supposé avoir une composante perçue par l’intellect équivalente à celle perçue par les sens physiques.
Robert Fludd, médecin londonien au XVIIe siècle, publie une encyclopédie du savoir humain en quatre volumes. Le premier traité s’intitule Récit de la structure du macrocosme et de l’origine de ses créatures, divisé en sept livres. L’heptaméron de Fludd est un curieux mélange de science physique et d’occultisme.
Le jésuite allemand Athanasius Kircher, grand encyclopédiste, publie en 1650 Musurgia Universalis. Dans un chapitre volumineux, le Père Kircher donne sa version de l’hexaméron en termes musicaux, à la suite de la tradition pythagoricienne et platonicienne selon laquelle le cosmos est une harmonie de composantes discordantes.
Le Monde est comparé à un orgue actionné par Dieu.

L’orgue de la Création de Kircher
Athanasius Kircher,
Musurgia universalis, sive Ars magna consoni et dissoni in X. libros digest
Rome, héritiers de F. Corbelletti, 1650. 2 vol. In-fol.
Paris, BnF, Réserve des livres rares, Rés. V. 590-591
Considéré de son vivant comme le « phénix des savants », le jésuite allemand Athanasius Kircher (1601-1680) aborda presque tous les domaines du savoir de son temps, étudiant aussi bien l’astronomie, l’optique, la géologie, la musique, que le magnétisme, les hiéroglyphes, l’alchimie ou la kabbale. La Musurgia universalis (1650), « œuvre universelle des Muses », est un traité de musicologie dans lequel il opère une synthèse des pratiques de composition italiennes et allemandes des XVIe et XVIIe siècles, introduit le concept d’une musica pathetica visant à exprimer les émotions, et établit une méthode originale de classification des styles musicaux fondée sur des caractéristiques sociales et nationales. Mais pour Kircher, la musique est avant tout une branche des mathématiques : ses rapports harmoniques traduisent l’harmonie cosmique, laquelle reflète l’harmonie archétypale de Dieu. La gravure présentée illustre la vision musicale de l’hexaméron dans laquelle le « monde est comparé à un orgue » dont l’organiste est Dieu. Au sommet, le Saint-Esprit prononçant la parole divine « Fiat lux » engendre l’harmonie du premier jour, tandis qu’à chacun des jours suivants correspond une autre harmonie.
La mise en espace de la création
À l’aspect temporel de la Création s’ajoute parfois une dimension spatiale, qui apparaît de façon plus ou moins explicite dans les représentations des XVIe et XVIIe siècles.
Source : http://expositions.bnf.fr/ciel/arretsur/origines/sciences/creation/index11.htm
Voir aussi :