LE PATER, prière initiatique

Nous abordons ici une étude portant sur les quinze mystères du rosaire. Avant d’aborder la pratique qui s’y rapporte et de découvrir le sens profond que nous pouvons accorder aux quinze mystères qui le structurent, il importe évidemment de s’intéresser tout d’abord aux prières qui le constituent : le Pater, l’Ave Maria et le Gloria.

  1. LE PATER, prière initiatique
    1. Considérations générales sur le Pater
    2. A qui s’adresse la prière?
      1. Le Père des Hébreux : un père en tant qu’origine
      2. Le Père de Jésus-Christ : un père choisi dans l’amour
  2. La prière, incises par incises
    1. Notre Père qui êtes au cieux…
      1. Notre Père…
      2. qui êtes au cieux…
      3. Nouvelle formulation explicative
    2. Que votre nom soit sanctifié
      1. Que votre nom
      2. soit sanctifié
      3. Nouvelle formulation explicative
    3. Que votre règne vienne…
      1. Nouvelle formulation explicative
    4. Que votre volonté soit faite
      1. Sur la terre comme au ciel…
      2. Nouvelle formulation explicative
    5. Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien
      1. Le pain du ciel
      2. Quotidien…
      3. Partager le pain
      4. Mener la guerre sainte
      5. Nouvelle formulation explicative
    6. Pardonnez-nous nos offenses…
      1. Nouvelle formulation explicative
    7. Et ne nous laissez pas entrer dans la tentation
      1. Nouvelle formulation explicative
    8. Délivrez-nous du mal
      1. Nouvelle formulation explicative
    9. Les trois temps forts de la seconde partie du Pater
      1. Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux à qui nous ont offensés
      2. Ne nous laissez pas entrer en tentation
      3. Préservez-nous du mal!
    10. La doxologie finale
    11. Traduction du Pater proposée par Jean Carmignac
      1. Autre traduction du même auteur (en collaboration avec un poète chrétien)
  3. Voir aussi

LE PATER, prière initiatique

Le Pater demeure très certainement la plus belle illustration du chemin initiatique que nous propose la tradition chrétienne. En effet, cette prière nous révèle un enseignement fabuleux au point où les Pères de l’Eglise affirmaient y trouver la synthèse de tous les évangiles. Nous y découvrons donc, de manière explicite, l’itinéraire psycho-spirituel complet que l’enseignement du Christ nous propose afin de nous conduire à faire l’expérience de Dieu, une expérience exigeant de s’engager sur une voie qui nous conduit à vivre de la vie même de Dieu en participant à sa réalité.

Le Pater est loin d’être une prière facile. Pour celui qui n’a pas approfondi la culture judéo-chrétienne, elle demeure même profondément énigmatique et risque d’être gravement déformée dans ce qu’elle a de plus précieux. Si nous prenons le temps de l’étudier un tant soit peu, de nombreuses questions surgissent en effet, des questions tout à fait pertinentes et légitimes. Pensons par exemple aux interrogations que peuvent susciter les premiers mots de cette prière : « Notre Père qui êtes au cieux ». De quels cieux s’agit-il vraiment et où se trouvent-ils? Est-ce l’espace intersidéral où évoluent les innombrables galaxies? Est-ce un espace physique et géographique identifiable qui serait habité par le Père? Et s’agit-il bien d’une position au-dessus de nous, ayant tendance à percevoir spontanément le ciel au-dessus de nos têtes bien que la terre soit ronde? Chaque affirmation de cette prière pose autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre, notre but étant surtout de vous faire partager et ressentir l’extraordinaire profondeur de l’enseignement véhiculé par cette prière, vous montrant en quoi elle nous permet de marcher d’une façon plus adéquate sur le chemin que nous a tracé le Christ. Avant toute chose, il importe de nous interroger sur l’histoire de sa formulation.

Considérations générales sur le Pater

L’authenticité du Pater n’a jamais fait l’objet de contestation sérieuse et la plupart des exégètes s’accordent pour dire qu’il a bel et bien été formulé par le Christ lui-même. Si l’authenticité de la prière ne semble pas être remise en question, tous les exégètes ne s’accordent toutefois pas sur la langue dans laquelle elle fut originellement formulée. Beaucoup prétendent en effet qu’elle l’a vraisemblablement été en araméen puisque c’est la langue dans laquelle Jésus s’exprimait. D’autre rétorquent qu’elle fut plutôt formulée en hébreu, langue sacrée par excellence. Des recherches toutes récentes aboutissent à montrer que notre premier Evangile a plutôt été rédigé en hébreu, parce que l’hébreu jouissait, comme langue sacrée, d’un grand prestige et parce que l’auteur voulait annoncer la « Bonne Nouvelle » du prophète Jésus dans la langue des prophètes. A plus forte raison, c’est en hébreu que Jésus a enseigné le Pater à ses disciples, car, dans la Palestine de ce temps là, toute prière publique se faisait en hébreu.

Si le débat reste ouvert quand à savoir avec précision si le Pater fut formulé primitivement en araméen ou en hébreu, ce n’est évidement pas important. Le fait de ne posséder qu’une version grecque traduite ensuite en latin et dans chacune des langues vernaculaires pose toutefois quelques problèmes : celui de la traduction. En effet, toute traduction, aussi rigoureuse soit-elle, édulcore le sens originel d’un texte. Les versions en langue vernaculaire, en français par exemple, risquent donc de s’être progressivement éloignées de leur sens originel…

Reste à souligner que les évangiles nous présentent deux versions du Pater. En effet, l’évangile selon saint Matthieu nous en présente une version longue, celle que nous utilisons généralement, alors que l’évangile selon saint Luc nous en présente une version plus courte. Les exégètes sont de plus en plus nombreux a affirmer que la version la plus longue serait la plus proche du texte original. Elle s’avère effectivement remarquable au niveau de sa rythmique, une rythmique très semblable à celle que l’on retrouve notamment dans certains écrits découvert à Qumrân. N’oublions pas que Jésus était un juif traditionnaliste et respectueux des usages. Il n’hésitait évidemment pas à utiliser le style qui caractérisait alors l’enseignement et la prière.

A qui s’adresse la prière?

Il semble évident pour tous qu’il s’agit de Dieu le Père, mais qui est donc ce Père à qui le Christ nous invite à nous adresser? Est-ce un Être suprême pouvant satisfaire toutes les demandes de ceux qui se tournent vers lui avec confiance? Et qu’advient-il en ce cas s’Il ne les exauce pas? Ces questions sont tout à fait fondamentales car elles soulèvent toute la problématique associée à la puissance de Dieu et à sa capacité à intervenir dans la vie des hommes. En effet, peut-Il vraiment intervenir dans ma vie personnelle et dans la vie des autres? Et s’Il ne répond pas à ma demande, pourtant tout à fait légitime et fondée à mes yeux, cela signifie-t-il qu’Il n’est pas tout puissant ou qu’Il n’est pas bon! Voilà des questions fort troublantes et bouleversantes pour beaucoup d’entre nous. Pour tenter de cerner plus adéquatement ce « Père » auquel le Christ s’adresse, examinons donc la manière dont les anciens le concevaient.

Le Père des Hébreux : un père en tant qu’origine

Dans le monde antique, et en particulier dans la littérature biblique, la dénomination de « père » évoquait principalement l’idée de source, se référant tout d’abord à la notion d’origine. En tant que source de toute réalité, Dieu était considéré comme le père de la création et tout être vivant était dès lors appelé « fils de Dieu », Dieu étant le créateur de l’univers visible et invisible. Même la créature la plus vile, l’être le plus déchu et le plus éloigné des sphères divines, conserve malgré tout son titre de « fils de Dieu » dans la mesure où l’Eternel demeure la source de son existence et de sa vie.

Dieu n’a pas seulement créé le monde pour ensuite le laisser à son destin comme s’il pouvait exister sans lui. Il continue en effet de le créer inlassablement à chaque instant, n’ayant jamais cessé d’être présent au cœur de son œuvre. En la poursuivant, Dieu continue donc d’être un Père tout aussi agissant dans nos vies qu’Il le fut au temps des origines.

Ajoutons en outre que Dieu n’est pas une simple source abstraite qui crée, nourrit et soutien sa créature. Malheureusement, nous avons trop souvent tendance à le considérer aujourd’hui d’une manière totalement impersonnelle, l’imaginant volontiers comme une grande lumière ou un océan infini, des images véhiculées avec insistance dans les multiples courants du Nouvel Âge et qui sont gravement incompatibles avec la tradition judéo-chrétienne et, en conséquence, avec l’enseignement du Pater. En effet, Dieu y est perçu comme un être fondamentalement personnel, chacun de nous étant invité à établir avec lui une relation intime, ce qu’est l’ultime projet dans la Bible. Dieu est un Je invoqué comme un Tu; il a un visage et un cœur. Nous pouvons d’ailleurs lire ce qui suit dans le livre du Deutéronome : « Est-ce là votre reconnaissance au Seigneur. N’est-il pas ton Père et ton créateur, celui qui t’a fait et affermi. »

Nous devons ici préciser que Dieu à créé le monde uniquement par amour et non par nécessité. Ainsi, le Créateur du ciel et de la terre aime l’homme d’un amour profond, comme un père peut aimer un fils, et cela était admis bien avant le Christ, Dieu étant déjà, dans l’Ancien Testament, un père aimant et non simplement une source.

En plus d’être la source de toute chose, ajoutons que Dieu en est aussi l’axis mundi, le principe organisateur structurant et organisant le développement de toute réalité, invitant chaque créature à réaliser ainsi sa forme. Le Père incarne donc, au sein de la création, un principe d’autorité que le mot « père » lui-même exprimait déjà pleinement chez les hébreux, ce terme évoquant traditionnellement celui qui détient le pouvoir et établit les règles régissant la vie familiale dans une société comme celle qui existait à l’époque. En effet, dans les religions anciennes, et les structures politiques qui allaient de pair, il était courant que le roi (ou l’empereur) incarne le « père céleste » et soit appelé le « père du pays ». En reconnaissant Dieu comme son Père, le peuple juif reconnaissait donc non seulement en lui la source et le géniteur de tout l’univers créé, mais également Celui qui détenait l’autorité, établissant les règles régissant la vie auxquelles toute créature devait nécessairement se soumettre.

Le Père de Jésus-Christ : un père choisi dans l’amour

Si Dieu est ontologiquement le Père de toute créature, le Christ initia toutefois un nouveau mode de filialité en ayant lourdement insisté sur une facette qui était demeurée jusqu’alors assez secondaire, la paternité n’étant pas uniquement liée au fait que Dieu est la source, mais aussi au fait que l’homme le choisit librement comme Père. Si nous osons dire « Notre Père » à l’invitation du Christ, ce n’est donc pas en nous appuyant sur l’idée qu’Il est notre créateur, ce qui ne nécessiterait aucune audace, mais sur le fait que le Christ s’adressa à lui en employant le mot abba, une forme déclinée du terme av désignant le « père ». En effet, ce mot araméen appartenait au langage enfantin et il était tout empreint de cet élan affectueux d’un fils s’adressant à son père dans le cadre d’une relation intime et personnelle marquée par un mouvement d’amour et d’élection. Le fait de traduire en français par le mot « père » ne rend malheureusement pas pleinement compte de cette dimension de tendresse qu’il comportait initialement.

Avec le Pater , il s’agit effectivement de vivre une véritable expérience d’intimité filiale en participant en quelque sorte à la filiation unique de Jésus, devenant fils en lui et exprimant dès lors notre amour et notre tendresse envers un même Père.

Si nous sommes déjà les fils du Père en raison du simple fait que nous sommes ses créatures, nous pouvons toutefois l’être également d’une toute autre manière, par adoption, et c’est précisément ce nouveau type de filialité que Jésus nous a proposé, la paternité n’étant plus uniquement liée au fait que Dieu est notre source, mais au fait que nous le choisissons librement comme Père, grâce au pouvoir du Saint-Esprit que le Christ fit descendre dans nos cœurs. Le Saint-Esprit n’est pas seulement le lien d’amour qui unit le Père et le Fils, mais également celui qui relie l’homme à Dieu, faisant de nous des « fils de Dieu » sous un mode nouveau. Dès lors, lorsque le Christ me propose de prier Dieu, Il m’invite à le faire, on à la manière d’une créature, mais en tant que fils adoptif qui , ayant reçu l’esprit d’adoption, choisit volontairement de se tourner vers lui en le reconnaissant comme père. En cela, nous sommes fils adoptifs par la fait que nous nous identifions au Christ.

Lorsqu’un chrétien, à l’invitation du Christ, s’adresse à l’Eternel en utilisant le Pater , il va donc bien au-delà de la reconnaissance de Dieu en tant que Créateur et source de son existence et de sa vie puisqu’il affirme ainsi l’aimer, souhaitant dorénavant dépendre de lui en le plaçant au centre de sa vie.

La prière, incises par incises

Notre Père qui êtes au cieux…

ou

Notre Père qui vivez au plus profond de nous

(reprise synthétique des éléments présentés ci-dessus)

Notre Père…

La dénomination de « père » évoque principalement l’idée de source, se référant tout d’abord à la notion d’origine. En tant que source de toute réalité, Dieu est donc considéré comme le père de la création, de « l’univers visible et invisible », et tout être vivant est dès lors appelé « fils de Dieu ».  Cette compréhension du père est explicitement formulée dans le credo : « je crois en un seul dieu,  Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles ».

Du Père / source nous recevons « la vie, le mouvement et l’être ». Ainsi, Dieu qui crée, nourrit et soutient sa créature, poursuit son oeuvre de création et continue à chaque instant à être un Père tout aussi agissant dans nos vies qu’Il ne le fut au temps des origines.

Il importe de préciser que dans la tradition judéo-chrétienne, Dieu est compris comme un être fondamentalement personnel ayant créé le monde uniquement par amour et non par nécessité. Le Créateur du ciel et de la terre aimant ainsi l’homme d’un amour profond, comme un père peut aimer son fils, chacun de nous est invité à établir avec lui une relation d’amour intime dans un rapport entre un Je et un Tu, ce qu’est l’ultime projet présenté dans la bible.

Si Dieu est ontologiquement le Père de toute créature, le Christ à initié un nouveau mode de filialité, la paternité n’étant pas uniquement liée au fait que Dieu est la source, mais aussi au fait que l’homme le choisit librement dans l’amour comme Père. Ainsi, lorsque nos osons dire « Notre Père », à l’invitation du Christ, ce n’est donc pas en nous appuyant sur l’idée qu’Il est notre créateur, ce qui ne nécessiterait aucune audace, mais sur le fait que nous voulons être son fils en le reconnaissant librement comme père. C’est précisément cela qui transparaît dans le fait que le Christ s’adressa à lui en employant le mot abba, un mot araméen qui appartenait au langage enfantin et qui était tout empreint de cet élan affectueux d’un fils s’adressant à son père dans le cadre d’une relation intime et personnelle marquée par un mouvement d’amour et d’élection. Avec le Pater, il s’agit effectivement de vivre une expérience d’intimité filiale en participant en quelque sorte à la filiation unique de Jésus, devenant fils en lui et exprimant dès lors notre amour et notre tendresse envers un même père. Nous nous relions ainsi au père en tant que fils adoptif dans une relation de dépendance librement consentie, l’homme étant pleinement libre d’accepter ou non d’être le « fils de Dieu » et dépendre de lui en le plaçant au centre de sa vie. Cette dépendance étant dès lors celle qui lie deux êtres qui s’aiment.

« Le don qui surpasse ineffablement tous les autres, c’est que Dieu dise à l’homme mon fils et que l’homme puisse répondre à Dieu, mon père…. Pape Léon le Grand

En plus d’être la source de toute chose, ajoutons que Dieu en est aussi l’axis mundi (axe du monde), le principe organisateur structurant et organisant le développement de toute réalité, invitant chacun à réaliser ainsi sa forme.

qui êtes au cieux…

Un affirmation qu’André Chouraki préfère traduire par « ciels ». Or comment devons-nous entendre cette précision? Ces « cieux » correspondent-ils à l’espace céleste qui nous entoure? Nous y verrons évidemment une évocation essentiellement symbolique. En effet, l’immensité du ciel évoque déjà de manière éloquente celle de Dieu, le ciel étant traditionnellement associé aux concepts de transcendance, de puissance, de pérennité et de sacralité, « ce que nul vivant de la terre ne peut atteindre. Le seul fait d’être élevé, de se trouver en haut, équivaut à être puissant (au sens religieux du mot) et à être comme tel saturé de sacralité… La transcendance divine se révèle directement dans l’inaccessibilité, l’infinité, l’éternité et la force du ciel (la pluie).

Le ciel fut perçu, dans la plupart des grandes traditions religieuses, comme la demeure des divinités et la tradition judéo-chrétienne ne fait pas exception à ce titre. En effet, la Bible nous apprend que le ciel est le lieu où se trouve le trône même de Dieu, entouré de l’armée et de la cour céleste.

Le ciel évoque le lieu où se retrouve les amis de Dieu, ceux qui partagent son intimité au point où les anges rebelles n’ont pu demeurer dans le ciel et ont été précipités sur la terre. Ceux qui habitent le ciel partagent ainsi l’intimité de Dieu en étant en totale communion avec sa réalité.

Ceci étant, Le « ciel » n’est pas à concevoir comme à l’extérieur de soi ou au-dessus de nos têtes mais comme un espace de communion qui se trouve à l’intérieur de l’homme, au-dedans de lui :  » la venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer, et l’on ne dira pas : « Voici : il est ici! ou bien : il est là! Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Luc XVII, 20-21). Le « ciel » se trouve donc à l’intérieur de l’être et désigne cet espace secret et mystérieux vers lequel tout homme s’élève en se soustrayant aux sollicitation extérieures. Plus précisément encore, il se trouve au niveau même du cœur, toutes les traditions anciennes ayant perçu cet organe comme le lieu privilégié d’habitation de la divinité : « Ah! si mon cœur pouvait devenir une crèche, de nouveau ici-bas Dieu serait un enfant » , s’exclame Angelius Silesius. C’est d’ailleurs dans cette perspective que le culte au Sacré-Cœur fut institué dans la tradition chrétienne. C’est que, en effet, le cœur est le centre, la source de vie, d’amour et d’intelligence, et, par conséquent , d’identification. C’est dans le cœur de l’homme que réside « l’image de Dieu » en lui, le Soi, car « le royaume de Dieu est à l’intérieur de vous ». Il est donc évident que le cœur humain est à l’image du cœur divin, « centre de tous les cœurs » et « en qui réside la plénitude de la Divinité ». Toute la spiritualité consiste, selon l’expression des Pères, à passer de l’image à la ressemblance ou similitude (homoéôsis). Lorsque l’orant s’adresse au « Père qui est aux cieux », il s’adresse donc à celui qui habite à l’intérieur de lui-même, au plus profond de son cœur, l’ayant choisi comme père et ayant fait de lui le centre de sa vie, son axis mundi. C’est du reste ce que le Christ affirme en disant : « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure en lui ». Ainsi se concilient ces mots de l’évangile de Jean et ceux du psalmiste affirmant que Dieu est « Celui qui siège dans les cieux…. ». En priant ce « Père qui est aux cieux », nous devons dès lors initier une véritable dynamique d’intériorisation, ce qui explique sans doute le fait que qu’avant de nous enseigner le Pater, Jésus prit préalablement soin de nous dire : « Pour toi, quand tu pries, retire toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret : et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra » (Matthieu VI,6)

(NB. Pour passer du « moi » au « Soi », l’ »image de Dieu en l’homme », et entrer par la porte étroite  dans le « Royaume de Dieu à l’intérieur de nous » d’une manière concrète et effective, se reporter à la « prière du cœur »)

Dans un tout autre ordre d’idée, l’incise « qui est aux cieux » évoque également le fait que cette prière ne s’adresse pas à un père tel que nous le connaissons sur terre, le père céleste étant d’une toute autre nature :

« Car Toi, plus que mon père Tu m’as connu et que ma mère Tu t’es occupé de moi. L’abondance de tes pardons accompagnent mes pas et ta tendresse influence ton jugement sur moi. Car tu es un père pour tous tes fils fidèles, Tu as exulté sur eux comme une maman sur son bébé, et comme celui qui porte sur sa poitrine Tu sustentes toute les œuvres. » (hymne essénien retrouvé à Qumrâm)

Ajoutons également que l’image du ciel évoquait aussi dans la tradition biblique une notion de communion entre tous ceux qui se trouvaient précisément sous sa voûte, ayant tous un même ciel au dessus de leur tête. Dès lors, Celui qui habite les espaces célestes n’est pas seulement mon père, mais le Père de tous ceux qui sont sous les cieux. De manière plus précise encore, Il est le Père de tous ceux qui ont su établir à l’intérieur d’eux un espace céleste et saint Augustin affirmait en ce sens que Dieu est Père « pour tous ceux qui vivent la justice », les justes étant précisément ceux en qui Dieu habite comme en son temple. C’est d’ailleurs une raison pour laquelle nous ne disons pas simplement « Père » mais bien « Notre Père », ceci nous plaçant en quelque sorte dans la responsabilité de reconnaître ceux qui nous entourent comme d’authentiques frères et sœurs en les impliquant dans notre prière, le Christ nous enseignant que l’amour de Dieu pour les hommes ne se limite pas à notre propre personne. Le Pater est ainsi une requête collective que l’on adresse au Père alors que toute l’Eglise, « l’assemblée de tous les appelés, quelque soit leur confession », prie à travers  nous.

Nous pouvons ainsi préciser le sens de la formule introductive du Notre Père, soit « Notre Père qui êtes aux cieux », par Notre Père qui vivez au plus profond de nous, ou, plus développé, Notre Père qui habitez à l’intérieur de nous-mêmes, au plus profond de notre cœur .

Nouvelle formulation explicative

En reprenant de manière synthétique les éléments de compréhension développés ici, nous pouvons proposer une autre formulation plus explicite et approfondie de l’incise ‘Notre Père qui êtes au cieux » :

Notre Père qui habitez à l’intérieur de nous-mêmes, au plus profond de notre cœur,

Source de toute réalité visible et invisible

En laquelle nous avons la vie, le mouvement et l’être;

Vous qui avez créé le monde uniquement par amour,

Je choisis librement d’être votre fils (votre fille) en vous plaçant au centre de ma vie.

Que votre nom soit sanctifié

ou

Que votre nature infiniment transcendante soit glorifiée

Que votre nom

Pour la tradition hébraïque, le nom révélait la nature et l’essence profonde de l’être ou de la chose désignée et attestait de son existence. Aussi, « à plus forte raison le nom d’un être aussi inaccessible que Dieu est-il comme représentation de sa personne. C’est Dieu lui-même qui a révélé son Nom à Moïse ». (Exode III, 13-15). A ce nom doit donc s’attacher le même respect et la même adoration qu’à Dieu : le second commandement, après la défense de l’idolâtrie, proclame : « tu ne traiteras pas le nom du Seigneur ton Dieu comme une futilité, car le Seigneur ne considérera pas comme innocent celui qui traitera son nom comme une futilité. (Exode XX,7 et Deutéronome V,11). Par souci d’appliquer à la lettre cette défense, l’Ecclésiastique XXIII,9 recommande : « Ne prends pas l’habitude de nommer le Saint » et les juifs en viendront à ne plus nommer le Nom ineffable révélé à Moïse.

soit sanctifié

Quand au fait d’être sanctifié, c’est- à-dire rendu saint, cette notion évoque littéralement « ce qui est séparé » ou « ce qui sort de l’ordinaire ». Or Dieu était pour les anciens l’être séparé par excellence, la sainteté lui appartenant de manière toute privilégiée comme l’affirma clairement Moïse : « Qui est comme toi, Seigneur, splendide en sainteté? (Exode XV, 11) La sainteté de Dieu évoquant d’ailleurs « une supériorité (une transcendance) essentielle dans l’être et l’agir plutôt qu’une simple perfection morale, plus ou moins semblable à la « sainteté humaine ».

Considérant ce qui précède nous pouvons en déduire que l’expression  » Que votre nom soit sanctifié » exprime une reconnaissance de la nature de Dieu (de son nom) comme étant radicalement distincte de sa créature. Par ces mots, le Christ nous invite à reconnaitre la transcendance divine et à la glorifier.

En déclarant  à Dieu : « Que votre nom soit sanctifié, l’homme renonce à toute prétention à croire qu’il serait possible d’exister par lui-même, c’est-à-dire être Dieu, une prétention jadis formulée par Satan en invitant Eve à manger du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal.

Si je renonce à devenir Dieu en exaltant sa transcendance, je renonce également du même coup à le conformer à une image idéale que je me fais de lui, je renonce à le conformer à mes aspirations égoïques. En nous invitant à dire : « Que votre nom soit sanctifié », le Christ nous demande donc d’avoir la force de reconnaitre pleinement ce qu’est le Père, un être tout autre et non conforme à ce que nous voudrions qu’il soit. Il nous enseigne à exalter sa transcendance, nous préservant de la folie de nous prendre pour le Tout-Autre ou de nier la distance qui nous sépare de lui. Or cela conforte évidement cette exigence fondamentale de l’amour qui implique de maintenir une certaine distance car si l’amant et l’aimé n’étaient plus deux, il n’y aurait plus d’autres, et, du coup l’amour serait aboli.

Nouvelle formulation explicative

Que votre nom qui révèle la nature et l’essence profonde de votre être,

radicalement différente de notre nature de créature
et infiniment transcendante,

soit glorifié.

Que votre règne vienne…

ou

Que votre puissance d’amour s’exerce au sein de notre vie

En prononçant ces mots nous demandons à Dieu que sa puissance s’exerce au sein de notre vie. Or nous savons qu’il ne s’agit pas d’un pouvoir souverain et absolu qui lui permettrait de la diriger selon son bon gré. Le Dieu des chrétiens n’étant pas cet être tout-puissant qui ordonne, régit et gouverne l’univers selon sa volonté souveraine, la puissance de Dieu étant celle de l’amour.

Lorsque je déclare à Dieu « que votre règne vienne » je lui demande plus précisément qu’Il me libère de la condition de servitude dans laquelle nous sommes depuis que l’homme à cherché à ordonner son existence selon son propre entendement, ayant ainsi évacué toutes choses imprévues sur lesquelles il ne pouvait pas exercer son contrôle, s’étant dès lors totalement assujetti à la loi de causalité et de conséquentialité qui lie inexorablement un acte à un effet prévisible. Ce faisant il s’enferma évidemment dans une servitude qui ne laissa plus aucune place à la liberté pourtant essentielle à l’amour. Lorsque je m’adresse à Dieu en lui disant « Que votre règne vienne », je lui demande donc qu’Il m’envoie son Esprit car « là où est l’Esprit du Seigneur, là est là liberté ». A ce titre, il est intéressant de souligner que les trois premiers énoncés du Pater sont traditionnellement mis en rapport avec les trois Personnes de la Trinité :

1. Notre Père qui êtes aux cieux : le Père

2. Que votre nom soit sanctifié : Le Fils, puisque le nom révèle la nature et l’essence profonde de l’être qu’il désigne alors le Fils est le Dieu révélé, extériorisation du Père rendant visible ce Dieu invisible en le manifestant pleinement comme le rayonnement révèle la lumière, le Fils étant « l’image qui fait voir l’original, pour ainsi dire le visage du Père, la figure dans laquelle le Père est connu ».

3. « Que votre règne vienne » : le Saint-Esprit, celui-ci étant puissance de liberté et de libération. Ainsi, nous lui exprimons notre désir de vivre dans un monde régi par la loi d’amour. En demandant le « règne de Dieu » (règne de l’Amour puisque « Dieu est Amour »), j’accepte en outre de répondre plus concrètement aux exigences de l’amour, ce qui signifie plus précisément que j’accepte de devenir le serviteur de mon prochain, développant un véritable et juste souci de l’autre. C’est l’enjeu fondamental de la tradition judéo-chrétienne conformément aux paroles du Christ « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ».

Nouvelle formulation explicative

Que votre puissance d’amour s’exerce au sein de notre vie
et nous libère de notre condition de servitude

Que votre volonté soit faite

ou

Que tout ce que vous nous direz nous le fassions

Il s’agit de répondre à l’injonction de Marie : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le! », adhérant pleinement aux principes de don, d’accueil et de participation à la réalité de l’autre.

Faire la volonté de Dieu consiste d’abord à vivre dans le respect des lois inhérentes à notre propre condition existentielle, ceci étant fondamental pour nous préserver de la souffrance. En effet, bien des souffrances sont une conséquence directe de la violation d’une règle de vie, un signal d’alarme nous informant de la nécessité de modifier une attitude ou un comportement contraire à ce que l’on est ontologiquement.  En ce sens l’homme n’a pas vraiment le choix d’accomplir la volonté du Père, s’exposant autrement au « mal-aise ».  « L’homme peut guérir s’il consent à changer sa manière de penser et d’agir » (Louise L.Hai). Il ne s’agit pas cependant de la principale dimension de la volonté à laquelle la prière se réfère. Si être soi-même, sans compromis, est une condition sine qua non à l’accomplissement de la volonté divine, Dieu ayant voulu cela en me créant tel que je suis, l’Eternel souhaite en effet me transformer radicalement en me faisant participer à sa propre vie. Or, il me faut précisément pour cela abandonner ma  volonté propre, mon projet humain, adhérant par la foi à celui de Dieu, acceptant dès lors de renoncer à mes propres attentes en allant jusqu’à mourir à moi-même, ce que le Christ fit de manière imminente : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin! » (Jean IV,34), « Je fais comme le Père m’a commandé » car « je ne cherche pas ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé. La volonté à laquelle Il faisait allusion était bien celle que l’homme meure à lui-même pour faire l’expérience de Dieu.

Cette adhésion au projet du Père n’est pas l’expression d’une soumission incontournable à une contrainte paternelle s’imposant par la force,  une sanction sévère si nous tentons d’y déroger d’une manière ou d’une autre car le Christ accepta librement ce que le Père lui demandait, aimer impliquant toujours une recherche du bonheur de l’autre et l’accomplissement de ses projets, de sa volonté.

Accepter la volonté du Père n’est pas renoncer à ma liberté de quelque façon que ce soit. En effet, « Dieu est amour » et le respect de notre liberté ira jusqu’à l’acceptation d’un éventuel échec des plans de la création, l’homme pouvant refuser toute participation à la nature de Dieu. Ce n’est effectivement pas Dieu qui écrit notre histoire, car l’homme ne serait pas libre et son Créateur ne serait pas amour. Au contraire, Dieu veut l’homme libre et responsable, construisant avec lui son avenir comme deux êtres qui s’aiment font œuvre commune, chacun apportant ce qu’il est, sa vision et ses compétences propres.

Dieu n’est pas celui qui assujettit sa créature à une autorité quelconque, aussi éclairée soit-elle, mais celui qui la libère.

Sur la terre comme au ciel…

Dans la version originale, cette incise se réfère non seulement à la volonté de Dieu (« que votre volonté soit faite… » mais également à la sanctification de son nom (« Que votre nom soit sanctifié… ») et à l’arrivée de son règne « Que votre règne arrive… ». Origène l’avait d’ailleurs fort bien mis en exergue en nous précisant :

« On peut entendre dans un sens plus large les mots rapportés par Matthieu « sur la terre comme au ciel ». La prière qui nous est demandée serait la suivante : Que ton Nom soit sanctifié sur la terre comme au Ciel, qu’advienne ton Règne sur la terre comme au Ciel, que soit faite ta Volonté sur la terre comme au Ciel. Le nom de Dieu a été sanctifié par les habitants du Ciel; le règne de Dieu s’est établi parmi eux; la Volonté de Dieu est faite parmi eux. Toutes ces choses incomplètes pour les habitants de la terre, peuvent être réalisées si nous savons nous montrer dignes d’être exaucés par Dieu. »

Dans la version grecque des évangiles, nous constatons en outre que le texte est libellé ainsi : « comme [il en est] au ciel, [qu’il en soit] aussi sur terre » une formulation légèrement différente de celle que nous utilisons habituellement : « sur la terre comme au ciel ». La formulation originale met d’avantage l’accent sur la nécessaire adéquation qui doit exister entre le haut et le bas, ce qui existe au ciel étant appelé à se réaliser sur terre, une adéquation que célèbre par ailleurs la Table d’Emeraude d’Hermès Trismégiste « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut et comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d’une seule chose. ». En fait, nous pourrions dire que le monde d’en bas (la terre) est appelé à devenir une icône du monde d’en haut (le ciel), un symbole au sens étymologique de ce mot issu du grec sumbalousa où le préfixe sum évoque l’union et la racine balo signifie « jeter ».

En effet, le mot « symbole » désigne littéralement le fait de « jeter ensemble, la réalité du monde d’en bas participant dès lors pleinement à celle du haut, comme si deux pans du réel étaient étroitement associés, ceux du monde de la matière et de l’esprit, ceux de la Terre et du Ciel, ceux des réalités manifestées et des archétypes.

En déclarant  » comme au ciel sur la terre », je formule donc le souhait que le nom de Dieu soit sanctifié, que son règne arrive et que sa volonté soit faite ici-bas comme cela est déjà dans le monde d’en haut, dans celui des archétypes. En effet, les saints et les anges sanctifient le nom du Seigneur, vivent dès maintenant sous le règne de l’Esprit Saint et accomplissent la volonté du Père dans l’amour. Dans cette perspective, je ratifie donc ainsi mon accord au projet de Dieu, faisant du monde d’en bas, de notre monde, une réalité participant pleinement au monde d’en haut, son monde.

Commentant ce passage du Pater, Origène écrivait : « le pécheur quel qu’il soit est terre. S’il ne change pas d’état d’esprit, il redeviendra terre. Mais celui qui fait la volonté de Dieu et ne désobéit pas aux lois salutaires et spirituelles (c’est-à-dire se conforme à la loi de l’amour) est ciel ». En modifiant notre façon de voir les choses, observant désormais la loi d’amour, nous ne sommes donc plus sur terre, mais au ciel. Or Origène allait même jusqu’à demander qu’il n’y ait plus de terre et tout devienne ciel, indiquant par là qu’il souhaitait que le monde d’en bas qui n’est plus actuellement régi par l’amour devienne comme le monde d’en haut.

Nouvelle formulation explicative

Que tout ce que vous nous direz nous le fassions,

Que nous mourrions à nous-mêmes afin de renoncer à nos propres attentes
Et que notre nourriture soit de faire votre volonté et mener votre oeuvre à bonne fin.

Transformez-nous radicalement en nous faisant participer à votre propre vie
et vivre dans le respect des lois inhérentes à notre propre condition existentielle afin de nous préserver de la souffrance.

Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien

ou

Donnez-nous aujourd’hui la nourriture spirituelle qui donne à notre âme la véritable vie,

Votre Fils Jésus, le pain de vie descendu du ciel.

Le pain du ciel

Dans la tradition biblique, le pain évoque une nourriture essentielle, l’aliment qui nourrit et soutient l’homme sur tous les plans de son être, le corps, l’âme et l’esprit. Autrement dit, ce pain désigne d’abord la puissance vivificatrice qui donne à l’homme de vivre et de s’épanouir, le soutenant contre les forces d’entropie qui pourraient autrement le ramener au chaos de l’indifférencié.

Le Christ fait cependant ici principalement référence à la nourriture spirituelle qui donne à notre âme la véritable vie, la participation à la vie de Dieu. Il s’agit donc davantage de ce « pain du ciel », le pain de Dieu qui descend du ciel et donne vie au monde et qui est identifié au Christ lui-même qui déclara de manière tout à fait explicite : « je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais. Et même, le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. » Dès lors, lorsque nous demandons « donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien », cela signifie également : « Donnez-nous ton Fils, Celui qui libère et qui sauve, nous introduisant à la vie éternelle. ». Cela fait dès lors directement allusion au sacrement de l’Eucharistie par lequel le Christ se donne en nourriture aux hommes afin qu’ils puissent être introduits dans un nouvel ordre des choses, participant à la réalité même de Dieu selon ce mot remarquable de la liturgie de saint Pie V : « Pour que nous puissions participer à la divinité de Celui qui a revêtu notre humanité… » Nous voyons donc transparaître ici une demande essentielle, celle d’être nourri du Christ et de trouver ainsi la force de s’identifier à lui. En effet, le rite de consommation sacrificielle vise toujours à l’intégration de l’élément consommé en vue d’éveiller en soi cette réalité. Il s’agit donc ici de participer à la nature même du Christ et de vivre pleinement comme un fils du Père.

Quotidien…

En grec, le substantif « pain » est qualifié par l’adjectif épousios. La première version latine l’a rendu par « supersubstantiel ». Origène employait, quand à lui, le terme de « suressentiel ». Quoi qu’il en soit, ces deux mots évoquent fondamentalement le fait d’être au-dessus de l’essence ou de la substance, c’est-à-dire au-dessus de la réalité même du monde créé. En qualifiant ce pain de « suressentiel » ou de « supersubstantiel », Origène et saint Jérôme l’associent donc très explicitement aussi au Christ, le Fils unique du Père n’étant pas un homme ou une super-créature (ce qu’affirmait Arius), mais Dieu lui-même, état de la même substance que le Père, « né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père » (crédo).

Ceci étant, certains spécialistes de philologie grecque voient également transparaître dans l’adjectif épousios la notion de demain, qui peut s’interpréter comme le pain qui nous conduit à demain, à ce siècle à venir, à ce nouvel ordre des choses. Autrement dit, lorsque nous disons à Dieu : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de demain », nous lui demandons de nous donner les forces nécessaires pour nous permettre d’aller vers ce nouvel ordre des choses, pour être profondément transformés et participer à la divinité.

Partager le pain

A l’époque de Jésus, le pain n’était pas seulement une nourriture que l’on mangeait, mais surtout une nourriture que l’on partageait, il était un symbole puissant de communion fraternelle. Le fait de rompre le pain, de se mettre dans une dynamique de partage et d’échange avec les autres, rend Dieu pleinement présent. Le Christ lui-même avait affirmé en ce sens : « Que deux ou trois soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux ». Ainsi, lorsque nous demandons à Dieu : « Donnez-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », nous lui exprimons en fait qu’il soit présent dans le cadre de la relation de partage que nous établissons avec notre prochain, une présence qui nous transforme en nous faisant participer à la réalité divine.

Mener la guerre sainte

Une autre dimension signifiante peut être tirée du mot pain en hébreux, celle de « lutter » ou « combattre ». Une nécessité car pour parvenir à la déification, l’homme doit impérativement combattre le Prince de ce monde et mener une véritable guerre sainte. C’est d’ailleurs à l’image du soldat que saint Paul se réfère lorsqu’il parle de l’action du chrétien dans le monde : « En définitive, rendez-vous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez l’armure de Dieu pour pouvoir résister aux manœuvres du diable. Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais […] contre les régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du Mal qui habitent les espaces célestes. C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais, vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes. Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, et pour chaussures, le zèle à propager l’Evangile de la paix; ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais; enfin, recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu. ».

Nouvelle formulation explicative

Donnez-nous aujourd’hui la nourriture spirituelle qui donne à notre âme la véritable vie, Votre Fils Jésus, le pain de vie descendu du ciel
 pour revêtir notre humanité, nous libérer et nous sauver,
et nous introduire à la vie éternelle par participation à sa divinité
afin de vivre pleinement par lui comme fils et filles du Père.

Donnez-nous les forces nécessaires pour nourrir chaque jour un questionnement qui nous libère de notre condition de servitude afin de nous introduire dans un nouvel ordre des choses.

Que vous soyez présent dans nos relations de partage avec notre prochain
Et que votre puissance nous soutienne dans notre combat
contre les esprits du Mal qui habitent les espaces célestes.

Pardonnez-nous nos offenses…

ou

Pardonnez-nous de nous détourner de vous…

Si nous considérons la version donnée par l’évangile selon saint Mathieu, celle qui serait la plus proche du texte original, nous devrions dire plus précisément : « Remettez-nous nos dettes comme nous les remettons à leur débiteur. ».

Au premier niveau il pourrait bien s’agir de la dette que tout homme possède envers le Créateur.

En effet, il importe de rappeler qu’en tant que créature issue du néant, l’homme n’est rien par lui-même. Or son existence dépend à chaque instant de l’intervention divine qui le crée perpétuellement. Sans le soutien constant de Dieu, l’homme disparaîtrait donc, retournant au chaos. Dès lors, la vie est un véritable don de Dieu qui se renouvelle à chaque instant de l’existence. « Ce n’est pas de nous ni de notre propre nature que nous tenons la vie : elle nous est donnée, selon la grâce de Dieu. ».

Devant ce don incommensurable, nous retrouvons ainsi dans la situation d’un débiteur. « Nous lui devons non pas quelque chose, ni peu ni beaucoup, mais tout simplement notre personne dans sa totalité; nous-mêmes, créatures soutenues et nourries par sa bonté. ». (Karl Bath)

Certes, cette situation s’inscrit dans l’ordre des choses, mais si l’homme cherche à oublier sa dette, se comportant comme s’il ne devait rien à Dieu, les choses sont alors maléficiées. La version de saint Luc qui écrit : « Et remettez-nous nos péchés, car nous-mêmes nous remettons à quiconque nous doit. » devient ici particulièrement éclairante puisqu’elle fait explicitement référence au péché, le premier d’entre eux étant précisément le fait de se détourner la source en voulant être soi-même la source. La dette envers Dieu devient donc péché si l’homme oublie ou refuse de l’assumer. C’est d’ailleurs en cherchant à l’oublier, faute d’humilité, qu’il s’enferma dans une condition mortifère (celle du cercle clos de son ego).

A un second niveau, qui découle directement du premier, cette dette pourrait bien aussi désigner la blessure incommensurable que nous avons infligée à Dieu en nous détournant de lui, ayant refusé l’amour qu’Il nous offrait. C’est le drame de la Chute originelle que le Christ à clairement évoqué dans une très belle parabole : celle du Fils Prodigue.

L’homme doit ainsi apprendre à se tourner vers Dieu en lui disant : Père, je veux revenir vers vous. Je n’ai pas de quoi réparer la souffrance que je vous ai causée, mais si vous acceptez malgré tout de m’ouvrir votre porte, je reviens chez vous. ». Exprimant un sincère repentir, il vit alors ce qu’est vraiment la contrition du cœur, une contrition essentielle pour être pardonné. C’est le moyen préconisé par Dieu lui-même, peut-être le plus grand de tous Ses dons, car sans lui l’homme n’aurait aucune possibilité de se redresser après avoir trébuché; car c’est le propre de l’homme de trébucher, de manquer à l’idéal. Et le pécheur a la possibilité de revenir et de se purifier de toutes ses impuretés. « Qu’il se  repente et obtienne ainsi le pardon! » nous dit le Seigneur.

Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés.

Il ne faudrait pas croire ici que le pardon de Dieu est conditionnel, Dieu ne pardonnant qu’à la condition que nous ayons aussi pardonné. En tant que dimension de l’amour, le pardon ne s’inscrit pas dans une relation de causalité. Cette apparente condition apparaissant dans le Pater est donc plutôt à interpréter dans le sens où, pour recevoir le pardon, il faut être soi-même sensibilisé à cette réalité. Il est d’ailleurs éloquent de constater que le péché contre le Saint-Esprit, celui qui ne sera pardonné ni dans ce monde ni dans l’autre, consiste à ne pas croire à l’amour et à ne pas croire au pardon qui est au cœur de l’amour. Vous ne pouvez pas être pardonné si nous vous n’accueillez pas le pardon. Il faut toujours accueillir ce qui est donné, accueillir le pardon. Le péché qui ne peut pas être pardonné, c’est évidemment le péché de celui qui n’accueille pas le pardon divin. Dieu pardonne comme il respire. La respiration même de Dieu est pardonnante. Toute la question est que cette respiration de Dieu m’atteigne. La respiration pardonnante de Dieu ne peut m’atteindre que si je suis ouvert au pardon.

Ceci étant, si je ne suis pas capable de pardonner aux autres, je serai évidemment incapable d’accepter que Dieu puisse me pardonner et je ne pourrai recevoir son pardon libérateur. Le Christ revient sur cette nécessité en disant « Oui, si vous remettez aux hommes leurs manquements, votre Père céleste vous remettra aussi; mais si vous ne remettez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous remettra pas vos manquements. »

Nouvelle formulation explicative

Pardonnez-nous de nous détourner de vous, et d’oublier la dette que nous possédons envers Vous, en oubliant ou refusant d’assumer le fait que vous êtes la source qui nous donne la vie et renouvelle à chaque instant notre existence, et en voulant, dans notre orgueil, être nous-mêmes la source, ce qui nous coupe de votre Amour et nous entraîne dans une condition mortifère  en nous enfermant dans le cercle clos de notre ego.

Et apprenez-nous à nous pardonner les uns aux autres afin que nous soyons en capacité d’accueillir Votre pardon.

Et ne nous laissez pas entrer dans la tentation

ou

Apportez-nous votre aide pour ne pas nous laisser adhérer

aux suggestions des forces de ce monde

Le terme grec traduit ici par le mot de « tentation » désigne plus précisément encore l' »épreuve » ce qui implique le fait de se livrer à un combat quotidien et ce qui caractérise la démarche chrétienne qui est fondamentalement héroïque  car elle vise à défendre les valeurs de l’amour en s’érigeant avec force et courage contre la quête de l’avoir, de pouvoir et de valoir proposée par la société. On peut ainsi paraphraser cette expression par : « Ne nous laissez pas adhérer aux suggestions des forces de ce monde. ». En effet, le verbe grec utilisé signifie « faire venir, faire entrer, amener, introduire ».

Dans l’épisode de la tentation au désert où  le Christ est directement à Satan nous retrouvons les trois tentations de l’ego ( et à travers lui du Prince de monde) que le chrétien se doit de combattre : l’avoir (« Le tentateur lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains. »), le pouvoir (« Le diable le prend avec lui dans la Ville Sainte, et le plaça sur le pinacle du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : « Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et sur leurs mains ils te porteront, de peur que tu heurtes du pied quelques pierres. ») et le valoir (« Le diable le prend avec lui sur une haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit : « Tout cela, je te le donne, si, te prosternant, tu me rends hommage. »).

En disant « ne nous laissez pas entrer dans la tentation », nous demandons donc à Dieu de ne pas nous laisser adhérer aux valeurs du monde, des valeurs essentiellement articulées autour de l’avoir, du pouvoir et du valoir, autant de modalités nous invitant à tout ramener à nous-mêmes en plaçant notre propre réalité au centre de notre vie alors que l’amour exige de se retirer de soi pour y placer l’autre. En ce sens, nous pouvons dire qu’entrer en tentation est une dynamique contraire à celle qui consiste à entrer en amour (à entrer dans le Royaume de Dieu)

Il nous faut donc avoir la force d’aimer et de vivre autrement que ce que nous propose le monde, mais je dois à ce titre reconnaître ma faiblesse. Les proposition du monde sont en effet tellement séduisantes qu’il est difficile d’y renoncer de ses propres forces. En formulant ma demande « Ne nous laissez pas entrer en tentation« , j’avoue donc ma faiblesse en précisant au Seigneur qu’il me faudra son aide pour ne pas adhérer à l’esprit du monde en reniant à nouveau les valeurs de l’amour à auxquelles je me suis consacré. Ceci étant, la tentation ne vient évidement pas de Dieu, comme certaines traductions laisseraient à le penser, mais du Satan, l’esprit du monde, de la fausse lumière du monde extérieur. Dans la pensée biblique et dans la tradition chrétienne, l’esprit du monde existe bien en effet et nous incite à renier l’amour pour adhérer à des principes qui lui sont opposés. Cette prière-demande revêt dès lors un caractère essentiel pour nous libérer de l’esprit du monde avec le soutien de Dieu lui-même.

Nouvelle formulation explicative

Apportez- nous votre aide pour ne pas nous laisser adhérer aux suggestions des forces de ce monde qui tentent notre égo à satisfaire son goût pour l’avoir, le pouvoir et le valoir et entrer dans une dynamique contraire à celle qui consiste à entrer en amour

Délivrez-nous du mal

ou

Ecartez-nous du démon

pour que nous puissions demeurer fidèle au principe de l’amour.

La traduction littérale serait plutôt « Préservez-nous du mal », le terme de délivrance supposant la libération d’un mal dont ont on était déjà effectivement atteint, alors qu’ici on demande plutôt que Dieu nous tienne à distance, nous garde hors d’atteinte, sans spécifier si l’on a déjà, ou non, été capturé par le démon. Aussi l’on pourrait préférer « sauvez-nous » qui inclut d’avantage la notion d’éloignement ou de conservation « sain et sauf » et qui s’emploie volontiers pour la préservation d’un danger encore irréel (un médecin « sauve « de la mort, mais il ne « délivre » pas de cette mort). Toutefois comme le verbe « sauver » équivaut normalement à d’autres verbes grecs ou hébreux, il est sans doute préférable  de choisir un autre terme, tel que le verbe « protéger », bien qu’il semble un peu faible, ou surtout les verbes « éloigner » ou « écarter« .

Quant au terme grec que l’on a traduit par le mot « mal », il a plus spécifiquement le sens de « pervers ». Plus en encore, « le texte grec peut théoriquement se comprendre soit au neutre, soit au masculin  » : « Ecarte-nous de la (la chose) perverse »; où « Ecarte-nous de (l’individu) pervers« .. Mais en fait touts les vraisemblances sont en faveur du masculin, donc de « l’individu pervers »… Pour ne pas donner prise à un calembour (commencer par Notre Père et finir par « le père vert », il vaudrait mieux dire : « Préservez-nous du malfaisant », ou pour être plus précis : « Ecartez-nous de Satan, le Prince de ce monde » qui exprime à nouveau le même souhait du chrétien cherchant à demeurer fidèle au principe de l’amour, faisant ainsi écho aux mots du christ : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. ». (Jean XV,9-10) Plus encore, Il ajouté : « Père, je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Sanctifie-les dans la vérité, ta parole est vérité. » (Jean XVII, 15 – 17).

On retrouve  par ailleurs dans la tradition juive, cette demande constante du fidèle à être soustrait à l’emprise du diable et des esprits. On lit ainsi dans une prière d’Abraham « Sauve-nous de l’atteinte des esprits malins qui règlent les pensées du cœur humain et que celles-ci ne m’égarent pas loin de Toi, mon Dieu. ».

Le prière davidique d’un psaume pseudo-davidique n’a pas d’autres sens : « Ne laisse pas Satan dominer sur moi ni l’esprit impur! ». Lévi, dans une prière conservée dans les Testaments des douze patriarches et dont des fragments ont été retrouvés sur le site du Qumrâm, demande de même : « Qu’aucun Satan n’ait le pouvoir de m’égarer loin de ta voie. ».

Pour ce qui est de l’emploi du terme de  » démon », il  est un mot d’autant plus intéressant qu’il est en français l’anagramme de « monde », évoquant dès lors cette idée que le Malin est lié aux réalités inversées du monde, celui-ci ayant été complètement détourné de sa véritable réalité.

Nouvelle formulation explicative

Ecartez-nous du démon
pour que nous puissions demeurer fidèle au principe de l’amour

Les trois temps forts de la seconde partie du Pater
Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux à qui nous ont offensés

où  nous demandons à Dieu de nous délivrer des conséquences de nos errances passées qui nous maintiennent toujours dans une condition mortifère à l’image du fils prodigue tombé dans une profonde misère.

Cette demande concerne donc le passé.

Ne nous laissez pas entrer en tentation

où nous demandons à Dieu la force de ne pas nous laisser séduire par ce que nous propose le monde, refusant ce pseudo-bonheur résultant d’une quête d’avoir, de pouvoir et de valoir.

Cette demande concerne dès lors le présent.

Préservez-nous du mal!

Une demande qui concerne d’avantage le futur.

Par ces trois requêtes, le chrétien demande donc à Dieu d’être libéré de l’emprise du monde tant au niveau de son passé, de son présent que de son futur.

Ainsi, le Pater enseigné par le Christ représente une prière extraordinaire constituée d’une première strophe structurée en cinq versets contenant trois demandes (Que votre nom soit sanctifié, Que votre règne vienne et Que votre volonté soit faite, encadrées par une invocation générale (Notre Père qui est au cieux) et par un complément commun (sur la terre comme au ciel). Quand à la seconde strophe, elle se présente également en cinq versets constitués par quatre demandes (Donnez-nous aujourd’hui notre pain de demain, Pardonnez-nous offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, Ne me laissez pas entrer en tentation et Préservez-nous du mal), la seconde demande comportant deux versets (Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés).

Nous avons donc trois demandes en cinq versets dans la première strophe et quatre demandes en cinq versets dans le seconde, ceci mettant en exergue une symbolisme qu’il serait intéressant d’expliquer. Quoiqu’il en soit, retenons simplement que cette structure donne une rythmique qui soutient l’élan du cœur et rapproche élégamment de la réalité divine

La doxologie finale

Car à vous, la royauté, la puissance et la gloire, dans les siècles des siècles

Dans de nombreuses traditions, le Notre Père se conclut par cette doxologie. Longtemps, certains auteurs ont cru qu’elle faisait partie intégrante du texte original, mais nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien. Elle fut rajoutée au troisième siècle par un copiste de la région d’Antioche. Toutefois, elle demeure intéressante dans la mesure où elle conclut de manière efficace l’élan qui anime tous ceux qui récitent avec cœur le Pater.

Traduction du Pater proposée par Jean Carmignac

Notre Père des Cieux,
Que, sur terre comme au Ciel,
Votre Nom soit glorifié,
Votre règne arrive,
Votre volonté soit faite.

Donnez-nous aujourd’hui notre pain jusqu’à demain.
Acquittez-nous de nos dettes,
Comme nous aussi avons acquitté nos débiteurs.
Gardez-nous de consentir à la tentation.
Mais écartez-nous du démon.

Autre traduction du même auteur (en collaboration avec un poète chrétien)

Notre Père des Cieux,
Que sur la terre aussi
Votre nom soit glorifié,
Votre règne arrive,
Votre volonté soit faite.

Donnez-nous aujourd’hui le pain jusqu’à demain.
Permettez-nous d’implorer votre pardon car nous avons tout pardonné.
Gardez-nous d’acquiescer aux tentations.
Et surtout protégez-nous du démon.

Voir aussi