
Les îles des Bienheureux et les îles Fortunées
Plusieurs îles et contrées mythiques se trouvent πέρην κλυτοῦ Ὠκεανοῖο, « de l’autre côté de l’illustre Océan » (Hésiode, Théogonie, vers 215), c’est-à-dire pour les Anciens, Grecs et Romains, de l’autre côté de la rive sur laquelle s’achève le monde connu, l’oikouménè, à l’extrême Occident.
• Les îles des Bienheureux et les îles Fortunées
Pour les Anciens, le côté du « soleil couchant » est le séjour de « l’au-delà », celui des « bienheureux » après leur mort mais aussi celui d’un « âge d’or » mythique.
Les îles des μακάρων (« les bienheureux ») sont supposées accueillir ceux qui, grâce à leurs vertus, ont obtenu de jouir d’un repos très agréable après la mort. Le poète grec Pindare (518 – 438 av. J.-C.) les situe par-delà l’Océan :
« Les justes contemplent un soleil pur pendant la nuit, comme pendant le jour, et mènent une vie exempte de travaux, sans jamais fatiguer leur bras à fouiller la terre ou les profondeurs de la mer pour y chercher de misérables aliments. Près des amis des dieux vivent en paix ceux qui crurent à la sainteté du serment : jamais les larmes n’altèrent leur bonheur, tandis que les parjures sont consumés par d’horribles supplices. Et vous dont les âmes habitèrent successivement trois fois le séjour de la lumière et trois fois celui des Enfers sans jamais connaître l’injustice, bientôt vous aurez parcouru la route que traça Zeus, bientôt vous parviendrez au royaume de Cronos, dans ces îles des bienheureux que les zéphyrs de l’Océan rafraîchissent de leur douce haleine (ἔνθα μακάρων νᾶσος ὠκεανίδες αὖραι περιπνέοισιν) : là des bosquets odorants ombragent le cours des ruisseaux et les prairies sont émaillées de mille fleurs d’or, dont tressent des couronnes les habitants de ces demeures pour orner et leur sein et leur front. » (Odes, Olympiques », II, vers 109 – 136)
Entre mythe et réalité, les îles Fortunées, refuges de l’Âge d’or, ont longtemps joui d’une renommée fabuleuse favorisée par leur éloignement et leur caractère insulaire, au point de se confondre avec le paradis terrestre, jusqu’à ce que les découvertes des navigateurs occidentaux les assimilent aux îles Canaries, leur faisant perdre progressivement leur enchantement.
Pline l’Ancien (23 – 79) évoque ainsi « les îles Fortunées » (Fortunatae), et en particulier Canaria :
« Canaria, appelée ainsi à cause des chiens d’une grandeur énorme qui y abondent ; on en amena deux au roi Juba : on y aperçoit des vestiges d’édifices. Toutes ces îles ont en abondance des arbres fruitiers et des oiseaux de toute espèce. De plus, Canaria est pleine de bois de palmiers à dattes et de pommes de pin. Il y a aussi du miel en grande quantité. » (Histoire naturelle, livre VI, 37, 3)
En savoir plus : https://eduscol.education.fr/odysseum/des-paradis-decouvrir
Planète Saturne

Symbole
Sur un plan symbolique, Saturne est représenté par une croix surmontant un croissant qui s’ouvre vers la gauche selon un axe horizontal. Or nous savons que ce croissant représente l’âme s’éveillant aux réalités du monde extérieur, cette ouverture s’inscrivant dans une perspective de retour aux sources. Quand à la croix, nous avons vu qu’elle représente la matière. Dès lors, le symbole de Saturne évoque un processus de contraction ou de fixation par lequel l’âme humaine passe des mondes subtils au monde de la finitude et du créé, au monde de l’espace et du temps.
Dans la même perspective, il est d’ailleurs éloquent de remarquer que le symbole de Saturne s’apparente à celui d’une faucille (un objet avec lequel Cronos émascula son père Ouranos). Or la faucille limite et fixe le développement des formes en coupant et en fauchant. En ce sens, elle a toujours été le symbole du temps. En effet, grâce à son action, l’infini cède la place au fini et l’indéterminé au déterminé. Plus encore, en moissonnant ce qui a été semé, elle évoque une capacité à extraire des expériences vécues les leçons utiles à l’épanouissement personnel.
Dimension psychologique
Accepter son destin et assumer les épreuves qui y correspondent.
Mots-clefs positifs : acceptation du destin, maturité, rigueur, profondeur, sens des responsabilités, constance et prudence.
Mots-clefs négatifs : rejet du destin, angoisse existentielle, insécurité, cristallisation, avarice, pessimisme et rancune.
Dimension initiatique
Remettre sa destinée entre les mains de Dieu, s’abandonnant ainsi à sa volonté
Divinité mythologique : Cronos
Au niveau de la mythologie grecque, Saturne correspond à Cronos, le fils d’Ouranos et de Gaïa, du Ciel et de la Terre. A son sujet, les récits anciens nous rapportent tout d’abord qu’aux temps primitifs, Ouranos (le Ciel) s’unit à Gaïa (la Terre) avec laquelle il eut de nombreux enfants. Cependant, Ouranos haïssait sa progéniture. En effet, Hésiode nous précise dans sa Théogonie que « c’étaient de terribles fils qui ceux qui étaient nés de Gaïa et d’Ouranos, et leur père les avait en haine depuis le premier jour. A peine étaient-ils nés qu’au lieu de les laisser monter à la lumière il les cachait dans le sein de Gaïa et, tandis qu’Ouranos se complaisait à cette oeuvre mauvaise, l’énorme Gaïa en ses profondeurs gémissait, étouffait. ». Convoquant ses enfants, Gaïa leur demanda donc de mettre fin aux oeuvres mauvaises de leur père en l’émasculant. S’étant récusés les uns après les autres, il ne resta plus que le cadet, Cronos, dans les mains duquel Gaïa plaça la faucille d’or. A la demande insistante de sa mère, il alla donc castrer son père, mettant ainsi fin à une procréation désordonnée et libérant du même coup ses frères qui avaient été enfermés dans les entrailles de la Terre.
Métal : le plomb
La tradition de l’hermétisme chrétien a toujours considéré le plomb comme un métal essentiellement saturnien. Or un rite très répandu en Allemagne et en Russie consistait autrefois à faire fondre du plomb au cours de la soirée de la Saint-Sylvestre pour ensuite le jeter dans un récipient d’eau froide. Selon la forme que métal prenait alors, la personne pouvait découvrir le destin qui lui était réservé au cours de la prochaine année.
Il joua également un rôle essentiel en alchimie puisqu’on cherchait à le transformer en or. Cette transmutation du plomb évoquait évidemment une transformation de la personnalité, celle-ci se dépouillant de toutes ses valeurs illusoires afin de rayonner pleinement les lumières de l’esprit.
Aromate : le storax
Le storax est traditionnellement mis en rapport avec Saturne. Or cette substance odoriférante était fort bien connue des anciens qui l’employaient souvent dans les rites d’embaumement. Quand aux écoles initiatiques, elles l’utilisent toujours pour faciliter une prise de conscience du sens de l’existence. En effet, cette essence stimule une profonde réflexion sur la naissance et la mort, conduisant l’aspirant à s’engager dans une recherche de l’essentiel. Elle contribue donc à favoriser un certain passage au désert et c’est pourquoi on la considérait autrefois comme l’aromate de l’ascèse, de la consécration et de la soumission à l’esprit.
Voir aussi :