4 décembre, sainte Barbara

4 décembre : Sainte Barbara

Jean-Louis Ragot

La légende de sainte Barbe ou Barbara ne fait pas partie de celles qui sont promulguées pour toute l’Église dans le Bréviaire Romain, ce qui contraste avec sa popularité. Le principal aspect de cette légende est que la sainte, qui était une fort belle barbare, fut enfermée dans une tour par son père parce qu’elle s’était convertie au christianisme. La tour avait deux fenêtres, Barbara en ajouta une troisième en honneur de la sainte Trinité. Puis, elle réussit à s’enfuir et se réfugie dans le creux d’un rocher qui, miraculeusement, s’entrouvre pour lui donner asile (1). Mais elle est dénoncée par un berger. Après avoir été torturée elle est décapitée par son père qui meurt foudroyé. Ses attributs sont la tour et l’épée. Sa fête est aussi celle des mineurs, des artilleurs, des pompiers…, qui se réunissent pour des soirées de la Sainte Barbara. Son iconographie est celle d’une belle femme aux longs cheveux blonds enfermée dans une tour à deux fenêtres (les deux solstices). L’élite ecclésiastique a chassé sainte Barbara du Sanctoral, or son importance symbolique est incontestable puisqu’on la retrouve chez les Celtes et les Germains. En effet, « on a supposé que son culte s’était substitué dans certains cas à celui d’une divinité celtique : Borbo ou Borvo (bourbon), dieu des sources (2). » On peut aussi penser que sainte Barbara est une transposition de la déesse Ostara qui était fêtée par les Germains lors de la pleine lune suivant l’équinoxe de printemps (la lune du passage). Déesse du printemps, “aurore de l’année”, elle aussi était enfermée dans une tour durant l’hiver. Pendant cet enfermement saisonnier, elle est nourrie par des colombes qui s’approchent des deux fenêtres de la tour. Dans Ostara, on trouve ost (est), comme dans Österreich (Autriche, “Royaume de l’Est”). Le levant est le point cardinal qui correspond à l’équinoxe de printemps. C’est le départ de la course journalière du soleil. Dans les pays germaniques, Ostara est le nom de la fête de Pâques. Le jour de Sainte Barbara, vierge associée à des croyances concernant la fertilité et le renouveau de la végétation, on fait germer du blé ou des lentilles dans une soucoupe garnie de coton humecté. En Provence, ce blé est destiné à décorer la crèche ou la table du repas de Noël. Le résultat de cette culture en miniature permet de présager celui des récoltes à venir. Dans de nombreux endroits, à la sainte Barbara, on fait aussi fleurir artificiellement de jeunes branches d’arbres à floraison rapide, dans le but d’obtenir des “rameaux de sainte Barbara”. Ils ont, comme le “blé pour la crèche”, un but décoratif et symbolique. Ils permettent aussi de faire des présages, en fonction du degré de réussite de l’opération : Si ces cultures poussaient bien, c’était le signe que les récoltes à venir seraient abondantes.A Lachaleur, en Bourgogne, il se trouve une fontaine de sainte Barbe où les futures mères vont boire pour avoir du bon lait. Comme d’autres vierges martyres, sainte Barbara eut les seins tranchés, or cette partie du corps féminin est l’attribut le plus important de la “terre mère”, dont les hommes du néolithique façonnaient déjà des effigies sous la forme d’un personnage féminin aux seins et au ventre protubérants. « Lié à la fécondité et au lait, qui est la première nourriture, [le sein] est associé aux images d’intimité, d’offrande et de refuge. Coupe renversée, de lui comme du ciel découle la vie. Mais il est aussi un réceptacle, comme tout symbole maternel, et promesse de régénérescence. Le retour dans le sein de la terre marque, comme toute mort, le prélude à une nouvelle naissance (3). » On peut dire métaphoriquement que le sein est une source de lait. C’est l’aliment du nouveau né, « premier breuvage et première nourriture en laquelle les autres existent en l’état potentiel, le lait est naturellement symbole d’abondance, de fertilité, et aussi de connaissance (4). » Nous trouvons donc, avec sainte Brigitte et sainte Barbara une référence au lait qui nous renvoie à l’époque mythique de l’Age d’Or, où le lait coulait à flots, tout comme le nectar des dieux. Il n’est pas étonnant que les personnages féminins, saintes et déesses confondues, soient à l’honneur dans cette sorte de panthéon pagano-chrétien de la stérile période solsticiale, car, « le lait est un symbole lunaire, féminin par excellence, et lié au renouveau printanier(5). Les hommes transcendent ainsi l’observation de la nature par l’utilisation d’une symbolique contraire (pendant le stérile hiver on célèbre l’abondance). L’Éternel Retour et l’Éternel Féminin sont ici profondément liés. C’est la femme qui transmet la vie après avoir été ensemencée par l’homme, comme la terre semée donne des fruits. La femme a aussi une fonction nourricière et la stérilité de l’hiver est associée à l’image de l’arrachement des seins. C’est le cas pour Barbara et Catherine (qui “saigne” aussi du lait après avoir été décapitée). Il y a un lien évident entre la femme et la terre : l’attribut de la Vierge astrologique est un épi. La terre, la mère et la Vierge ont pour fonction de transmettre la vie, végétale, humaine et spirituelle. Aussi, on ne s’étonnera pas de constater que la quasi totalité des divinités liées à la fertilité de la terre sont des divinités féminines, comme, à différents degrés, Athéna, Déméter ou Nerthus… Les personnages masculins sont associés aux éléments virils : le feu / la foudre (saint Éloi, Thor), et l’air (Odin, le Père Noël). Le lait, qui revient sans cesse dans toute cette symbolique, est présent aussi dans la cosmogonie des Eddas : Ensuite, il se passa ceci, que le givre dégouttait. Il en provint une vache qui s’appela Audumla, et il coula quatre rivières de lait de ses pis, et c’est elle qui nourrit Ymir. (Gylfaginning, chap. 6). Ainsi, dans la mythologie nordique, le premier humanoïde est allaité par une vache cosmique. C’est un symbolisme qui n’est pas sans rappeler la sacralité des vaches en Inde, tout comme l’importance du lait, du yaourt et du beurre dans les rites hindouistes. L’importance de sainte Barbara dans le symbolisme solsticial contraste avec le peu de valeur que lui donne l’Église. Et pour cause : cette sainte est la christianisation d’une mythologie préexistante qui remonte à un lointain passé indo-européen, comme tous les saints qui se trouvent à proximité des dates clés d’un calendrier lui aussi récupéré du paganisme. Aussi sainte Barbara est la préférée de ma collection de saints fabuleux, c’est à dire de saints dont tout ou partie de l’hagiographie provient de fables inventées en substitution des mythes païens. C’est par ce procédé que l’Église catholique a baptisé les croyances et les rites qu’elle ne pouvait pas annihiler. Elle les a ainsi conservés.

Jean-Louis Ragot

1 L. REAU, Iconographie de l’art chrétien, P.U.F., 1959, p.169.2 L. REAU, op. cit p. 169.3 CHEVALIER Jean et GHEERBRANT Alain, Dictionnaire des symboles, Paris, R. Laffont, 1997, p. 857.4 J. CHEVALIER et A. GHEERBRANT, op. cit., p. 556.5 J. CHEVALIER et A. GHEERBRANT, id., p. 557.6 R. BOYER, L’Edda poétique, Fayard, 1992, p. 410.

Activité de l’Avent : le blé de la sainte Barbe

Selon une tradition provençale, on plante des grains de blé le jour de la fête de sainte Barbe, le 4 décembre. Le jour de Noël, les pousses sont disposées autour de la crèche pour représenter les champs.

Faire pousser le blé de la sainte Barbe, une tradition provençale facile à réaliser avec des enfants, symbolise la vie nouvelle que nous donne le Sauveur. Tapissez trois coupelles de coton (trois pour symboliser la sainte Trinité) et humidifiez régulièrement les graines de blé (ou de lentilles). Au fil des jours, de belles pousses vertes apparaîtront, symboles de vie et de fécondité.

Pour les provençaux, cette tradition marque le début des fêtes de Noël. Le soir du réveillon, on coupe les pointes du blé et les enfants les déposent dans la crèche pour accueillir l’Enfant Jésus. Le 25, on dispose les coupelles sur la table. Et le 26, on les place autour de la crèche pour représenter les champs. Une tradition qui remonterait à l’époque romaine, en souvenir du martyre de sainte Barbe, fille de Dioscore.

Belle et jeune, sainte Barbe est très courtisée en Provence. Seulement, elle préfère se consacrer à Dieu et refuse de se marier. Malgré la fureur de son père, elle réussit tout de même à recevoir un enseignement chrétien et à se faire baptiser. Ne voulant pas renier Dieu, sainte Barbe fut victime de nombreuses tortures, et finalement, son père lui tranche la gorge de ses propres mains. Dioscore fut alors frappé par la foudre, tel fut le châtiment céleste.

En vidéo, faire pousser le blé de la Sainte Barbe

Source https://fr.aleteia.org/2020/12/01/bricolage-de-lavent-le-ble-de-la-sainte-barbe/

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