Vierge Noire

La Vierge dont il est question à la Chandeleur est la Vierge Noire. On la révère en bien des lieux comme au Puy-en-Velay, à Einsiedeln en Suisse, mais aussi à Marseille. C’est dans le sillage des anciennes déesses-mères que ce culte s’est instauré, lié à la lune et dont Ishtar, la déesse babylonienne de la rosée est le modèle le plus accompli. Ces déesses sont noires parce qu’elles demeurent dans la caverne, cette caverne qui devient crypte et qui a toujours été pour les hommes le centre de la Connaissance secrète. Et ce voyage initiatique dans la profondeur du monde souterrain a certainement ses racines jusqu’au plus lointain du néolithique.

Cette déesse noire nous la retrouvons même en Inde sous le visage de Kali ainsi qu’en Égypte où Isis est représentée sous les traits d’une femme noire portant l’enfant Horus. Ces déesses sont associées à la lune parce qu’elles partagent le domaine du nocturne. Aussi bien l’Artémis grecque que la Diane romaine, ces déesses noires, semblables aux Lares, sont couronnées du croissant lunaire et portent une torche, la Vesta, un nom parfois donné à Diane.

La Vierge chrétienne assure le destin des déesses noires du monde ancien. L’association de Marie et de l’antique déesse noire se manifeste avec une force particulière dans l’Irlande celtique. Une des quatre fêtes essentielles de cette Irlande est Imbolc du 1er février. C’est le soir où on ranime le feu dans tous les foyers d’Irlande. On le bénit au nom de sainte Brigitte qui n’est que la forme christianisée de l’antique déesse Brigentis dont le culte était très répandu dans la verte Érin.

L’Église primitive lutta contre le culte des vierges noires mais la dévotion populaire l’emporta, nourrie d’ailleurs des souvenirs du paganisme. Ce n’est qu’au IXème siècle que le puits sacré et la Vierge noire furent englobés dans la nouvelle cathédrale de Chartres. Pierre Gordon nous dit à propos de ces Vierges des lumineuses ténèbres :

Un aspect curieux de cette lutte ecclésiastique contre les Vierges noires est que souvent le clergé les arracha aux vénérables foyers initiatiques où elles siégeaient depuis des millénaires. Invinciblement elles y revenaient. Ce qui veut dire que le peuple substituait des effigies nouvelles à celles qui avaient été enlevées. Tout au plus consentaient-elles à passer l’hiver au village où le prêtre chrétien les avaient amenées ; dès la belle saison, elles regagnaient l’antique monde souterrain qui constituait, à l’écart, leur vieux domaine, celui où les néophytes des âges anciens passaient leur temps de réclusion. Si bien que finalement, l’agglomération se forma autour de ce domaine sacro-saint. L’on discerne clairement par-là que la madone noire était liée, par essence, à l’univers de sous-terre, à ce royaume de l’ascèse initiatique, où l’homme s’imprégnait de lumière et de force.
Pierre Gordon, Les vierges noires, éd. Arma Artis, p. 3

Pierre Gordon analyse les tensions profondes de l’âme populaire. Elle touche la réalité instinctive des formes illuminatrices émanant du monde souterrain. C’est une quête spirituelle qui se situe au niveau le plus simple et qui ne peut atteindre la divinité que dans un au-delà du formalisme et du marchandage d’un exercice de prière qui n’a plus sa force originelle.

Une transformation profonde de l’âme, un don total de soi, est indispensable pour que s’entrouvre la porte de l’immortalité. Pas de résurrection sans mort, sans cette mort qui se réalisait jadis, aux côtés de l’Initiatrice noire, dans l’obscurité de la grotte. C’est ce bienfait spirituel que l’on demande partout, plus ou moins expressément, aux Mères et aux Vierges de teinte brune. Elles paraissent plus puissantes parce que, durant des millénaires, elles ont atteint la pensée de l’homme dans ses profondeurs ; elles semblent dès lors davantage en mesure de susciter dans les cœurs ces mouvements de rénovation, ces sursauts intimes qui, à défaut de la satisfaction des désirs, donnent la sérénité et le courage. Par-là, mieux que les autres, elles font boire à la source de vie. Leur attrait est d’être Notre-Dame des Ténèbres, Notre-Dame de la Nuit, celle qui fait luire la clarté dans la prison souterraine où se trouve jeté l’homme, celle qui enfante pour lui la lumière, celle qui lui apporte l’or et le soleil, celle qui est la fontaine de radiance et la Reine du ciel.
Pierre Gordon, Les vierges noires, éd. Arma Artis, p. 4

Nous voyons ainsi qu’il n’est aucune différence de nature entre l’expérience mystique la plus subtile et l’intuition immédiate du divin chez l’âme populaire. La Vierge Noire qui doit être associée à la Chandeleur est celle de la basilique Saint-Victor de Marseille.

À l’origine, sur une hauteur dominant un ravin, la Mère Noire régnait dans une grotte. Un puits fournissait l’eau sainte. À l’époque romaine la grotte devient une crypte chrétienne avec une église édifiée au-dessus et dans laquelle la Vierge Noire est fêtée le 25 mars, jour de l’Annonciation. Mais dans la crypte c’est à la Chandeleur que la Vierge est exposée et les pèlerins descendent en procession au matin du 2 février, tenant en main un cierge de couleur verte. La Vierge Noire est vêtue de vert et de noir et tient l’Enfant divin vêtu de vert. La procession était interdite aux femmes jusqu’au 17ème siècle.

Source : https://institut-iliade.com/la-chandeleur-lumiere-et-battements-dailes/

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