
Troisième dimanche de Carême – En-Calcat (1956) et Triors (2005) Chant grégorien avec partition

IIIe dimanche de Carême
1re classe – Ornements violets

Jésus chasse un démon impur. Alors une femme élevant la voix s’écria : Heureux le sein qui vous a porté (Évangile de S. Luc 11).
D’après l’excellent Missel Quotidien et Vespéral de Dom Gaspard Lefebvre, illustré par René De Cramer, dont l’inspiration mélange des thèmes médiévaux et un symbolisme mystique.
Jésus, fils de la Vierge Marie (Évangile), est le modèle par excellence de la pureté virginale. L’Évangile le montre luttant d’une façon spéciale contre l’esprit impur. Le démon qu’il chassa en effet par le doigt de Dieu, c’est-à-dire par l’Esprit Saint, du possédé muet était « un démon impur », dit saint Matthieu. Et l’Église chasse des âmes des baptisés le même esprit immonde. L’on sait en effet que le Carême était un temps de préparation au baptême et dans ce sacrement le prêtre souffle par trois fois sur celui qu’il baptise en disant : « Sors de cet enfant, esprit impur, et fais place à l’Esprit Saint ».
« Nul fornicateur ou impudique, dit saint Paul dans l’Épître de ce jour, n’a héritage dans le royaume du Christ et de Dieu. Que la fornication et toute impureté ne soit donc même pas nommée parmi vous ». C’est spécialement en ce temps de lutte contre Satan que nous devons imiter Jésus.
– Le site Introibo pourra vous procurera d’intéressants commentaires de Dom Guéranger, Dom Baron, Dom Schuster…
– Allez à la fin de cette page pour accéder au lien qui vous permettra d’obtenir la partition du psaume de communion que nous vous recommandons d’interpréter en alternance avec la pièce grégorienne. Comme l’introït et l’offertoire, cette antienne de communion se chantait en procession, et le Graduel de 1907, dans les pages intitulées De ritibus servandis in cantus missæ, prévoit la possibilité de chanter des versets de psaume alternés avec l’antienne pendant la distribution de la communion. Dans les années 70, lors d’un congrès Una Voce au Mesnil Saint-Loup, un moine bénédictin nous a rappelé avoir vu les fidèles se rendant à la communion, et chantant, par cœur, l’antienne grégorienne en alternance avec la chorale.
Introït : Oculi
Nous allons retrouver dans l’Introït du troisième dimanche de Carême le psaume 24 qui était déjà celui de l’Introït (ainsi que celui du Graduel) du deuxième dimanche. C’était alors une prière très humble dans laquelle le pécheur prosterné devant Dieu osait à peine lever la tête. Aujourd’hui il s’enhardit en levant les yeux vers le ciel, image que nous retrouverons dans le Trait tiré d’un autre psaume.
Le premier mot de cet Introït Oculi (les yeux) a donné son nom à ce dimanche. On se souvient que, jusqu’à une date récente, les dimanches de Carême étaient indiqués dans tous les calendriers par le premier mot de leur Introït : Reminiscere pour dimanche dernier, Oculi pour aujourd’hui et Lætare pour dimanche prochain.
Oculi mei semper ad Dominum, quia ipse evellet de laqueo pedes meos. Respice in me, et miserere mei, quoniam unicus et pauper sum ego.
Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur, car c’est Lui qui arrachera mes pieds du filet. Jetez les yeux sur moi et ayez pitié de moi, car je suis seul et malheureux.
Unicus et pauper sum : Je suis seul et malheureux, cela veut dire que je ne peux compter ni sur mes relations ni sur mes richesses pour me sauver, mais seulement sur Dieu. Ce texte comprend donc deux parties ; la première est un grand élan de l’âme vers le haut, les yeux levés vers le Seigneur, qui peut seul nous arracher au filet que nous tend l’infernal tentateur. La mélodie exprime cet élan par deux montées assez vives vers l’aigu. La deuxième partie au contraire est une prière qui demande au Seigneur d’abaisser son regard vers nous dans notre humble état de pécheurs ; la mélodie se tient alors modestement dans le grave en une douce supplication.
Cet Introït est accompagné par le premier verset du psaume 24 comme celui du dimanche précédent :
Ad te Domine levavi animam meam : Deus meus, in te confido, non erubescam.
Vers vous Seigneur j’élève mon âme, mon Dieu je mets en vous ma confiance, je n’aurai pas à en rougir.

Graduel : Exsurge Domine
Le texte du Graduel du troisième dimanche de Carême est tiré du psaume 9, que nous avons déjà rencontré il y a quelques semaines, dans le grand Graduel Adjutor de la Septuagésime. C’est un chant de louange et d’action de grâce au Seigneur, défenseur et protecteur des pauvres et des opprimés. La première phrase du Graduel de ce dimanche reprend d’ailleurs la dernière phrase de celui de la Septuagésime. Ce verset est pris à la fin du psaume, alors qu’on trouve au contraire dans la deuxième partie un verset du début :
Exsurge Domine, non prævaleat homo : judicentur gentes in conspectu tuo. In convertendo inimicum meum retrorsum, infirmabuntur, et peribunt a facie tua.
Levez-vous, Seigneur, que l’homme ne l’emporte pas, que les nations païennes soient jugées en votre présence. Vous faites retourner mon ennemi en arrière ; ils seront affaiblis et périront devant votre face.
Nous avons déjà signalé que l’homme, ici, désigne la créature qui s’oppose à son Créateur et refuse d’accomplir sa volonté. Mais en ce temps de Carême ce texte désigne aussi l’ennemi infernal et tous ses auxiliaires, contre lesquels nous avons à lutter ; nous annonçons ainsi la victoire que nous remporterons sur eux à Pâques si nous sommes fidèles.
La mélodie ressemble à celle du Graduel Adjutor de la Septuagésime, mais elle ressemble surtout à celle du Graduel de la Quinquagésime, il y a trois semaines. On retrouve tout à fait les mêmes formules amples et mouvementées avec de grandes vocalises et de longues tenues dans une ambiance de ferveur ardente et mystique.

Trait : Ad te levavi
Le texte du Trait du troisième dimanche de Carême est constitué par la plus grande partie du psaume 122, petit psaume assez court ; il ne manque ici que le dernier de ses cinq versets. Ce psaume ressemble au psaume 24 d’où était tiré le chant de l’Introït de cette messe ; d’abord il commence par les mêmes mots Ad te levavi, de plus il développe le thème des yeux levés par lequel débutait l’Introït :
Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cælis. Ecce sicut oculi servorum in manibus dominorum suorum : Et sicut oculi ancillæ in manibus dominæ suæ : Ita oculi nostri ad Dominum Deum nostrum, donec misereatur nostri. Miserere nobis domine, miserere nobis.
Vers Vous je lève les yeux, Vous qui habitez aux Cieux. Comme les yeux des serviteurs sont fixés sur les mains de leurs maîtres et les yeux de la servante sur les mains de sa maîtresse, ainsi nos yeux sont tournés vers le Seigneur Notre Dieu jusqu’à ce qu’Il ait pitié de nous.
On voit qu’au thème des yeux levés s’ajoute la belle image des serviteurs fixant les mains de leurs maîtres. Ainsi devons-nous être les serviteurs de Dieu attentifs à accomplir Sa volonté.
La mélodie, comme celle de tous les Traits, est une psalmodie ornée faite de formules que nous avons déjà rencontrées, assez voisines en particulier de celle du Trait Jubilate de la Quinquagésime. Cependant le premier verset a une mélodie assez originale, où l’on note la grande vocalise qui se tient dans les hauteurs avec de longues tenues sur le mot cælis : les cieux.

Offertoire : Justitiæ
Comme celui du deuxième dimanche, l’Offertoire du troisième dimanche de Carême est une méditation aimante et contemplative sur la loi divine et le bonheur qu’il y a à l’observer :
Justitiæ Domini rectæ, lætificantes corda, et dulciora super mel et favum, nam et servus tuus custodiet ea.
Les préceptes du Seigneur sont justes, ils réjouissent les cœurs et sont plus doux qu’un rayon de miel ; aussi votre serviteur les observe-t-il.
Les mots dulciora et ea qui sont au neutre se rapportent au substantif judicia qui figure dans le psaume, mais qui n’est pas repris dans le texte de l’Offertoire. Il est d’ailleurs à peu près synonyme du premier mot de ce texte justitiæ. On notera aussi à la fin, le passage de la troisième à la deuxième personne que l’on rencontre souvent dans les psaumes.
Ce texte aurait pu être emprunté au psaume 118, la longue méditation sur la volonté de Dieu et ses commandements que l’on rencontre souvent au cours de l’année liturgique et d’où était tiré l’Offertoire de dimanche dernier. En fait, celui-ci est pris dans un autre psaume, le psaume 18, dont la deuxième partie résume au contraire les mêmes thèmes en quelques versets très condensés. La mélodie est très calme, paisible et assurée, tournant toujours autour de la même note sur laquelle elle pose notes longues et cadences. Cependant la conclusion est surprenante : au lieu de se terminer sur cette même note, la mélodie descend un demi-ton plus bas, restant en suspens comme un long regard qui ne veut pas finir.

Communion : Passer
Le texte de la Communion du troisième dimanche de Carême est tiré du psaume 83, prière d’un exilé qui aspire à retrouver la ville sainte de Jérusalem et les cérémonies du temple, et exprime avec de belles images le bonheur qu’il avait à s’y trouver, comme le petit oiseau dans son nid :
Passer invenit sibi domum, et turtur nidum ubi reponat pullos suos. Altaria tua, Domine virtutum, Rex meus et Deus meus ! Beati qui habitant in domo tua, in sæculum sæculi laudabunt te
Le passereau trouve pour lui une demeure et la tourterelle un nid pour déposer ses petits. Vos autels, Seigneur des armées, mon roi et mon Dieu ! Heureux ceux qui habitent dans votre maison, ils vous loueront pour les siècles des siècles.
L’expression Domine virtutum, Seigneur des armées, est analogue à Deus Sabaoth que nous chantons au Sanctus, tiré de la vision d’Isaïe. Il s’agit des armées célestes, les chœurs des anges, qui évoquent ici les Chérubins et les Séraphins représentés au-dessus de l’arche d’Alliance, siège de la présence symbolique de Dieu dans son temple. Jérusalem et le temple, c’est évidemment la figure de l’Église dont nous commençons à entrevoir la naissance au fur et à mesure que notre Carême s’avance. Ce sera le thème de toute la messe du quatrième dimanche, le dimanche de Lætare. C’est aussi la figure du Ciel où nous louerons le Seigneur éternellement.
La mélodie de cette Communion est très originale. D’abord elle est d’une longueur exceptionnelle pour une antienne de Communion. Ensuite elle est d’une grande variété, avec de nombreuses modulations. La première phrase est quelque peu imitative ; on peut y entendre le battement d’ailes des passereaux ou le roucoulement de la tourterelle. La deuxième phrase commence par un grand élan sur l’exclamation altaria tua (vos autels) puis elle redescend dans une effusion pleine de tendresse sur les mots Rex meus et Deus meus que l’on avait déjà trouvés dans la Communion de dimanche dernier avec une expression analogue, bien que dans un contexte assez différent. Enfin la dernière phrase est marquée par un grand crescendo qui monte toute l’octave, avant l’apaisement final exprimant la louange éternelle.
Le site nord-américain Musica Sacra nous offre des partitions du psaume qui peut être interprété en alternance avec cette antienne de communion . C’est aisément déchiffrable pour tout choriste et nous encourageons vivement les chefs de scholas à les imprimer et à les travailler lors des répétitions. La psalmodie est le meilleur moyen d’apprendre à déclamer la phrase latine, à respecter les accents toniques, à prononcer cette langue liturgique sans hésiter… Publié le Catégories Émissions de P. Banken, Envoi hebdomadaire

Évangile selon saint Luc (11. 14-28)
En ce temps-là, Jésus expulsait un démon, un démon muet. Le démon sorti, le muet parla, et les foules furent dans l’admiration. Mais quelques-uns dirent : « C’est par Béelzéboub, le chef des démons, qu’il expulse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, lui demandaient un signe venant du ciel. Connaissant leurs pensées, Jésus leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine, et ses maisons croulent l’une sur l’autre. Si donc Satan s’est, lui aussi, divisé contre lui-même, comment son royaume se maintiendra-t-il ?… puisque vous dites que c’est par Béelzéboub que j’expulse les démons. Et si moi, c’est par Béelzéboub que j’expulse les démons, vos fils à vous, par qui les expulsent-ils ? Aussi seront-ils eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le royaume de Dieu est arrivé pour vous. Quand un homme fort et bien armé garde son palais, ses biens sont en sûreté. Mais qu’un plus fort survienne et le batte, il lui enlève l’armure en laquelle il mettait sa confiance, et il distribue ses dépouilles. Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui n’amasse pas avec moi dissipe. Lorsque l’esprit immonde est sorti d’un homme, il erre par des lieux arides en quête de repos. N’en trouvant pas, il se dit : ‘Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.’ à son arrivée, il la trouve balayée, bien en ordre. Alors il s’en va prendre sept esprits plus méchants que lui ; ils reviennent et s’y installent. Et l’état final de cet homme devient pire que le premier. » Il parlait ainsi, quand une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : « Heureux les flancs qui t’ont porté et les seins qui t’ont allaité ! » – « Heureux bien plutôt, répondit Jésus, ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ! »
L’Évangéliste dit que ce démon était muet ou sourd, parce qu’il produit en nous cette infirmité pour nous empêcher d’entendre la parole de Dieu. En effet, les démons détruisent les bonnes dispositions du coeur de l’homme, pour fermer plus facilement les oreilles de son âme: Or, Jésus-Christ est venu sur la terre pour chasser le démon, et nous faire entendre la parole de vérité, et dans ce seul homme il nous a donné comme un avant goût du salut de tous les hommes.
Tite de Bostr. (sur S. Matth)
Jésus ne tire pas sa réponse des Écritures, parce que leur témoignage eût été de nul poids pour les pharisiens qui en donnaient de fausses interprétations, il leur apporte donc un exemple emprunté à ce qui se passe ordinairement. En effet, une maison ou une ville divisée, ne tarderont pas à être détruites; il en sera de même d’un royaume, qui est ce qu’il y a de plus fortement constitué; car c’est l’union des sujets qui fait la force des royaumes, comme des maisons particulières: Si donc, dit le Sauveur, je chasse les démons par le prince des démons, la division règne parmi eux, et leur puissance est détruite. C’est le sens de ces paroles: «Si Satan est divisé contre lui-même, comment son règne pourra-t-il subsister ?» Car loin que Satan soit contraire à lui-même, et se déclare contre ses suppôts, il cherche bien plutôt à consolider son empire. La seule conclusion possible, c’est donc que je triomphe du démon par une puissance toute divine.
S. Jean Chrysostome (hom. 42, sur S. Matth)
Notre-Seigneur nous enseigne encore par ces paroles, que son royaume est indivisible et perpétuel, et nous apprend que ceux qui ne placent point leur espérance en Jésus-Christ, mais qui osent dire que c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons, n’auront aucune part à son royaume éternel.
S. Ambroise
Il appelle le démon le fort armé, non qu’il tienne cette force de sa nature, mais pour exprimer la tyrannie qu’il exerçait depuis si longtemps par suite de notre faiblesse.
S. Jean Chrysostome (hom. 42, sur S. Matth)
En effet, avant l’avènement du Sauveur, il se jetait avec une violence inouïe sur les troupeaux qui n’étaient pas à lui, mais à Dieu, comme pour les emmener dans sa propre bergerie.
S. Cyrille de Jérusalem (Jn 12)
Ses armes sont la ruse, les fourberies, le mensonge, que met en oeuvre sa méchanceté; ses dépouilles sont les hommes qu’il trompe et séduit.
S. Bède Le Vénérable
« Heureux bien plutôt, répondit Jésus, ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ! » En parlant de la sorte, le Sauveur ne reniait pas sa mère, mais il montrait qu’il n’eût servi de rien à Marie de l’avoir mis au monde, si elle n’eût d’ailleurs été le modèle de toutes les vertus. Or, s’il n’y avait aucun avantage pour Marie d’avoir donné le jour à Jésus-Christ, sans les vertus qui ornaient d’ailleurs son âme, n’espérons rien absolument des vertus d’un père, d’un frère ou d’un fils, si nous ne faisons aucun effort pour les imiter.
S. Jean Chrysostome (hom. 45 sur S. Matth)
La Mère de Dieu est heureuse pour avoir été dans le temps l’instrument de l’incarnation du Verbe, mais elle est bien plus heureuse pour avoir gardé inviolablement et éternellement son saint amour. Ces paroles sont une condamnation des sages d’entre les Juifs qui, au lieu d’écouter la parole de Dieu et de la mettre en pratique, en faisaient un objet de négations et de blasphèmes.
S. Bède Le Vénérable
Source : https://www.barroux.org/fr/evangile-du-dimanche/troisieme-dimanche-de-careme.html
Voir aussi :