On ne sait rien de la vie de Taliesin, sinon sa légende qui est fort curieuse. On peut cependant affirmer qu’un barde nommé Taliesin a vécu au VIe siècle à a cour du Chef Uryen, de ses fils Owein et Elphin. Il aurait été, comme Aneurin, honoré du titre de « Pennbardd ». Disciple des anciens druides, il aurait été converti au christianisme par saint David. « Les poèmes de Taliesin », à dit Joseph Loth, « son les plus plus curieux de toute la littérature galloise ». C’est à la fois un visionnaire, un lyrique, un philosophe, un « homme de science » et un aussi un poète bassement flatteur. Nombre de poèmes attribués à lui sont apocryphes mais sont révélateurs d’une certain état d’esprit bardque qui s’est perpétué jusqu’au Moyen Âge. On trouve ses chants dans le Livre de Taliesin, manuscrit du XIIIe siècle, dans la « Myvyrian Archaelogy of Wales » et dans le récité « Hanes Talyessin », recopié au XVIIe siècle.
Jean Markale.
LES MYSTÈRES DU MONDE
Voici un chant sur la nature primitive.
Qui fut d’abord des ténèbres ou de la lumière?
Où se trouve les fondations de la terre?
Quel jour Adam fut-il appelé à l’existence?
.
L’homme de la foule ne recevra pas la connaissance.
Coupable est celui qui par des actes divers
a perdu le céleste pays et la grand amitié.
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D’où viennent la nuit et le jour?
D’où vient que l’aigle soit gris?
D’où vient que la nuit soit obscure?
D’où vient que la linotte soit verte?
Pourquoi la mer bouillonne-t-elle?
Pourquoi ne le sait-on pas?
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Il y a trois fontaines
sous la montagne des dons,
il y a une citadelle
sous le flot de l’océan.
Flatteur parasite,
dis-moi le nom du portier!
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Qui fut confesseur
du gracieux fils de Marie?
Quel est le plus bel acte accompli par Adam?
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Qui mesurera l’enfer?
Qui dira l’épaisseur de son voile?
Qui dira la largeur de sa gueule?
Qui dira le prix de ses pierres?
Pourquoi le sommet des arbres
se plie et se courbe-t-il?
Quelle est cette fumée autour de ce tronc?
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Peut-être est-ce Lleu et Gwyddyon
qui accomplissent leurs enchantements.
Connaissent-ils les livres
lorsqu’ils pratiquent leur science?
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J’ai été avec des initiés avec le vieux Math et les forgerons,
avec Hevydd et Elestron,
dans les épreuves,
pendant un an à la cité des forgerons.
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Je suis vieux, je suis jeune, je suis Gwyon,
je suis universel, je sui doué de pénétrant esprit.
Souviens-toi, vieux Breton,
des Gaëls, ces distillateurs desséchés,
énivreurs d’ivrognes.
Je suis un barde, je ne divulgue pas les secrets aux esclaves.
Je suis un guide, je suis un juge.
Si tu sèmes, tu laboures, tu laboures, tu ne moissonnes pas.
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As-tu vu le maître courageux?
Connais-tu la profonde prédiction du maître
quand à l’enfer?
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Et avant de désirer la fin de ma vie,
avant que l’écume ne vienne sur mes lèvres,
avant que je sois pressé entre des planches de bois,
puisse-t-il y avoir fête pour mon âme.
Les livres de science ne parlent guère
des sévères afflictions d’après le lit de mort.
Que ceux qui ont entendu mes livres bardiques
obtiennent le meilleur asile de la région des cieux.

Le Livre de Taliesin (Extrait)
Le Livre de Taliesin est un recueil de poèmes manuscrits du Xème siècle, mais dont la composition serait contemporaine du barde historique Taliesin, qui était considéré comme « le Chef des Bardes de Bretagne » (entendre le Pays de Galles) au VIème siècle.
Kat Godeu, ou Combat des Arbrisseaux
« J’ai été sous de nombreuses formes
avant que je ne sois libre.
J’ai été une épée étroite et bariolée.
Je crois à ce qui est apparent.
J’ai été larme dans l’air.
J’ai été la plus brillante des étoiles.
J’ai été mot parmi les lettres.
J’ai été livre à l’origine.
J’ai été une langue brillante
pendant un an et demi.
J’ai été un pont jeté
sur soixante estuaires.
J’ai été route, j’ai été aigle
j’ai été coracle sur la mer.
J’ai été l’effervescence de la bière.
J’ai été goutte dans l’averse,
j’ai été épée dans la main.
J’ai été bouclier au combat.
J’ai été corde de la harpe
d’enchantements, neuf années.
Dans l’eau j’ai été l’écume,
j’ai été éponge dans le feu.
J’ai été bois dans le buisson.
Ce n’est pas moi qui ne chante pas.
J’ai chanté, bien que je sois petit,
j’ai chanté le combat des buissons de branches
devant le chef de Bretagne.
Des chevaux ordinaires y pénétrèrent,
des flots de richesse.
Il passa un monstre à larges gueules.
Il avait cent têtes
et une bataille fut livrée
sous la base de sa langue.
Il y a une autre bataille
sur sa nuque.
Un crapaud noir fourchu,
armé de cent griffes ;
le serpent tacheté à crête :
cent âmes par son péché
seront punies dans sa chair.
J’ai été à Nevenydd :
l’herbe et les arbres se hâtaient,
des ménestrels chantaient,
des guerriers attaquaient ;
une résurrection des Bretons
fut opérée par Gwydyon.
On en appela aux saints,
au Christ et à ses pouvoirs
pour défendre les princes,
jusqu’à ce qu’il les délivrât
le Roi qui les a créés.
Le Seigneur répondit par le langage et l’art :
prenez la forme des principaux arbres
avec lui dans vos armées,
tout en repoussant le peuple
inhabile au combat à la main.
Quand les arbres eurent été enchantés
dans leur oeuvre de destruction
les combats furent interrompus
par l’harmonie des harpes.
Elle pleuraient les combats.
Tranchons les jours tristes.
Une femme fit diminuer le bruit.
Elle s’avance sur le champ de bataille,
tête de sa lignée et chef de l’armée.
Les dépouilles des vaches d’Annwn
nous seront d’un grand profit
dans le sang des hommes jusqu’à nos genoux.
La plus grande des trois réflexions
qui eurent lieu dans le monde,
quelqu’un l’a terminée
en réfléchissant au déluge,
au Christ crucifié
et au jour du jugement tout proche.
Les aulnes en tête de ligne
étaient les premiers.
Les saules et les sorbiers
vinrent tard à l’armée.
Les groseilliers pleins d’épines
– désirable massacre –
et les néfliers vigoureux
vaincront toute opposition.
Les rosiers marchèrent
contre une armée de géants ;
on fit des framboisiers
la meilleure nourriture
pour soutenir la vie.
Le troène et le chèvrefeuille
enlacés avec le lierre.
Les peupliers tremblent beaucoup ;
les cerisiers sont hardis.
Le bouleau, malgré sa grande ambition,
fut équipé tardivement ;
ce n’est pas à cause de sa lâcheté
mais seulement à cause de sa grandeur.
Le cytise a l’esprit occupé
par les étrangers plus que par la bravoure.
L’if est devant,
c’est le siège du combat.
Le frêne fut très honoré
devant le pouvoir royal.
L’ormeau, en dépit de son grand nombre,
ne s’éloigna pas d’un pied.
Il tomba au centre,
aux extrémités et à la fin.
Le coudrier fut estimé
par son nombre dans le combat.
Le troène a eu un sort heureux,
c’est le taureau du combat, le seigneur du monde.
Près du rivage de la mer
le hêtre fut prospère.
Le houx fut teint en vert.
Il fut le héros.
L’aubépine se garde de tout côté.
Son poison fait mal à la main.
La vigne, qui couvrait tout,
fut coupée dans le combat.
Les fougères furent ravagées.
Le genêt, à l’avant-garde,
fut coupé dans le fossé.
L’ajonc ne fut pas meilleur
bien qu’il fût multitude.
La bruyère victorieuse se défendit.
Ton peuple fut enchanté
tout au long des hommes qui suivaient.
Le chêne est rapide :
devant lui tremblent le ciel et la terre.
C’est un vaillant portier devant l’ennemi.
Son nom est un soutien.
La campanule s’unit
et fut cause de consternation.
En repoussant ils furent repoussés ;
d’autres furent transpercés.
Le poirier est le meilleur assaillant
dans le combat de plaine.
Il a envahi la première forêt,
le passage des grands arbres.
Les marronniers, honteux,
s’opposent à l’if.
Le jais est devenu noir ;
la montagne est devenue rabougrie ;
la forêt est devenue pointe ;
ils le sont devenus avant les grandes mers,
depuis que cela a été entendu.
Le bouleau nous a couverts de feuilles :
il nous désenchante et nous change.
Le sommet du chêne nous a ensorcelés
par l’incantation de Maelderw
riant le long du rocher.
Le Seigneur n’est pas d’une nature ardente :
ce n’est ni de mère ni de père
que j’ai été créé.
Mon créateur m’a créé
de neuf éléments,
du fruit des fruits,
du fruit du Dieu du commencement,
des primevères et des fleurs de la colline,
de la fleur des arbrisseaux,
de l’argile de la terre,
Quand j’ai été créé
de la fleur des orties,
de l’eau de la neuvième vague,
j’ai été enchanté par Math
avant d’être invulnérable.
J’ai été enchanté par Gwydyon,
le purificateur des Bretons,
d’Eurwys, d’Euron,
d’Euron, de Modron,
de cinq fois cinq rangées d’artisans habiles,
des maîtres, enfants de Math ;
quand le mouvement s’est produit
Gwledic m’a enchanté,
lorsqu’il a été un peu brûlé.
J’ai été enchanté par le sage
des sages, avant que le monde n’existât ;
lorsque j’étais dans l’existence,
lorsque j’étais une petite chose.
Aimable barde, nous sommes habitués à la richesse :
j’ai un chant de louange que ma langue récitera.
J’ai joué dans le crépuscule.
J’ai dormi dans la pourpre.
J’ai été dans la forteresse
avec Dylan, fils de la mer,
au bord et au centre,
entre des genoux de prince.
J’ai été deux lances sans désir
quand elles tombaient du ciel :
elles brilleront dans l’abîme.
Elles seront au combat.
Quatre-vingts centaines
feront selon leur envie.
Elles ne sont ni plus vieilles ni plus jeunes
que moi dans leurs divisions.
Miracle : cent hommes sont nés chacun de neuf cents hommes.
J’avais alors
sur mon épée une tache de sang.
J’eus la considération
du Seigneur et sa considération partout où il était.
Si je viens là où le sanglier a été tué,
il fera, il défera,
il formera des langues,
celui au nom brillant, à la lame forte.
D’un éclair il conduit ses nombres :
ils se répandront dans l’éther
si je viens sur le sommet.
J’ai été serpent tacheté sur la colline,
j’ai été vipère dans le lac,
j’ai été l’esclave de Kynbyn,
j’ai été pâtre aussi.
Ma chasuble et mon calice,
je le déclare, ne sont pas mensonge.
Quatre-vingts fumées
sur tous ceux qui apporteront
cinq fois cinq distances de … ? …
Seront pris par mon couteau
six chevaux de couleur jaune.
Cent fois meilleur est
mon cheval Melyngan,
aussi rapide que la mouette.
Moi-même je ne passerai pas
entre la mer et le rivage.
Mais je conquiers le champ de bataille
sur neuf cents guerriers.
Mon diadème est de pierres rouges,
d’or est la bordure de mon bouclier.
Ils ne sont pas nés dans la brèche,
ceux qui sont venus me visiter,
excepté Goronwy,
des prairies d’Edrywy.
Longs et blancs sont mes doigts.
Il y a longtemps que j’ai été pâtre.
J’ai traversé la terre
avant d’être lettré.
J’ai dormi dans cent îles,
j’ai habité dans cent villes.
Sages druides,
prophétisez à Arthur.
Voici ce qui est le plus ancien
dans ce qu’ils chantent.
Et quelqu’un est arrivé,
considérant le déluge
et le Christ crucifié,
et le jugement tout proche.
La pierre d’or dans un bijou d’or,
puisse sa beauté m’enchanter.
Je serai dans la joie
hors de l’oppression de ceux qui travaillent le métal. «
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