Le Rosaire et l’alchimisation de la personnalité

Manuscrit anglais sur le Rosaire, Getty Museum, Vita Christi

En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité ; en moi est toute l’espérance de la vie et de la vertu : j’ai porté des fruits comme le rosier planté près des eaux courantes.

(offertoire de la messe de Notre-Dame du Rosaire)

Des roses pour un rosaire
Vierge au jardinet, Maître rhénan anonyme, Musée de l’Œuvre Notre Dame

Au Moyen Age, la contemplation de la Vierge Marie, de ses privilèges et des bienfaits qu’elle accorde à ses enfants, est considérée comme une joie surpassant toutes les joies. C’est cette piété joyeuse des « Saluts Notre-Dame » qui donnera le nom de Rosaire. Au Moyen Age, le symbole de la joie est en effet la rose. Se couronner le front de roses (d’un « chapelet », ou petit chapeau (chapel), de roses) est signe de joie. La Vierge Marie est même appelée « un jardin de roses ». Or, en latin médiéval, jardin de roses se dit rosarium.


On avait la conviction qu’à chaque salutation, la Vierge Marie elle-même ressentait comme un nouvel écho de la joie de l’Annonciation. Il ne s’agissait plus seulement de se réjouir soi-même à la pensée de Notre-Dame, on voulait aussi réjouir le Coeur de Marie lui-même. Les « Saluts Notre-Dame » sont alors conçus comme autant de roses spirituelles qu’on présente à la Vierge Marie en lui tressant une couronne, un chapelet. En retour, la Vierge pose sur la tête de ses enfants un invisible diadème de roses, de grâces spirituelles.

Comment est né l’Ave Maria ?

Dans cette ferveur à saluer Notre-Dame, on ne s’étonnera pas que la salutation la plus populaire ait été tirée directement de l’Évangile, des épisodes de l’Annonciation et de la Visitation qui étaient dans tous les esprits : « Je vous salue, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre (toutes) les femmes » (Lc 1, 28). « Vous êtes bénie entre (toutes) les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni » (Lc 1, 42).

Ces deux salutations constituèrent la première partie de l’Ave Maria. Elles se joignirent aux alentours du XIe siècle, selon l’opinion commune.

Au commencement du XVIIe siècle, la seconde partie de l’Ave Maria (« Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ») n’était pas encore d’un usage général, et l’Ave demeurait souvent incomplet, ne comportant que la première partie.

L’initiation mariale

L’initiation mariale est un domaine primordial de l’hermétisme chrétien. Il s’agit essentiellement d’une démarche initiatique fondée sur la transmutation alchimique de l’égo, la naissance et la croissance progressive du Christ intérieur. L’initiation mariale consiste essentiellement à transformer l’aspirant en un véritable chevalier consacré à Notre-Dame et à la garde de la terre sainte, c’est-à-dire faire de son corps (sa personnalité) une cathédrale dédiée à Notre-Dame, et le considérer comme une terre sacrée à défendre contre toute incursion ennemie toute profanation. Pour cela, l’Église à enseigné une méthode d’entraînement traditionnelle admirablement synthétisée dans la pratique et la récitation du rosaire, l’outil initiatique le plus efficace qui soit pour alchimiser notre personnalité et atteindre une authentique réalisation spirituelle par l’éveil du Christ intérieur.

Dans la tradition de l’hermétisme chrétien, Marie de Bethléem, qui en raison de sa grande pureté a été choisie pour porter en elle le Christ, symbolise cette terre sainte que que tout chevalier s’engage à garder. C’est pourquoi la discipline chevaleresque est entièrement dédiée à honorer Notre-Dame et à rendre le chevalier digne de paraître en sa présence. Par son exemple, Marie de Bethléem nous enseigne la manière de purifier notre personnalité sur la croix de la matière et ainsi d’extraire du plan corporel un cinquième élément (la quintessence) : le Christ intérieur. C’est alors grâce à cette force christique que peut être transmuté l’ensemble de notre être et qu’une certain épanouissement spirituel peut être atteint.

Ainsi, l’idéal de tout chevalier n’est plus aujourd’hui de défendre des lieux physiques ou matériels qui ne sont que la dimension extérieure des véritables lieux saints. L’œuvre consiste maintenant à entreprendre sous les auspices de Marie, un travail de purification de la personnalité devenue sacrée et de la préserver de toute souillure afin qu’elle deviennent une authentique sanctuaire pour la divinité. Ce à quoi saint Paul fit allusion en disant que l’homme devait apprendre à construire le temple intérieur, ce tabernacle de chair. A ce titre, la récitation du chapelet ou du rosaire constitue l’outil initiatique le plus efficace pour mener à bien une telle œuvre de l’esprit.

Notre-Dame du Rosaire par Simone Cantarini (XVIIe siècle)
Origines de la récitation du chapelet

La coutume de réciter de manière répétitive une même prière remonte à des temps fort lointains. En effet, nous constatons déjà, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, la coutume de répéter un certain nombre de fois l’oraison dominicale comme un moyen simple et efficace de se conformer au précepte des apôtres, recommandant de prier sans cesse. Les anciennes coutumes de Cluny compilées vers 1085 par Uldaric, révèlent que les religieux non prêtres devaient réciter cinquante psaumes ou cinquante Pater à l’intention de tout confrère dont ils apprenaient le décès.

Toutefois, ce fut au douzième siècle que l’usage de la salutation angélique se répandit. Il semble que l’on accompagnait alors chaque Ave d’une génuflexion, à l’instar de l’Ange du Seigneur représenté sur les images traditionnelles de l’annonciation. On rapporte également que le roi Saint Louis, chaque soir, fléchissait cinquante fois le genou en récitant lentement cinquante Ave. Un manuscrit de l’Ancre Riwle (antérieur à l’an 1200), une règle anglaise pour anachorètes, indique enfin une manière de réciter cinquante Ave, dix par dix, avec intercalation des versets de saint Luc (I, 35 et 37) après chaque dizaine, et des changement dans la position du corps.

IL faut cependant attendre saint Dominique (1170 – 1221, fondateur de l’Ordre des Frères Prêcheurs) pour voir apparaître le rosaire sous sa forme actuelle. A ce propos, la tradition nous précise que saint Dominique fut envoyé dans le midi de la France par le pape Innocent III, pour lutter contre l’hérésie albigeoise qui s’y répandait alors. Dans la ferveur d’une de ses oraisons, Marie lui serait apparue et lui aurait inspiré de répandre dans toute la chrétienté la pratique du rosaire, soit la récitation de cent cinquante Ave, distribués en quinze dizaines, précédées chacune d’un Pater et toute terminées par un Gloria Patri.

Historiquement, ce fut donc à Toulouse que saint Dominique institua le rosaire dont le nom fait allusion à la couronne de roses qu’on portait autrefois sur sur la tête de certaines processions en l’honneur de Marie. Réciter ces prières à la Vierge équivalait alors par comparaison avec un usage courtois du moyen âge, à lui tresser une couronne ou un chapeau (chapel) de roses. D’où le nome de couronne (en Italie), de chapelet, de rosaire, qui a peu près synonymes.

En outre, la rose fut toujours le symbole par excellence de la Vierge Marie. La liturgie catholique ne compare-t-elle pas Marie à une rose plantée au bord des eaux, quasi rosa plantata super rivos aquarum (capitule de vêpres du 7 octobre); quand aux litanies de la Vierge, elles l’invoquent sous le nom de rosa mystica. Plus encore, d’un point de vue purement symbolique, il est remarquable de constater que la rose sauvage, la fleur de l’églantier, comporte cinq pétales, le nombre 5 étant profondément rattaché au réalités mariales.

Le succès de la prédication du rosaire menée par saint Dominique auprès des fidèles catholiques fut si rapide qu’il surpassa toutes les espérances et étonna le clergé de Rome. Ce n’est toutefois qu’au quinzième siècle que la la pratique du rosaire fut enrichie d’une méditation portant sur quinze événements majeurs ayant marqué la vie du Christ et celle de Marie. Ces événements ou mystères furent regroupés en trois catégories distinctes : cinq mystères joyeux, cinq mystères douloureux et cinq mystères glorieux.

Sachant que le rosaire comporte quinze dizaines, un mystère fut associé à chacune d’entre elles. Ainsi, lors de la récitation des Ave, l’aspirant fut invité à méditer sur chacun des mystères en modifiant le thème de méditation pour chaque dizaine. Pratiquée de cette manière, la récitation du rosaire devient dès lors un outil profondément initiatique permettant d’accéder à des réalités supérieures de l’esprit par le puissant pouvoir des images ainsi évoquées. Notons cependant qu’en raison du temps nécessaire pour un tel exercice, les mystères furent associés à certains jours de la semaine permettant ainsi de ne réciter qu’un chapelet (cinq dizaines) par jour. L’association fut la suivante : lundi et jeudi (les mystères joyeux); mardi et vendredi (les mystères douloureux); mercredi, samedi et dimanche (les mystères glorieux). Or, chaque jour choisi correspond effectivement à la tonalité particulière du mystère qui lui est associé.

Structure symbolique du chapelet

Le chapelet comme outil servant à compte les Pater et les Ave est déjà en lui-même profondément initiatique du point de vue symbolique et hermétique. En observant sa composition matérielle, nous constatons qu’il est formé d’un cercle et d’une ligne droite. Cette particularité révèle déjà, du point de vue traditionnel, de profonds mystères. En effet, la ligne droite est le symbole universel du pôle positif de l’énergie créatrice (l’aspect masculin) alors que le cercle est, quand à lui, le symbole privilégié du pôle négatif (l’aspect féminin) de cette même énergie créatrice. Aussi, à un premier stade de réflexion, le chapelet nous apparaît déjà comme un objet symbolique dont le caractère magique est particulièrement évident.

En approfondissant notre observation, nous remarquons, en outre, que l’extrémité du chapelet se termine par une croix. Sur le plan symbolique, cette croix fait certes référence à la crucifixion du Christ mais elle est également le symbole de sa résurrection. D’un point de vue plus métaphysique, cette crucifixion devient purement symbolique. C’est la mystérieuse réconciliation du plan spirituel (symbolisé par l’axe vertical de la croix) et du plan corporel (symbolisé par l’axe horizontal de la croix), c’est le mariage mystique des traditions anciennes. Notons en ouvre que la tradition de l’hermétisme chrétien attribue à la croix une valeur opérative, celle d’exorciser et d’ouvrir la conscience aux réalités supérieures. En effet, la croix dégage par elle-même, en raison de sa forme particulière, des ondes de forme purificatrices et des énergies subtiles qui contribuent dans une large mesure à l’ouverture de la conscience. Par son symbolisme, elle permet également de participer aux grands mystères de la vie chrétienne.

Soulignons également que l’Église fut toujours parfaitement consciente de la dimension opérative de la croix. C’est en ce sens qu’elle enseigna, à la suite des apôtres, la nécessité que le signe de la croix soit tracé sur le front de l’impétrant au cours des rites baptismaux, ainsi qu’à l’intérieur de plusieurs autres rites sacrés. En effet, ce signe était considéré comme ayant la vertu de défendre le baptisé contre le démon. Déjà, au deuxième siècle, saint Justin écrit : « Le démon obéit à qui le chasse en prononçant le saint nom de Jésus, et en traçant le signe de croix. » La croix du chapelet rappelle enfin la nécessité de débuter l’exercice en se signant de manière à ouvrir l’aura aux forces supérieures qui seront évoquées par la suite.

Poursuivant notre analyse symbolique, nous remarquons que l’axe vertical surmonté de la croix, est composé de cinq grains séparés distinctement des autres servant à marquer les dizaines. Ces cinq premiers grains du chapelet sont évidemment associés à la symbolique du nombre 5 qui, sur un plan numérologique, correspond à l’antique quintessence des alchimistes. En effet, le nombre 5 est celui de la spiritualisation de la matière par le verbe. Il représente l’homme réalisé qui, à l’image du Christ ressuscité du tombeau de la matière, accomplit la transmutation des quatre éléments et en extrait une substance glorieuse incorruptible. C’est également le nombre de l’esprit qui, incarné dans la matière, le nombre 4 (la croix du monde), cherche à l’élever. Le nombre 5 est donc ici un symbole dominant du chapelet et représente en quelque sorte l’essence même de l’œuvre ainsi représentée.

Si nous voulons encore approfondir ce premier symbole numérique associé à l’axe vertical, nous constaterons que parmi ces cinq grains, trois grains sont regroupés de manière particulière, formant un triplet enchâssé entre deux grains solitaires disposés de part et d’autre du triplet. Les deux grains solitaires symbolisent la dualité, l’élément binaire structurant notre monde d’en bas. Les trois grains symbolisent, quand à eux, la trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, la dimension spirituelle de l’univers. En d’autres termes, la répartition de ces grains signifie que le binaire (le plan corporel) contient en lui-même le mystère de la trinité (le plan spirituel). C’est ici l’illustration et la démonstration symbolique que la matière formant notre univers (représentée par la dualité) est habitée par la divinité qui en constitue la dimension intérieure. C’est aussi l’expression du but ultime recherché par la pratique du chapelet : éveiller en soi la divinité latente par la réconciliation de notre dualité personnelle.

Cet axe vertical s’unit à la structure circulaire du chapelet par un élément de transition formé d’une médaille à l’effigie de Marie. Cette union est en quelque sorte un fécondation spirituelle (axe vertical) du monde (cercle des dizaines) à l’image de la pénétration du spermatozoïde rectiligne dans l’ovule circulaire. De même, cette union rappelle éloquemment le rôle sublime de Marie qui intercède auprès du Christ en vue de réconcilier notre monde visible avec le monde invisible. Cette médaille occupe donc une place de choix et représente l’union du ciel et de la terre, du plan vertical et du plan horizontal. Elle est également un symbole privilégié de la quintessence, du feu secret des alchimistes en action dans le travail du grand œuvre.

Si nous poursuivons notre étude, nous arrivons au cercle qui forme la structure principale du chapelet et se compose de cinquante grains regroupés en cinq dizaines. Encore une foix, cette disposition n’est pas exclusivement pragmatique puisque nous retrouvons le nombre 5 dont la signification a déjà été expliquée précédemment. Or il s’agit ici de cinq dizaines et dont nous découvrons tout une mystique nouvelle, celle du nombre 10. D’un point de vue traditionnel, ce nombre représente les dix séphirot de l’arbre de vie de la kabbale. Également dénombrés nombres-dieu, elles sont les dix énergies fondamentales qui structurent notre univers. Le nombre 10, est-il nécessaire de le préciser, est un symbole du plan de l’incarnation, du plan matériel.

Mais le nombre 10 est également associé aux dix hiérarchies : les neuf chœurs angéliques de la tradition chrétienne et une dixième hiérarchie correspondant à notre humanité. Pr, nous venons de le préciser, les neuf premières hiérarchies sont formés des chœurs angéliques dont la fonction est de déverser sur l’humanité le feu du ciel, ce feu au sujet duquel le Christ déclara : « Je suis venu apporter un feu et comme j’aimerais qu’il soit allumé. » La récitation des Ave prend donc ici la forme d’une véritable invocation des hiérarchies angéliques. A ce propos, la tradition initiatique de l’hermétisme chrétien recommande de réciter le rosaire en égrenant le premier chapelet dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, le second dans le sens horaire, et enfin le troisième à nouveau dans le sens anti-horaire. Ainsi, le 10 (le monde) est sublimé par le 5 ( la quintessence) dans une œuvre de participation aux réalités du ciel.

A la lumière de ce que nous venons d’affirmer, nous constatons déjà que le chapelet est, au niveau symbolique, un support exceptionnel et nous concevons aisément qu’il soit un véritable pentacle renfermant les plus grands mystères ésotériques du christianisme. Remarquons encore du point de vue essentiellement numérique que la récitation du chapelet suppose la répétition de cinquante-trois Ave (les trois Ave de l’axe vertical et ceux des cinq dizaines). Si bous appliquons à ce nombre une méthode de calcul usuelle dans le domaine de la numérologie, le procédé de réduction théosophique, nous obtenons le nombre 8 (5+3). Or, le nombre 8 est traditionnellement considéré comme le nombre du salut, le nombre de la rédemption et de la réalisation de soi. Ajoutons en outre que ce 8, extrait du 53, est issu de l’union du 5 et du 3, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un passage vers la divinité (le 3) en passant par le feu secret (le 5).

Si nous calculons maintenant le nombre d’Ave dans la récitation du rosaire, nous obtenons le nombre 153 (les trois Ave de l’axe vertical ajouté aux cent cinquante Ave des quinze dizaines. Or, au verset deux du chapitre vingt et un de l’Évangile selon saint Jean, nous pouvons lire : « Simon Pierre monta dans la barque et tira à terre le filet plein de cent cinquante-trois grands poissons. ». Si nous appliquons à ce nombre la méthode de la réduction théosophique présentée précédemment, nous obtenons le nombre 9 (1+5+3), le nombre d’Adam, c’est-à-dire le nombre symbolisant l’humanité toute entière, mais ayant ici atteint sa pleine réalisation spirituelle (153), le moi (le 1) purifié par le feu intérieur (le 5) devenant spirituel (le 3).

Par ailleurs, les quinze dizaines d’Ave correspondant aussi aux cent cinquante psaumes de David, autant d’étapes caractéristiques dans l’œuvre alchimique de la transmutation de la nature humaine. Longtemps d’ailleurs, le rosaire fut appelé le psautier des laïques. En effet, les laïques le récitaient à l’image de la pratique cléricale qui consistait à réciter les cent cinquante psaumes du psautier.

Il apparaît donc que la structure même du chapelet est à tout point de vue hautement symbolique. Cet objet sacré révèle déjà, par la simple disposition des grains qui le composent, de profonds mystères alchimiques. Signalons également que, par leur forme sphérique, les grains rappellent symboliquement l’énergie mariale, c’est-à-dire féminine, à l’œuvre dans la récitation du chapelet. Toute fois, la portée initiatique du rosaire ne saurait, répétons-le, se limiter à ces quelques considérations.

IL est également intéressant de noter que le chapelet constitue aussi un véritable talisman dans la mesure où il est puissamment chargé par la récitation répétitive des prières qui lui sont associées. En effet, lorsqu’une personne récite son chapelet en l’égrenant entre ses doigts, elle l’imprègne alors de son magnétisme de telle sorte que l’objet se charge très rapidement des hautes énergies de dévotion. Chargé de la sorte, il irradie et rayonne par la suite une force puissante. Sachant cela, il est important de bien choisir le chapelet en fonction du matériau avec lequel il est fabriqué. Les chapelets en matière plastique sont bien évidemment à éviter puisque le plastique est en quelque sorte imperméable aux énergies magnétiques. Nous recommandons le cristal de roche sur argent. En effet, le cristal de roche est une substance qui se magnétise de manière exceptionnelle, amplifiant en ouvre l’énergie reçue. L’argent, quand à lui, est un métal lunaire et il est, en ce sens, vecteur des forces féminines associées au culte marial et à l’œuvre de transmutation qu’il suppose.

Toutefois, pour bénéficier au maximum des effets produits par la récitation du chapelet, il importe de savoir le réciter convenablement.

Art de réciter le chapelet

Au cours des dernières années, la pratique du chapelet est tombé en désuétude. La principale critique porta sur le caractère mécanique et répétitif de cette prière. Or, il est évident que la répétition mécanique de cent cinquante-trois Ave entraîne l’établissement d’une certaine lassitude. Ayant oublié le caractère opératif d’une telle pratique, de plus en plus de croyants vinrent à penser qu’il valait mieux réciter la salutation angélique une seule fois avec une profonde dévotion plutôt que de la répéter cent cinquante-trois fois sur un ton monotone sans qu’aucune véritable piété ne soit présente.

Marie n’est pas sourde, pourrions-nous ajouter, et elle est sans doute apte à nous entendre dès la première salutation. De même, si nous percevons la prière comme une union intime et amoureuse avec le Christ ou avec Marie, le chapelet ne correspond pas en effet à ce genre de dévotion. Toute fois, il ne faut pas commettre l’erreur de penser que le chapelet est une pratique vaine ou inadéquate. Bien qu’elle suppose un climat de dévotion, la récitation du chapelet n’est pas un élan du cœur, mais bien une récitation mécanique. En d’autres termes, la récitation du chapelet n’est pas faite avec le cœur à la manière d’une déclaration d’amour, mais elle doit s’apparenter plutôt à ce qu’on appelle en orient la récitation d’un mantra. La récitation du chapelet est une pratique tout à fait analogue à la récitation mécanique de la prière hésycaste. Le mantra utilisé est cependant extrêmement particulier. En effet, il faut savoir que l’Ave possède dans sa forme latine une rythmique qui favorise un important changement d’état de conscience. Même récité en français, le « Je vous salue Marie » possède une rythmique bien spécifique qui produit également un effet vibratoire particulier au niveau des corps subtils (plans éthérique, astral et mental).

En effet, récité de manière répétitive, l’Ave engendre un effet psychique conduisant à la conscience à se libérer de l’emprise e la personnalité pour se tourner vers les mondes de l’esprit, les mondes intérieurs. Peu à peu, l’esprit plonge ainsi dans un état de conscience altérée où sa capacité de raisonner n’intervient plus. Rappelons-nous à ce propos l’exercice bien connu consistant à compter des moutons sautant un à un une clôture, à une même cadence. Cet exercice est réputé pour trouver le sommeil en période d’insomnie. C’est là un effet de la répétition sur l’état de conscience, le mental étant incité à déconnecter et à abdiquer. Aussi, la récitation répétitive et monotone du chapelet, vise à faire taire le mental afin que le silence, s’instaurant à l’intérieur de l’être, la vois de l’intuition, celle de Marie, puisse parvenir jusqu’à nous.

C’est pourquoi sa récitation doit adopter l’allure d’une belle psalmodie, et l’Église a donné une technique de récitation extrêmement précise mais trop souvent ignorée. Notons d’abord que le chapelet doit être chanté sur une seule note, comme le prescrit la tradition catholique. Cette note est habituellement soutenue par l’orgue pour en faciliter le maintien. La tradition précise en outre que cette note ne doit pas être choisie arbitrairement. En effet, la tonalité musicale est d’une très grande importance. Les anciens savaient que la vibration est essentielle dans la mesure où elle crée un support pour l’expansion de la conscience. Ainsi, l’Église préconisa de réciter le chapelet sur le mi, le fa ou le fa dièse qui s’avère être la notre la plus adéquate pour ce travail. Ces considération peuvent vous paraître étonnantes mais elles sont tirées de la tradition catholique romaine et l’hermétisme chrétien les considère comme très importantes.

Sachant ce qui précède, il ne reste plus maintenant qu’à signaler l’importance du rythme. Afin que l’exercice puisse être animé par un rythme adéquat, il convient de soigneusement respecter les médiantes, c’est-à-dire des arrêts au milieu de chaque partie. Ainsi, pour la première partie du Notre Père qui s’achève à « comme au ciel », une première pause est observée après « que votre règne arrive » et dans la seconde partie l’arrêt se fait après « à ceux qui nous ont offensés ». Pour la première partie du « Je vous salue Marie« , le premier arrêt se fait après le « Seigneur est avec vous » et dans la seconde partie, il se fait après « pauvres pécheurs ». Comme pour une psalmodie, on fera alterner les deux parties, la première étant dite par le côté gauche, la seconde par le côté droit, en inversant pour la dizaine suivante. On pourra aussi varier les attitudes, soit pour tous, selon les mystères évoqués, soit en faisant se mettre alternativement à genoux et debout, ou assis et debout, les deux chœurs. A la fin de la dizaine, tous se réunissent dans le chant du « Gloire à Dieu » (aire de Lourdes) ou pour sa récitation. Pour ces raisons, il est préférable que le chapelet soit récité à deux, ou par deux chœurs. L’alternance ainsi créée forme une véritable dynamique et génère un phénomène de balancement, également propice à favoriser le développement d’un état de conscience altérée.

Ainsi donc, à la lumière de ce qui précède, il apparait que la récitation du chapelet est une technique extrêmement précise dont le but premier est de provoquer une altération de la conscience. Il s’agit donc essentiellement d’une mécanique savante provoquant chez elui qui l’applique un véritable changement d’état de conscience. Toutefois et nonobstant ces considération, la récitation du chapelet n’exclut pas, comme nous l’avons vu, toute dévotion mais constitue bien davantage une technique de travail sur soi. Je vous invite donc à expérimenter cette méthode avec une personne avec laquelle vous partagez un lien privilégié. Après quelques pratiques, vous constaterez que cette récitation répétitive associée au phénomène d’alternance provoquent une véritable projection de la conscience. Vous serez alors en communion plus intime avec la nature intérieure des choses et des êtres. C’est une expérience fantastique. A partir de ce moment, vous pourrez comme un commencer un véritable travail spirituel sur le plan intérieur. La conscience de veille est en effet l’un des principaux obstacles à ce travail. De nombreux auteurs mystiques, saint Thomas d’Aquin et saint Augustin par exemple, ont affirmé cela avec autorité.

Ainsi, saint Tomas d’Aquin écrite dans sa Somme Théologique « cette aliénation des sens n’est pas, dans les prophètes, l’effet d’un désordre de nature, comme dans les possédés et le fous, mais résultat d’une cause ordonnée : soit naturelle, comme le sommeil; soit spirituelle, comme la véhémence de la contemplation, ainsi le cas de saint Pierre qui, en priant dans la chambre haute, « fut ravi hors de ses sens »; soit divine, selon cette parole d’Ezéchiel : « la main du Seigneur a reposé sur lui. ». Quand à saint Augustin, il déclare : « A moins de mourir en quelque sorte à cette vie, soit en quittant complètement le corps, soit en étant détourné et abstrait des sens corporels, personne ne peut être élevé à cette vision. ».

La récitation du chapelet s’avère en ce sens un outil particulièrement efficace. Une fois cet état de conscience atteint, l’aspirant ressent alors son corps d’une manière tout à fait différente. Souvent, le corps adopte une tendance à se balancer. Ce balancement est tout à fait normal. L’aspirant constate également qu’il possède une acuité psychique et spirituelle beaucoup plus précise. C’est à ce stade que la méditation en rapport avec les mystères associés au rosaire peut débuter. En effet, la récitation du rosaire suppose le mixage de différents thèmes de méditation bien spécifiques à la récitation des Ave : ce sont les quinze mystères qui sont en rapport avec la vie de Marie et de Jésus.

Les quinze mystères du rosaire

Il faut d’abord préciser que ces mystères en rapport avec la vie de Marie et de Jésus sont au nombre de quinze et que ce nombre est extrêmement important du point de vue alchimique. Le nombre 15 représente le feu secret (le 5) éveillé sur les trois plans de l’être humain : celui de l’esprit (correspondant aux mystères joyeux), celui de l’âme (correspondant aux mystères douloureux), celui du corps (correspondant aux mystères glorieux). Ce nombre invite l’aspirant à se libérer de l’emprise du monde afin que puisse s’incarner en lui la puissance de Dieu. Rappelons-nous à ce propos que Marie, alors âgée de trois ans, inaugura son itinéraire initiatique en gravissant les quinze marches du temple marquant ainsi sa séparation du du monde.

De même, les quinze mystères sont les quinze étapes successives proposées par la voie chrétienne à celui qui veut atteindre à une véritable réalisation spirituelle. Chacune de ces quinze étapes se caractérise par des expériences et des sentiments qui lui sont bien spécifiques. Aussi, l’aspirant s’efforcera de susciter en lui-même les sentiments propres à chaque mystère du rosaire et à les graver profondément dans sa conscience. Ce sont ces sentiments qui seront la base sur laquelle s’élaborera toute sa vie intérieure. De même, l’aspirant cherchera à vivre dans son quotidien les expériences en relation avec les mystères médités, accroissant ainsi ses forces intérieures nécessaire pour poursuive son œuvre sur le sentier menant à la libération.

Mystères joyeux

Les cinq premiers mystères, les mystères joyeux, correspondent à l’incarnation et à l’éveil du feu secret, de cette énergie spirituelle à l’origine de la transmutation alchimique. Les cinq premiers mystères sont donc cinq étapes extrêmement précises permettant au feu intérieur de s’éveiller au plus profond de l’être.

  1. Annonciation
  2. Visitation
  3. Nativité
  4. la Présentation de Jésus au Temple
  5. Le Recouvrement de Jésus au temple

Mystères douloureux

Les mystères douloureux, comme son nom l’indique, sont encore plus difficiles à vivre que les mystères joyeux. Ils sont en rapport avec la passion du Christ et correspondent à la deuxième étape de l’initiation : la rectification. Ainsi, après avoir bien pris conscience de sa nature divine et après l’avoir développée par le service à autrui, après avoir reconnu que rien n’est possible par lui-même et ainsi avoir acquis une conscience nouvelle, après avoir perdu tout ce qu’il possédait en développant une pauvreté réelle et en s’étant  ainsi totalement consacré aux lois cosmiques, après avoir modifié son attitude et sa manière de vivre conformément aux exigences du Christ intérieur, l’aspirant est conduit à la phase suivante : la rectification.

Dans cette seconde étape de son développement, l’aspirant découvre que, malgré sa prise de conscience nouvelle des réalités supérieures qui l’habitent, son passé demeure. Ce passé, lourd à traîner, est ce que les orientaux nomment le karma, ce que les chrétiens appellent le péché. En effet, tout aspirant porte sur ses épaules les conséquences des actes, des attitudes, des sentiments, des pensées qu’il a adoptés dans le passé et qu’il doit maintenant apprendre à rectifier.

  1. L’agonie de Jésus au jardin des oliviers
  2. La flagellation
  3. Le Couronnement d’épines
  4. Le Portement de croix
  5. La Crucifixion

Mystères glorieux

Les cinq mystères douloureux sont suivis des cinq derniers mystères du rosaire : les mystères glorieux. Enfin dégagé de la douleur, l’aspirant connaît alors la gloire. Ce n’est plus la joie de pressentir en lui les germes d’une vie nouvelle comme dans les mystères joyeux. Ce n’est plus la douloureuse préparation à l’adeptat comme dans les mystères douloureux. C’est maintenant l’épanouissement, le rayonnement de ce qui était originellement en potentiel. Ce troisième cycle de mystères est bien évidemment en association avec les réalités du nombre 3, le nombre de la plénitude et de la réalisation.

Les cinq mystères glorieux sont donc les mystères de la réalisation spirituelle.

  1. La Résurrection
  2. L’Ascension
  3. La Pentecôte
  4. L’Assomption de Marie au ciel
  5. Le Couronnement de Marie au ciel

***

A travers les quinze mystères du Rosaire, on découvre une richesse à la fois symbolique et pratique. A chaque mystère correspond en effet un instrument, un outil de travail associé à l’instrumenta des traditions alchimiques et chevaleresques d’autrefois. Celui qui se livre avec ferveur et dévotion chaque jour à la pratique du rosaire, s’offre donc le plus sûr moyen de progresser spirituellement. « Il faut que l’âme échappe à l’illusion égocentrique ou « séparative », déclare l’abbé Henri Stéphane, et le moyen de cette transfiguration est et demeure la prière. C’est en prononçant les noms divins de Jésus et de Marie que l’esprit accomplit en nous le mystère de l’Incarnation et de la Transfiguration, de la Purification et de l’Illumination. En disant « Marie » l’âme s’identifie à la substance primordiale toujours vierge; en disant « Jésus », le Verbe-Intellect s’y incarne et la transfigure. Et tout cela est l’œuvre du Saint-Esprit. ».

Ainsi, dans cet état de conscience particulier favorisé par la récitation du chapelet, lorsque le mental est neutralisé et que tout l’être est en quelque sorte programmé par les énergies psychiques de lAve Maria , la visualisation des quinze mystères associés aux sentiments correspondants devient une pratique initiatique exceptionnelle dont les effets alchimiques sont considérables. Lorsque ces quinze images sont fixées dans la conscience et qu’elles sont l’objet d’une profonde méditation, l’aspirant intègre véritablement ce qu’elles signifient sur un plan symbolique. La pratique du rosaire ouvre ainsi les portes du monde d’en haut et permet à l’aspirant de pénétrer les plus profonds mystères de la vie, de la mort et de la renaissance.

Messe de Notre-Dame du Rosaire

Sources :

Cet enseignement sur le rosaire est principalement tiré de la tradition de l’hermétisme chrétien telle qu’enseignée par Charles-Raphaël Payeur (évêque de l’Eglise Catholique et Apostolique du Brésil et fondateur de la Fraternité Saint Jean au Québec). On pourra se reporter à ses deux conférences parues aux Editions de l’Aigle : « L’Ave Maria, prière initiatique » et « Le cinquième avatar et sa mission, la vie secrète de la Vierge Marie » (fascicule où il est traité plus précisément de la récitation du rosaire)

Voir aussi :