Chapelet

Structure symbolique du chapelet

Le chapelet comme outil servant à compte les Pater et les Ave est déjà en lui-même profondément initiatique du point de vue symbolique et hermétique. En observant sa composition matérielle, nous constatons qu’il est formé d’un cercle et d’une ligne droite. Cette particularité révèle déjà, du point de vue traditionnel, de profonds mystères. En effet, la ligne droite est le symbole universel du pôle positif de l’énergie créatrice (l’aspect masculin) alors que le cercle est, quand à lui, le symbole privilégié du pôle négatif (l’aspect féminin) de cette même énergie créatrice. Aussi, à un premier stade de réflexion, le chapelet nous apparaît déjà comme un objet symbolique dont le caractère magique est particulièrement évident.

En approfondissant notre observation, nous remarquons, en outre, que l’extrémité du chapelet se termine par une croix. Sur le plan symbolique, cette croix fait certes référence à la crucifixion du Christ mais elle est également le symbole de sa résurrection. D’un point de vue plus métaphysique, cette crucifixion devient purement symbolique. C’est la mystérieuse réconciliation du plan spirituel (symbolisé par l’axe vertical de la croix) et du plan corporel (symbolisé par l’axe horizontal de la croix), c’est le mariage mystique des traditions anciennes. Notons en ouvre que la tradition de l’hermétisme chrétien attribue à la croix une valeur opérative, celle d’exorciser et d’ouvrir la conscience aux réalités supérieures. En effet, la croix dégage par elle-même, en raison de sa forme particulière, des ondes de forme purificatrices et des énergies subtiles qui contribuent dans une large mesure à l’ouverture de la conscience. Par son symbolisme, elle permet également de participer aux grands mystères de la vie chrétienne.

Soulignons également que l’Église fut toujours parfaitement consciente de la dimension opérative de la croix. C’est en ce sens qu’elle enseigna, à la suite des apôtres, la nécessité que le signe de la croix soit tracé sur le front de l’impétrant au cours des rites baptismaux, ainsi qu’à l’intérieur de plusieurs autres rites sacrés. En effet, ce signe était considéré comme ayant la vertu de défendre le baptisé contre le démon. Déjà, au deuxième siècle, saint Justin écrit : « Le démon obéit à qui le chasse en prononçant le saint nom de Jésus, et en traçant le signe de croix. » La croix du chapelet rappelle enfin la nécessité de débuter l’exercice en se signant de manière à ouvrir l’aura aux forces supérieures qui seront évoquées par la suite.

Poursuivant notre analyse symbolique, nous remarquons que l’axe vertical surmonté de la croix, est composé de cinq grains séparés distinctement des autres servant à marquer les dizaines. Ces cinq premiers grains du chapelet sont évidemment associés à la symbolique du nombre 5 qui, sur un plan numérologique, correspond à l’antique quintessence des alchimistes. En effet, le nombre 5 est celui de la spiritualisation de la matière par le verbe. Il représente l’homme réalisé qui, à l’image du Christ ressuscité du tombeau de la matière, accomplit la transmutation des quatre éléments et en extrait une substance glorieuse incorruptible. C’est également le nombre de l’esprit qui, incarné dans la matière, le nombre 4 (la croix du monde), cherche à l’élever. Le nombre 5 est donc ici un symbole dominant du chapelet et représente en quelque sorte l’essence même de l’œuvre ainsi représentée.

Si nous voulons encore approfondir ce premier symbole numérique associé à l’axe vertical, nous constaterons que parmi ces cinq grains, trois grains sont regroupés de manière particulière, formant un triplet enchâssé entre deux grains solitaires disposés de part et d’autre du triplet. Les deux grains solitaires symbolisent la dualité, l’élément binaire structurant notre monde d’en bas. Les trois grains symbolisent, quand à eux, la trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, la dimension spirituelle de l’univers. En d’autres termes, la répartition de ces grains signifie que le binaire (le plan corporel) contient en lui-même le mystère de la trinité (le plan spirituel). C’est ici l’illustration et la démonstration symbolique que la matière formant notre univers (représentée par la dualité) est habitée par la divinité qui en constitue la dimension intérieure. C’est aussi l’expression du but ultime recherché par la pratique du chapelet : éveiller en soi la divinité latente par la réconciliation de notre dualité personnelle.

Cet axe vertical s’unit à la structure circulaire du chapelet par un élément de transition formé d’une médaille à l’effigie de Marie. Cette union est en quelque sorte un fécondation spirituelle (axe vertical) du monde (cercle des dizaines) à l’image de la pénétration du spermatozoïde rectiligne dans l’ovule circulaire. De même, cette union rappelle éloquemment le rôle sublime de Marie qui intercède auprès du Christ en vue de réconcilier notre monde visible avec le monde invisible. Cette médaille occupe donc une place de choix et représente l’union du ciel et de la terre, du plan vertical et du plan horizontal. Elle est également un symbole privilégié de la quintessence, du feu secret des alchimistes en action dans le travail du grand œuvre.

Si nous poursuivons notre étude, nous arrivons au cercle qui forme la structure principale du chapelet et se compose de cinquante grains regroupés en cinq dizaines. Encore une foix, cette disposition n’est pas exclusivement pragmatique puisque nous retrouvons le nombre 5 dont la signification a déjà été expliquée précédemment. Or il s’agit ici de cinq dizaines et dont nous découvrons tout une mystique nouvelle, celle du nombre 10. D’un point de vue traditionnel, ce nombre représente les dix séphirot de l’arbre de vie de la kabbale. Également dénombrés nombres-dieu, elles sont les dix énergies fondamentales qui structurent notre univers. Le nombre 10, est-il nécessaire de le préciser, est un symbole du plan de l’incarnation, du plan matériel.

Mais le nombre 10 est également associé aux dix hiérarchies : les neuf chœurs angéliques de la tradition chrétienne et une dixième hiérarchie correspondant à notre humanité. Pr, nous venons de le préciser, les neuf premières hiérarchies sont formés des chœurs angéliques dont la fonction est de déverser sur l’humanité le feu du ciel, ce feu au sujet duquel le Christ déclara : « Je suis venu apporter un feu et comme j’aimerais qu’il soit allumé. » La récitation des Ave prend donc ici la forme d’une véritable invocation des hiérarchies angéliques. A ce propos, la tradition initiatique de l’hermétisme chrétien recommande de réciter le rosaire en égrenant le premier chapelet dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, le second dans le sens horaire, et enfin le troisième à nouveau dans le sens anti-horaire. Ainsi, le 10 (le monde) est sublimé par le 5 ( la quintessence) dans une œuvre de participation aux réalités du ciel.

A la lumière de ce que nous venons d’affirmer, nous constatons déjà que le chapelet est, au niveau symbolique, un support exceptionnel et nous concevons aisément qu’il soit un véritable pentacle renfermant les plus grands mystères ésotériques du christianisme. Remarquons encore du point de vue essentiellement numérique que la récitation du chapelet suppose la répétition de cinquante-trois Ave (les trois Ave de l’axe vertical et ceux des cinq dizaines). Si bous appliquons à ce nombre une méthode de calcul usuelle dans le domaine de la numérologie, le procédé de réduction théosophique, nous obtenons le nombre 8 (5+3). Or, le nombre 8 est traditionnellement considéré comme le nombre du salut, le nombre de la rédemption et de la réalisation de soi. Ajoutons en outre que ce 8, extrait du 53, est issu de l’union du 5 et du 3, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un passage vers la divinité (le 3) en passant par le feu secret (le 5).

Si nous calculons maintenant le nombre d’Ave dans la récitation du rosaire, nous obtenons le nombre 153 (les trois Ave de l’axe vertical ajouté aux cent cinquante Ave des quinze dizaines. Or, au verset deux du chapitre vingt et un de l’Évangile selon saint Jean, nous pouvons lire : « Simon Pierre monta dans la barque et tira à terre le filet plein de cent cinquante-trois grands poissons. ». Si nous appliquons à ce nombre la méthode de la réduction théosophique présentée précédemment, nous obtenons le nombre 9 (1+5+3), le nombre d’Adam, c’est-à-dire le nombre symbolisant l’humanité toute entière, mais ayant ici atteint sa pleine réalisation spirituelle (153), le moi (le 1) purifié par le feu intérieur (le 5) devenant spirituel (le 3).

Par ailleurs, les quinze dizaines d’Ave correspondant aussi aux cent cinquante psaumes de David, autant d’étapes caractéristiques dans l’œuvre alchimique de la transmutation de la nature humaine. Longtemps d’ailleurs, le rosaire fut appelé le psautier des laïques. En effet, les laïques le récitaient à l’image de la pratique cléricale qui consistait à réciter les cent cinquante psaumes du psautier.

Il apparaît donc que la structure même du chapelet est à tout point de vue hautement symbolique. Cet objet sacré révèle déjà, par la simple disposition des grains qui le composent, de profonds mystères alchimiques. Signalons également que, par leur forme sphérique, les grains rappellent symboliquement l’énergie mariale, c’est-à-dire féminine, à l’œuvre dans la récitation du chapelet. Toute fois, la portée initiatique du rosaire ne saurait, répétons-le, se limiter à ces quelques considérations.

IL est également intéressant de noter que le chapelet constitue aussi un véritable talisman dans la mesure où il est puissamment chargé par la récitation répétitive des prières qui lui sont associées. En effet, lorsqu’une personne récite son chapelet en l’égrenant entre ses doigts, elle l’imprègne alors de son magnétisme de telle sorte que l’objet se charge très rapidement des hautes énergies de dévotion. Chargé de la sorte, il irradie et rayonne par la suite une force puissante. Sachant cela, il est important de bien choisir le chapelet en fonction du matériau avec lequel il est fabriqué. Les chapelets en matière plastique sont bien évidemment à éviter puisque le plastique est en quelque sorte imperméable aux énergies magnétiques. Nous recommandons le cristal de roche sur argent. En effet, le cristal de roche est une substance qui se magnétise de manière exceptionnelle, amplifiant en ouvre l’énergie reçue. L’argent, quand à lui, est un métal lunaire et il est, en ce sens, vecteur des forces féminines associées au culte marial et à l’œuvre de transmutation qu’il suppose.

Toutefois, pour bénéficier au maximum des effets produits par la récitation du chapelet, il importe de savoir le réciter convenablement.

Art de réciter le chapelet

Au cours des dernières années, la pratique du chapelet est tombé en désuétude. La principale critique porta sur le caractère mécanique et répétitif de cette prière. Or, il est évident que la répétition mécanique de cent cinquante-trois Ave entraîne l’établissement d’une certaine lassitude. Ayant oublié le caractère opératif d’une telle pratique, de plus en plus de croyants vinrent à penser qu’il valait mieux réciter la salutation angélique une seule fois avec une profonde dévotion plutôt que de la répéter cent cinquante-trois fois sur un ton monotone sans qu’aucune véritable piété ne soit présente.

Marie n’est pas sourde, pourrions-nous ajouter, et elle est sans doute apte à nous entendre dès la première salutation. De même, si nous percevons la prière comme une union intime et amoureuse avec le Christ ou avec Marie, le chapelet ne correspond pas en effet à ce genre de dévotion. Toute fois, il ne faut pas commettre l’erreur de penser que le chapelet est une pratique vaine ou inadéquate. Bien qu’elle suppose un climat de dévotion, la récitation du chapelet n’est pas un élan du cœur, mais bien une récitation mécanique. En d’autres termes, la récitation du chapelet n’est pas faite avec le cœur à la manière d’une déclaration d’amour, mais elle doit s’apparenter plutôt à ce qu’on appelle en orient la récitation d’un mantra. La récitation du chapelet est une pratique tout à fait analogue à la récitation mécanique de la prière hésycaste. Le mantra utilisé est cependant extrêmement particulier. En effet, il faut savoir que l’Ave possède dans sa forme latine une rythmique qui favorise un important changement d’état de conscience. Même récité en français, le « Je vous salue Marie » possède une rythmique bien spécifique qui produit également un effet vibratoire particulier au niveau des corps subtils (plans éthérique, astral et mental).

En effet, récité de manière répétitive, l’Ave engendre un effet psychique conduisant à la conscience à se libérer de l’emprise e la personnalité pour se tourner vers les mondes de l’esprit, les mondes intérieurs. Peu à peu, l’esprit plonge ainsi dans un état de conscience altérée où sa capacité de raisonner n’intervient plus. Rappelons-nous à ce propos l’exercice bien connu consistant à compter des moutons sautant un à un une clôture, à une même cadence. Cet exercice est réputé pour trouver le sommeil en période d’insomnie. C’est là un effet de la répétition sur l’état de conscience, le mental étant incité à déconnecter et à abdiquer. Aussi, la récitation répétitive et monotone du chapelet, vise à faire taire le mental afin que le silence, s’instaurant à l’intérieur de l’être, la vois de l’intuition, celle de Marie, puisse parvenir jusqu’à nous.

C’est pourquoi sa récitation doit adopter l’allure d’une belle psalmodie, et l’Église a donné une technique de récitation extrêmement précise mais trop souvent ignorée. Notons d’abord que le chapelet doit être chanté sur une seule note, comme le prescrit la tradition catholique. Cette note est habituellement soutenue par l’orgue pour en faciliter le maintien. La tradition précise en outre que cette note ne doit pas être choisie arbitrairement. En effet, la tonalité musicale est d’une très grande importance. Les anciens savaient que la vibration est essentielle dans la mesure où elle crée un support pour l’expansion de la conscience. Ainsi, l’Église préconisa de réciter le chapelet sur le mi, le fa ou le fa dièse qui s’avère être la notre la plus adéquate pour ce travail. Ces considération peuvent vous paraître étonnantes mais elles sont tirées de la tradition catholique romaine et l’hermétisme chrétien les considère comme très importantes.

Sachant ce qui précède, il ne reste plus maintenant qu’à signaler l’importance du rythme. Afin que l’exercice puisse être animé par un rythme adéquat, il convient de soigneusement respecter les médiantes, c’est-à-dire des arrêts au milieu de chaque partie. Ainsi, pour la première partie du Notre Père qui s’achève à « comme au ciel », une première pause est observée après « que votre règne arrive » et dans la seconde partie l’arrêt se fait après « à ceux qui nous ont offensés ». Pour la première partie du « Je vous salue Marie« , le premier arrêt se fait après le « Seigneur est avec vous » et dans la seconde partie, il se fait après « pauvres pécheurs ». Comme pour une psalmodie, on fera alterner les deux parties, la première étant dite par le côté gauche, la seconde par le côté droit, en inversant pour la dizaine suivante. On pourra aussi varier les attitudes, soit pour tous, selon les mystères évoqués, soit en faisant se mettre alternativement à genoux et debout, ou assis et debout, les deux chœurs. A la fin de la dizaine, tous se réunissent dans le chant du « Gloire à Dieu » (aire de Lourdes) ou pour sa récitation. Pour ces raisons, il est préférable que le chapelet soit récité à deux, ou par deux chœurs. L’alternance ainsi créée forme une véritable dynamique et génère un phénomène de balancement, également propice à favoriser le développement d’un état de conscience altérée.

Ainsi donc, à la lumière de ce qui précède, il apparait que la récitation du chapelet est une technique extrêmement précise dont le but premier est de provoquer une altération de la conscience. Il s’agit donc essentiellement d’une mécanique savante provoquant chez elui qui l’applique un véritable changement d’état de conscience. Toutefois et nonobstant ces considération, la récitation du chapelet n’exclut pas, comme nous l’avons vu, toute dévotion mais constitue bien davantage une technique de travail sur soi. Je vous invite donc à expérimenter cette méthode avec une personne avec laquelle vous partagez un lien privilégié. Après quelques pratiques, vous constaterez que cette récitation répétitive associée au phénomène d’alternance provoquent une véritable projection de la conscience. Vous serez alors en communion plus intime avec la nature intérieure des choses et des êtres. C’est une expérience fantastique. A partir de ce moment, vous pourrez comme un commencer un véritable travail spirituel sur le plan intérieur. La conscience de veille est en effet l’un des principaux obstacles à ce travail. De nombreux auteurs mystiques, saint Thomas d’Aquin et saint Augustin par exemple, ont affirmé cela avec autorité.

Ainsi, saint Tomas d’Aquin écrite dans sa Somme Théologique « cette aliénation des sens n’est pas, dans les prophètes, l’effet d’un désordre de nature, comme dans les possédés et le fous, mais résultat d’une cause ordonnée : soit naturelle, comme le sommeil; soit spirituelle, comme la véhémence de la contemplation, ainsi le cas de saint Pierre qui, en priant dans la chambre haute, « fut ravi hors de ses sens »; soit divine, selon cette parole d’Ezéchiel : « la main du Seigneur a reposé sur lui. ». Quand à saint Augustin, il déclare : « A moins de mourir en quelque sorte à cette vie, soit en quittant complètement le corps, soit en étant détourné et abstrait des sens corporels, personne ne peut être élevé à cette vision. ».

La récitation du chapelet s’avère en ce sens un outil particulièrement efficace. Une fois cet état de conscience atteint, l’aspirant ressent alors son corps d’une manière tout à fait différente. Souvent, le corps adopte une tendance à se balancer. Ce balancement est tout à fait normal. L’aspirant constate également qu’il possède une acuité psychique et spirituelle beaucoup plus précise. C’est à ce stade que la méditation en rapport avec les mystères associés au rosaire peut débuter. En effet, la récitation du rosaire suppose le mixage de différents thèmes de méditation bien spécifiques à la récitation des Ave : ce sont les quinze mystères qui sont en rapport avec la vie de Marie et de Jésus.

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